II.13. La transposition et les traces écrites.

Si le savoir des enseignants, comme celui des artisans et des praticiens, émerge dans l’action professionnelle, il peut aussi se limiter aux "savoirs d’expérience" concernant l’élaboration de contenus d’enseignement de l’activité handball qui suppose un savoir de la pratique d’enseignement et un savoir de la pratique sportive. L’écriture, les pratiques sociales d’écritures, professionnelles en l’occurrence « doivent être pensées comme des objets scientifiquement légitimes »100 selon Bernard Lahire.

La transposition didactique s’inscrit-elle dans ce double effet d’avoir une pratique du savoir et de convoquer sa pratique de l’enseignement pour planifier ? Il semble raisonnable d’accepter que la transposition didactique soit une pratique du savoir incluse dans une pratique d’enseignement.Les traces écrites de planification sont selon nous une cristallisation momentanée des différentes pratiques conduisant à l’enseignement. La transposition didactique pose autant la question du quoi enseigner que du comment enseigner. Le savoir déposé dans les écrits de planification est un savoir en puissance, mais il ne peut passer à l’acte sans une présentation didactique spécifique au contexte et au savoir lui-même. Il y a donc des contraintes didactiques spécifiques à la manière dont la transposition en question peut se faire. La logique du savoir s’inscrit dans une logique d’exposé et dans une logique [de] pratique c’est-à-dire d’action d’enseignement pour plus tard.

La mise en forme écrite des savoirs originaux ou experts101 subit alors une triple contrainte lors de la transposition didactique. Par ses écrits de planification, l’enseignant construit des situations d’apprentissage qui vont entremêler logique du savoir et logique d’acquisition supposée des élèves avec sa propre logique d’enseignement ou d’exposé. Cette phase qui est caractérisée par la préparation écrite de leçon, nous l’appelons « phase de la construction du savoir à enseigner ».

En éducation physique et sportive, les « savoirs originaux  »reposent déjà sur une perception moins bureaucratique (il n’y a pas de livres de cours en E.P.S.) et plus professionnelle des connaissances et compétences à enseigner. Cependant, ce qui s’enseigne réellement en éducation physique et la façon dont cela s’enseigne est peut-être déjà inscrit dans les écrits de planification.

Notes
100.

Lahire, B. (1990). Sociologie des pratiques d’écriture. Contribution à l’analyse du lien entre le social et le langagier. Revue, Ethnologie Française, XX, 1990, 262-273.

101.

Nous mobilisons deux concepts différents en ce qui concerne l’éducation physique et sportive pour une mise en correspondance avec la proposition d’Yves Chevallard du concept de « savoir savant ». N’ayant pas de « savoir savant » à transposer, l’éducation physique et sportive s’appuie sur des « savoirs experts » que nous attribuons aux spécialistes des différentes activités physiques et sportives et sur des « savoirs originaux » venant des connaissances et compétences qu’ont les enseignants de leur pratique d’éducation motrice pour constituer les objets d’enseignement. Nous employons le concept de « savoir savant » lorsqu’il s’agit d’une réflexion générale sur la transposition didactique. Quand nous discutons du paradigme de la transposition didactique pour le cas de l’éducation physique et sportive, les notions de « savoirs experts » « savoirs originaux » ou « savoirs de références » seront employées à la place de « savoir savant ».