II - La situation d’apprentissage et méthode d’analyse.

Les unités de communication que représentent les éléments séparés de l’écrit – les mots, les phrases, les dessins, les chiffres ainsi que les énoncés pris isolément – nous semblent impropres pour une interprétation directe conduisant à identifier une stratégie didactique. Nous sommes conduit à imaginer un système de traduction qui puisse tenir compte en permanence du contexte de l’écrit en tant qu’ensemble unitaire, même si notre travail d’analyse revient à classer, à catégoriser et à identifier les signes écrits en langage signifiant tel une analyse sémantique111 professionnelle. L’utilisation de modèles construits a priori dans un mouvement "inductif-déductif" nous est d’un grand secours pour comprendre la signification de certains énoncés.

Nous sommes amenés à interpréter chaque signifiant en fonction de sa charge énonciative, mais également en fonction du contexte d’énonciation qu’est la situation d’apprentissage planifiée par l’enseignant. La notion desituation d’apprentissage devient alors la macro unité d’interprétation qui représente selon nous « la volonté de mise en situation du savoir »112. Effectivement, les enseignants en général privilégient la planification en termes d’unités d’enseignement, ces dernières correspondant aux situations d’apprentissage selon François Victor Tochon113.

Pour Martine Wirthner et Bernard Schneuwly, les outils de l’enseignement dont font partie la situation d’apprentissage et plus largement les écrits de planification « structurent profondément l’activité enseignante »et « rendent compte partiellement en tout cas, de l’enseignement par la manière qu’ils proposent d’aborder, de découper, de présenter, de transformer, de manipuler l’objet à enseigner ; ainsi envisagés, ils influencent les conceptions de ceux qui enseignent.»114

La notion de situation d’apprentissage est ce qui fait sens avant tout pour l’élève, situation que ce dernier appelle parfois « l’exercice de gym ». L’enseignant construit à l’avance des situations d’apprentissage comme lieu destiné à signifier l’action en cours (en situation) : signifier une action, c’est faire apprendre. Ainsi, la situation d’apprentissage devient-elle pour nous un véritable bloc signifiant.

Marguerite Altet115 considère que le rôle de l’enseignant est de construire des situations d’apprentissage pour permettre à l’élève de s’approprier le savoir. Auparavant, elle basait son étude sur l’hypothèse suivante : « Nous montrerons qu’en amont de la situation en classe, la situation pédagogique est déjà déterminée par la préparation : dans la phase de préparation, de planification de la séquence d’enseignement, les enseignants opèrent à un niveau concret, en fonction de leur vécu antérieur, de leurs pratiques routinières. Ils arrêtent une stratégie à laquelle ils se tiennent strictement dans l’action, stratégie qu’ils imposent en prenant peu en compte l’évolution de la situation pédagogique dans laquelle ils se trouvent, car ils ne perçoivent pas la situation vécue en classe comme un problème à résoudre pour lequel se présentent plusieurs possibles et adaptation »116. À l’intérieur de la leçon, les situations d’apprentissage planifiées deviennent alors de véritables unités fonctionnelles pour faire apprendre sur le terrain ; et si apprendre c’est structurer des éléments comme nous le rappelle Jean-Pierre Astolfi (1992), nous pensons que certains objets structurants sont contenus dans la situation d’apprentissage. Notre rôle est de comprendre ce montage didactique qu’est la situation d’apprentissage et d’en rendre compte à partir d’outils- modèles.

Notes
111.

Bronckart, J.P. (1977). Déjà cité. (p.302) : « L’analyse sémantique aura ainsi pour objet d’interpréter globalement par rapport à un contexte situationnel concret, les mots qui forment un message » « De manière générale, on peut donc affirmer que le sémantique prend nécessairement en charge l’ensemble de la situation de référence, tandis que le sémiotique est en principe étranger à tout problème de référence : « le sémiotique (le signe) doit être reconnu ; le sémantique (le discours) doit être compris.. ».

112.

Tochon, F.V. (1990). Déjà cité. (p.20).

113.

Tochon, F.V. (1993.b.). Déjà cité.

114.

Wirthner, M. Et Schneuwly, B. (2004). Variabilité et contrainte dans la construction d’un objet d’enseignement. L’effet d’un outil pour enseigner le résumé de texte informatif. In C. Moro, & R. Rickenmann, Situation éducative et significations (pp.107-133). Bruxelles : Éditions De Boeck Université. (p.109).

115.

Altet, M. (1998). Les pédagogies de l’apprentissage. (2ème éd.). Paris : PUF.

116.

Altet, M. (1994). La formation professionnelle des enseignants. Paris : PUF. (p.45).