Les traces écrites de planification appartiennent à des registres de réalité qui font partie des pratiques sociales et professionnelles des enseignants d’éducation physique et sportive ainsi que des experts en handball. Ces écrits sont en quelque sorte une "profession de soi" (dans le sens de professionnel). Jean-Jacques Ardoino dit non sans raison que « l’un des principaux paradoxes de l’écriture réside justement dans le fait qu’elle évoque facilement en nous l’image d’une posture solitaire alors que l’"autre" y reste en fait continuellement attaché »121.
L’écrit de planification est aussi un « habitus » professionnel compris comme grammaire génératrice d’une pratique reposant sur des structures d’actions assez stables. Ce concept de grammaire génératrice a été développé par François Victor Tochon (1991) et Michel Develay (1992) dans le sens d’une « grammaire de pensée ». C’est selon cette dernière idée que nous comprenons le travail écrit de planification des enseignants. Ainsi, les traces écrites sont déjà en elles-mêmes un mécanisme de transmission d’un savoir tacite fait de règles et de normes professionnelles que l’enseignant s’impose. L’écrit de planification peut alors être compris comme archivage de savoirs professionnels par quoi l’enseignant consigne pour lui-même les options qu’il a retenues afin de construire son objet d’enseignement. Les traces écrites de planification sont ainsi la mémoire de l’action didactique, ancienne et à venir, de l’enseignant et agissent comme un pronostic sur l’action future. Pour lui, l’écriture devient une médiation entre le passé et le futur c’est à dire un moyen pour agir.
Selon notre hypothèse, les traces écrites permettent d’accéder aux processus décisionnels des enseignants qui ne sont pas directement observables.
Pour François Victor Tochon, la planification des contenus d’enseignement est « une expérience réfléchie » 122 alliant connaissance, planification et expérience. « La planification joue le rôle d’un pivot liant le programme officiel à l’instruction des élèves, tout en étant relativement accessible à l’étude : elle peut être simulée, remémorée ou reconstruite à partir des traces écrites des schémas que l’enseignant (e) apporte en classe pour guider son action. »123
L’écrit de planification devient [alors] l’expression même de la professionnalité de ces enseignants car ils disent la façon et la qualité de ces tours de main du professionnel.
Nous devons maintenant préciser la manière dont nous comptons conduire l’analyse de contenu et en délimiter le cadre.
Ardoino, J. (2002). Déjà cité. (p.7).
Tochon, F.V. (1993.b.). L’enseignant expert. Paris : Édition Nathan.
Tochon, F.V. (1993.b.). Déjà cité. (p.73). (C’est nous qui soulignons).