Chapitre 3. La notion de situation d’apprentissage.

I - La situation d’apprentissage comme élément de signification de la structure générale de l’écrit.

La littérature didactique en éducation physique et sportive ne donne pas une définition précise de la situation d’apprentissage mais on remarque qu’elle emploie indistinctement, par glissements sémantiques, les notions de « situation d’enseignement » « situation d’apprentissage » « tâche » « exercice » « séquence » « situation de référence » « situation problème » « situation motrice » pour désigner ce que nous tentons de définir ci-dessous.

Nous repérons les situations d’apprentissage dans les traces écrites par des marqueurs scénographiques tel que : sit, situa, exercice, 1°, a), par un tiret ou simplement un saut de ligne ou bien un croquis suivi d’énoncés. Elles représentent pour nous une rupture entre ce qui précède et ce qui suit dans les traces écrites et peuvent être considérées indépendamment les unes des autres comme une totalité à enseigner. Elles correspondent à un temps d’apprentissage, elles sont une unité de fonction au sein de la leçon. Mais collectivement ils deviennent des marqueurs scénographiques permettant de comprendre l’agencement de l’espace scénique de la leçon ou de la situation d’apprentissage.

La situation d’apprentissage est un ensemble de circonstances que les choix didactiques de l’enseignant créent dans l’intention d’amener un élève à construire et acquérir un savoir par l’action motrice.

Une situation d’apprentissage est composée en général dans le cadre de l’enseignement de l’éducation physique et sportive d’une série d’actions à faire ; mais elle peut être aussi un jeu dans son ensemble. Ainsi, dans les écrits de planification, le caractère isolable de ce qu’il y a à faire et son degré d’indépendance avec ce qui l’entoure indique qu’il y a là une situation d’apprentissage. Plus précisément, nous comprenons la situation d’apprentissage comme plus complexe qu’un geste précis à reproduire et moins compliqué qu’un cadre général d’enseignement comme peut l’être celui d’une leçon.

Dans les traces écrites analysées, il arrive parfois que l’enseignant identifie la situation d’apprentissage par l’objectif technique ou le principe recherché sans aucun autre énoncé. Ainsi planifie-t-il « w de la passe » ou « passe à dix » (principe de conservation du ballon). Il nous revient alors à reconstruire les déterminants didactiques contenus dans ces propositions de situations d’apprentissage.

Dans notre travail, nous limitons l’étude de la situation d’apprentissage dans ces aspects didactiques bien que l’analyse nous conduit à envisager la signification des intentions d’enseignement planifiées donc à aborder certains aspects pédagogiques.

Selon un axe de complexification, une situation d’apprentissage planifiée dans l’activité handball peut aller d’une simple action à faire à une série d’actions conduisant les élèves au traitement d’une problématique. Cependant, même si plusieurs situations d’apprentissage sont liées par une logique cumulative ou une cohérence d’apprentissage, chacune garde son indépendance par le seul fait de changer par exemple de type d’action, de matériel, de lieu ou d’effectif. Par exemple, un travail de passe face à face est identifié comme une situation d’apprentissage même si l’enseignant propose comme situation suivante une montée de balle en passes à trois sur le terrain.

La situation d’apprentissage planifiée peut comporter des critères de réussite et des indications concernant l’organisation et la gestion de celle-ci. L’environnement technologique de la situation d’apprentissage peut être défini par l’espace de travail et les conditions matérielles, par exemple : « trois attaquants contre deux défenseurs sur une moitié de terrain, poser la balle entre les plots pour marquer ». Dans sa cohérence interne, elle indique parfois ce que veut faire l’enseignant ou ce qu’il veut faire faire aux élèves.

Ce qui caractérise les situations d’apprentissage que nous analysons est leur très grande variété, que ce soit au niveau de leur conception générale ou de la signification des énoncés qui la composent.

Nous partons de l’idée que l’écrit de planification d’une situation d’apprentissage n’indique pas toutes les entrées possibles susceptibles de permettre la construction des connaissances. Cependant, la mise en relation de quelques énoncés ou croquis planifiés suffit pour rendre compte de tout un contexte d’apprentissage ; ainsi, par déduction, nous pouvons parfois reconstituer les facteurs constitutifs d’une situation d’apprentissage. Nous proposons d’ailleurs un modèle type de situation d’apprentissage dans ses seuls aspects didactiques comme référent permettant de développer une interprétation des écrits planifiés. Les paramètres et unités didactiques que nous avons retenus définissent d’un point de vue didactique la situation d’apprentissage.

La programmation d’une situation d’apprentissage peut s’apparenter à une méthode (en réduction) pour faire apprendre, si l’on suit le discours de Michel Develay (1996) concernant cette dernière : « une méthode correspond à la coordination de diverses démarches en une totalité organisée cohérente »108, et l’auteur de rajouter « qu’il est logique que toute méthode soit une impossible synthèse » ou « chimère vers laquelle »109 tendre. Ainsi, les situations d’apprentissage planifiées sont moins saisies comme une méthode stabilisée mais plus comme une façon de faire face à différents contextes d’enseignement et la volonté de faire apprendre quelque chose c'est-à-dire qu’elles disent inlassablement comment les enseignants s’y prennent pour planifier et penser leur enseignement à venir. C’est concevoir l’analyse des situations d’apprentissage « en termes de méthodologie et non de méthode »110 en recherchant des indications sur la professionnalité de ces enseignants dans ces synthèses momentanées d’une profession qu’elles représentent.

Notes
108.

Develay, M. (1996). Boire et déboires des méthodes en pédagogie ou comment penser l’impossible et nécessaire méthode. Actes du colloque d’Angers (9-11 juillet 1996). Le pédagogue et la modernité. (p.2).

109.

Develay, M. (1996). Déjà cité. (p.4).

110.

Develay, M. (1996). Déjà cité. (p.8).