B) Énoncés et langage.

Nous pouvons déjà dire que le signifié des mots n’est pas seulement considéré dans le sens littéral de l’énoncé mais qu’il dépend aussi de l’ensemble des conditions sociologiques, psychologiques, professionnelles, de sa production. Autant que possible, nous essayons de rendre justice de l’indétermination du sens et du caractère ouvert de certains concepts en faisant plusieurs propositions d’interprétation des énoncés isolés. La flexibilité du langage et des sens possibles nous amène à faire des distinctions sur la valeur significative des énoncés. Nous sommes proche d’une analyse sémantique dans le sens où nous nous efforçons de comprendre les principes de la « pensée des enseignants car ces derniers n’ont pas toujours une façon rationnelle d’expliquer leur action »144 d’enseignement, alors que les traces écrites sont un langage plus rationnel qu’affectif. Par exemple, les énoncés de l’enseignante d’expérience n° 21 (leçon 7, situation d’apprentissage 4) sont économiques : « évaluation. Jeu défensif → système de défense (5/1 et 4/2) → IND → harcèlement → replacement → solution sur interception ». Ainsi planifie-t-elle son intention d’évaluer ses élèves dans deux systèmes de défense en axant le jeu sur l’activité des joueurs en défense, ordonnant aussi des actions. « IND » implique une défense individuelle qui sera active car il s’agit là d’harceler l’adversaire, de se replacer, etc.

Le langage parle aussi telle une façon d’agir ; le langage professionnel le montre de manière exemplaire. Ainsi, l’énoncé « passe-moi le marteau » et l’énoncé « défense 5/1 ; harcèlement » provoquent, incitent, suggèrent, ordonnent, proposent une action à faire. Telle est sa finalité performative ; déposé dans les écrits de planification, le langage professionnel possède une charge énonciative implicite. Comme toutes langues, ces expressions propres à une profession auraient « comme origine première l’effort de l’humanité pour représenter la « pensée » »145. Il s’agit dès lors non seulement de comprendre les significations établies de cette langue mais aussi de les remettre en cause : « le sens n’est pas autre chose qu’une interrogation permanente »146. Il resterait enfin à savoir si les énoncés de ce discours intérieur que se tiennent les enseignants soient particuliers c'est-à-dire propres à chacun.

Notes
144.

Tochon, F.V. (1990). Déjà cité. (p.160).

145.

Ducrot, O. (1991). Dire et ne pas dire. Principes de sémantique linguistiques. (3ème éd). Paris : Hermann Éditeurs des sciences et des arts. (p. 1).

146.

Zarifian, P. (2000). L’apprentissage par les événements entre « sens » et « signification ». ». In J.M. Barbier, & O. Galatanu, Signification, sens, formation (pp.167-185). Paris : PUF. (p.179).