III - Discussions sur la proposition d’un schéma de la transposition didactique.

L’enseignant transpose à son niveau les différentes formes de savoirs. Il est le médiateurd’une culture dans laquelle il naît. Il fait une didactique praticienne en reconstruisant pour son propre compte les théories qui concernent sa pratique. Nous réintroduisons ainsi la subjectivité de l’enseignant comme agent actif, transposant autant son savoir privé que celui qu’il souhaite enseigner. Il filtre en quelque sorte les savoirs de références par le savoir qu’il détient d’eux et de sa pratique professionnelle. Ainsi rejoignons-nous l’hypothèse d’un savoir pluriel développée par Maurice Tardif, par Claude Lessard et par Louise Lahaye lorsqu’ils disent « que le savoir enseignant se compose en fait de plusieurs savoirs, qui proviennent de diverses sources »106.

Le schéma que nous proposons tente de montrer l’indissociabilité des savoirs et de ceux qui sont appelés à les penser pour enseigner et pour apprendre. Les savoirs enseignés sont construits en ce lieu par l’enseignant et sont naturellement mis en œuvre par ce dernier. Ainsi, la situation d’apprentissage est pour nous ce milieu ou ce médiateur artificiellement construit pour organiser les occasions de rencontre entre savoirs à apprendre et l’apprentissage des élèves. Non sans raison, Jean-Paul Dugal et Yvon Léziart proposent le concept de « milieu didactique »107 comme lieu de la mise en scène des savoirs à apprendre.

Le modèle de la transposition didactique que nous venons d’étudier doit permettre de sortir de l’impression des actes d’enseignement normaux c'est-à-dire naturels ou « allant de soi ». Cette rapide étude de la transposition didactique doit transformer en problèmes de didactique des questions produites et formulées d’abord dans les termes d’une culture ordinaire et commune à l’enseignement de l’éducation physique et sportive. Le modèle en question nous pousse à une requalification de la complexité ; ci-dessous ce nouveau schéma en est le résultat.

Figure 4. Schéma fonctionnel de la transposition didactique.
Figure 4. Schéma fonctionnel de la transposition didactique.

Dans la relation enseignant/enseigné, l’élève transpose à partir de la rencontre des différents savoirs en présence lorsqu’il se trouve en conflit avec la tâche proposée. Il n’est pas seulement en présence du savoir à enseigner tel qu’il est transposé et comme pourrait le faire croire le paradigme de la transposition didactique. Il est plus ou moins en présence de tous les savoirs dont il dispose, lesquels ne peuvent se réduire à la seule idée de représentation. La tâche est comprise aussi comme situation d’apprentissage donatrice de sens et doit avoir des rapports pertinents avec le corps du savoir de référence choisi comme unité enseignable. S’il y a rupture dans l’espace de médiation, il n’y a plus transposition ; c’est un autre savoir contingent à la situation qui est appris.

Il était important de montrer le système de relations qui organisent les activités d’apprentissage dans une forme de communauté de pratiques et d’échanges. Ces différents réseaux instituent autant des normes d’enseignement, des valeurs éducatives et des attitudes aux apprenants qu’un apprentissage des savoirs. Nous essayons seulement de ne pas réduire la perception anthropologique du phénomène de transposition didactique et de planification à des territoires (savoir savant, savoir scientifique, savoir à enseigner, savoir acquis, enseignant, élève, etc.). Le nouveau schéma est constitué afin de pouvoir suivre les réseaux les plus importants qui relient les différents savoirs. De plus, il est impossible d’universaliser l’élève comme il est vain de le réduire au cadre étroit du seul relativisme du savoir savant. Nous souhaitons montrer qu’il existe des réseaux verticaux autant qu’obliques, et même des réseaux transversaux lorsque l’enseignant transpose et lorsque l’élève apprend.

La savoir n’existe pas sans pratique, celle de l’enseignant ou celle de l’élève ; en fait, il n’y a que des pratiques du savoir. Tous les savoirs constituent des collectifs qui impliquent savoirs, élèves, enseignant ; aucun ne peut se réduire aux autres.

Notes
106.

Tardif, M., Lessard, C., & Lahaye, L. (1991). Les enseignants des ordres d’enseignement primaire et secondaire face aux savoirs. Esquisse d’une problématique du savoir enseignant. Sociologie et sociétés, vol. XXIII, 1,55-69.

107.

Dugal, J.P., & Léziart, Y. (2004). La circulation des savoirs entre recherche et formation : l’exemple des concepts didactiques lors d’une action de formation de conseillers pédagogiques. Revue Française de Pédagogie, 149, 37-47.