Le projet d’identifier, d’analyser et de comprendre l’architecture des leçons proposées par nos trois groupes d’enseignants considère comment le récit écrit de la leçon à venir organise le vécu des élèves et reconsidère la chronologie des énoncés dans leurs particularités. Ces scénarii ne sont jamais achevés, mais leur lecture permet de reconstruire la structure d’une intrigue professionnelle.
Pour mettre à jour ces « scénarios » que beaucoup de didacticiens présupposent sans jamais en entendre le discours nous en proposons sous forme d’une leçon type pour chacun de nos trois groupes d’enseignants à partir de la catégorisation exposée dans le chapitre précédent.
Le scénario-type de la leçon (qui se veut simplement une tendance) est retenu en dehors de la première ou de la dernière leçon du cycle d’interventions des enseignants, et ce par rassemblement des occurrences basées sur quatre situations d’apprentissage. Pour établir ces premiers scénarii, la chronologie des situations proposées est rigoureusement respectée.
Enseignants débutants : SI : L’instrumentation du savoir ou La provocation du savoir SII : L’instrumentation du savoir SIII : Les moyens du savoir ou La réduction du savoir SIV : La réduction du savoir ou L’émergence du savoir |
Les enseignants débutants ont tendance à proposer des situations simples, très décontextualisées par rapport à l’activité sociale de référence. La moitié de la leçon repose sur des types d’actions préparatoires à l’acquisition du "savoir jouer au handball". Les variables du jeu sont largement réduites. Seule, la fin de la leçon offre la possibilité d’offrir un milieu un peu plus complexe. La tendance est bien d’aller du simple au complexe, mais en restant surtout dans le simple. |
Enseignants d’expérience : SI : L’instrumentation du savoir ou L’émergence du savoir SII : La provocation du savoir SIII : L’instrumentation du savoir ou La réduction du savoir SIV : L’isolement du savoir ou L’émergence du savoir |
Les enseignants d’expérience mettent plus souvent les élèves en situations jouées sur pratiquement la moitié des situations d’apprentissage qu’ils proposent. Il y a bien un outillage des élèves, mais moins que les enseignants débutants. On remarque alors une alternance entre instrumentation du savoir et périodes jouées. Les enseignants d’expérience travaillent sur des savoirs plus complexes. On peut remplacer la notion de savoirs complexes par les notions de principes ou logiques de jeu. |
Enseignants experts handball : SI :La provocation du savoir ou L’instrumentation du savoir SII : Les moyens du savoir ou L’obligation du savoir SIII : Prescription du savoir ou L’isolement du savoir SIV : Réduction du savoir ou L’émergence du savoir |
Les enseignants experts handball travaillent plus dans la variété. On remarque facilement l’utilisation de huit catégories différentes. Les contenus de leçons sont denses et les actions à réaliser sont souvent dans la tendance d’une mise en cohérence de la complexité du jeu. En réduisant les situations jouées et les situations techniques simples, ils proposent des situations d’apprentissage assez complexes. Par contre, la tendance didactique reste bien dans l’idée d’un contrôle important des actions à faire. |
En regroupant les scénarios des trois groupes d’enseignants, on aperçoit un scénario d’apprentissage commun qui marquerait une logique d’enseignement : on donne l’instrument supposé utile, on provoque le savoir pour voir si les élèves en possèdent déjà les rudiments, on conditionne le savoir pour le faire apparaître à coup sûr, on oblige les élèves à exécuter des actions liées à ce savoir qu’on isole des savoirs parasites. Après ce travail d’instrumentation, de conditionnement, d’obligation et de restriction, de réduction, on propose une situation où devra émerger ce qui a été appris.
Toutes les modélisations ne sont qu’une aide à la compréhension de l’activité planificatrice des enseignants et n’ont pas de visée prédictive ni prescriptive. Il ressort que les enseignants ne planifient pas à partir d’un modèle théorique préétabli et commun, mais à partir d’un contexte d’enseignement particulier. Plus rien ne peut leur faire croire maintenant « que la solution aux problèmes de leur pratique quotidienne existe en dehors du contexte matériel, institutionnel et relationnel de leur action »187.
Bru, M. (1998). Déjà cité. (p.63).