D) Une première approche pour voir et comprendre cette forme de langage.

Les énoncés que l’enseignant va produire, peuvent être performatifs à double titre. Considérons par exemple l’énoncé suivant : « jeu en 6X6 » ; l’enseignant se propose de faire jouer les élèves en deux équipes de six joueurs. Son énoncé engage également les élèves à jouer en 6 contre 6. L’énoncé signifie que l’enseignant va accomplir une action, faire jouer les élèves en 6 contre 6 ; mais les élèves vont effectivement agir en jouant de cette manière. On ne sait pas ce qu’il y a à apprendre, mais on sait ce que l’enseignant va faire faire aux élèves et ce qu’il y a à faire pour apprendre.

Toute production langagière est un acte complexe, un acte de parole dont la signification entière dépend de :

Il importe de démontrer la rationalité de l’écrit de planification et la polysémie de l’énoncé. Car plus l’énoncé est rationnel, plus il soulève l’incertitude de sa propre fonction. Mieux vaut donc saisir le sens du mot (ou de l’énoncé) dans le cadre de son emploi c'est-à-dire son usage. Dans un jeu de langage qui recherche l’économie du texte, c’est le contexte même décrit par la trace écrite qui énonce les règles du tissu de relations permettant d’en comprendre le sens. La signification des mots et des énoncés est déterminée par ce qui les entoure ; expliquer la signification de l’énoncé, c’est expliquer son usage c'est-à-dire son articulation avec les autres signifiants. La valeur expressive des mots ou des énoncés dépend d’autant plus de son contexte d’énonciation qu’ils ont une valeur peu conventionnelle ; la valeur de sens du mot (ou de l’énoncé) repose sur la dénotation (sa définition classique) ou sur la connotation (sa compréhension au sein d’un contexte).

Notre préoccupation immédiate n’est pas de vérifier si, effectivement, le jeu en 6X6 va se produire pendant la leçon ; ce qui nous intéresse, c’est de comprendre que la planification de la leçon repose sur des écrits qui ne constatent pas un état des choses mais qui annoncent une action ou des actions à accomplir c’est-à-dire qui visent un savoir professionnel. N’est pas en question un langage qui décrit le monde mais un langage qui agit dans le monde. L’énonciateur est à la fois scénariste et acteur : il produit un texte et il le dit ; il dit son savoir professionnel et décrit comment il pense faire apprendre les élèves. L’écrit de planification possède cette singularité : l’auteur se parle à lui, mais pour une action à venir. Un espace diachronique existe entre le faire (l’action d’enseignement) et son explication par le dire (la planification) même si, parfois, l’espace apparaît comme synchronique entre le dire et le faire didactique planifié. L’activité d’écriture construit constamment une certaine version des faits didactiques.

Notes
150.

Austin, J.L. (1962). Quand dire, c’est faire. Traduction et introduction de Gilles Lane. Paris : Éditions du Seuil. (p. 114).

151.

Austin, J.L. (1962). Déjà cité. (p.114).

152.

Austin, J.L. (1962). Déjà cité. (p.114).