II - L’analyse de contenu comme méthodologie privilégiée.

Les sciences humaines fournissent à notre analyse de quoi l’étoffer et la légitimer. En égard par exemple au travail de Jacques Bouveresse127 sur la relation (possible) entre l’herméneutique et la linguistique, nous avons retenu quelques propositions susceptibles d’éclairer notre position théorique sur l’analyse de contenu. Pour ce philosophe, le concept d’interprétation n’a de pertinence que s’il se fond dans l’activité compréhensive : à l’origine de la compréhension, il y aurait toujours une interprétation consciente ou non. La compréhension n’est pas une simple traduction supposant un sens en soi contenu dans une autonomie normative de l’écrit, elle est la croyance d’un sens déterminé de l’écrit et du signe.

Notre analyse des écrits s’oriente bien du côté de l’herméneutique, que Michel Foucault définissait comme « l’ensemble des connaissances et des techniques qui permettent de faire parler les signes et de découvrir leur sens »128. S’il nous arrive quelquefois d’aborder l’aspect linguistique pour démontrer le fonctionnalisme des énoncés, notre regard reste le plus souvent tourné vers l’usage des énoncés que l’enseignant a écrits.

Par filtrages successifs, l’analyse propose un ou plusieurs sens aux écrits de planification. C’est une manière de progresser en compréhension. C’est pourquoi nous avons choisi d’adopter comme titre d’analyse « Analyse compréhensive et interprétative », mis en entête des exemples développés de situations d’apprentissage.

Les tableaux d’analyses où nous présentons quelques énoncés issus des traces écrites, énoncés présentés avec la partie conjointe « analyse compréhensive et interprétative », sont des exemples pour expliquer le mode d’opération de notre propre compréhension. L’interprétation étant contenue potentiellement dans la compréhension des traces écrites, nous faisons apparaître parfois – pour les distinguer – notre synthèse compréhensive par une écriture en gras.

L’entête du tableau d’exemples d’analyse se présente de cette façon :

Traces écrites Analyse compréhensive et interprétation

Au-delà de l’analyse compréhensive et interprétative, l’analyse des énoncés écrits pose (ensuite) le problème de la signification et du sens.

Pour François Rastier, la signification est liée aux propriétés du signe et le sens129 à ceux du texte, le sens impliquant une contextualisation maximale qui réunit le texte et le contexte. Et en effet, la brièveté des énoncés des traces écrites, l’utilisation de signes particuliers, le non respect des tournures grammaticales et les mots incomplets n’autorisent pas une recherche de sens si l’on ne rattache pas en permanence l’écrit au texte et au contexte. Tel est le cas d’un enseignant qui planifie ses contenus d’enseignement en vue d’une intervention sur le terrain. Le sens n’est donc pas donné, il résulte du travail interprétatif normé par une pratique professionnelle dans notre cas.

La signification – le sens – de nos propos se pense en rapport avec une communauté sociale et professionnelle par laquelle l’enseignement de la motricité se reconnaît. Les jeux de langages que nous étudions et le sens de leurs expressions s’établissent sur la façon dont nous comprenons leurs usages.

Notes
127.

Bouveresse, J. (1991). Herméneutique et linguistique, suivi de Wittgenstein et la philosophie du langage. Combas : Éditions de l’éclat.

128.

Foucault, M. (1966). Les Mots et les Choses. Paris : Éditions Gallimard. (p.44).

129.

Rastier, F. (2000). Problématique du sens et de la signification. In J.M. Barbier, & O. Galatanu, Signification, sens, formation (pp.5-24). Paris : PUF. Éducation et Formation. (p.7) : « En privilégiant l’étude du sens, la sémantique interprétative prend pour objet le texte, plutôt que le signe, et définit le sens comme l’interprétation ».