II - Passage des scénarii de leçons aux scénarii de situations d’apprentissage. Lecture à double sens.

Une nouvelle lecture didactique.

Une transition s’opère là entre les scénarii de leçons construits à partir des situations d’apprentissage catégorisées et les scénarii des situations d’apprentissage qui dépendraient d’une relecture didactique des énoncés inscrits à l’intérieur de chaque situation d’apprentissage. C’est à partir de quelques exemples développés que l’on peut comprendre les agencements didactiques comme des techniques professionnelles mobilisées pour faire apprendre les élèves.

Dans son ouvrage sur la didactique du français, François Victor Tochon188 emploie successivement les notions « d’organisateurs de terrain » et « d’organisateurs didactiques » pour exprimer les mises en formes didactiques de l’enseignement. Il classe ces organisateurs en trois types : les organisateurs de maîtrise, les organisateurs de transfert et les organisateurs d’expression. Nous retrouvons quelques similitudes entre ces organisateurs de terrain et les scénarii d’apprentissage que nous avons construits. En effet, les organisateurs de maîtrise semblent correspondre à toutes les situations proposant des actions techniques, les organisateurs de transfert aux situations d’apprentissage permettant aux élèves d’exercer des procédures partielles relatives au jeu de handball, et les organisateurs d’expression aux situations de jeu total compris comme tâche créatrice.

Pour l’instant, nous allons modéliser les variations didactiques de plusieurs situations d’apprentissage à partir des énoncés écrits des enseignants. Soit alors l’exemple de l’enseignant débutant PLC n°19, leçon 1, situation d’apprentissage (5 et 6).

Traces écrites Analyse compréhensive et interprétation
L1. S5 S6 : Ds zone restreinte, chaque équipe de 2 él se fait des passes, lorsqu’elle tbe le ballon, alors sortir de la zone. Si les él y arrive bien, chercher à intercepter 1 ballon adv ss s’arrêter de passer soi même. Les élèves doivent se faire des passes par deux dans une zone restreinte et chaque fois que le ballon tombe à terre, le binôme sort de la zone. C’est un jeu par élimination où seule la qualité de passe entre les deux joueurs prime. Ensuite, l’enseignant estime que les joueurs qui conservent facilement leur ballon peuvent tenter de faire perdre le ballon aux autres. Ce qui est intéressant ici, c’est que l’enseignant dans sa planification prend des décisions conditionnées. Dans le cas où les élèves arrivent facilement à se faire des passes, ils pourront alors chercher à intercepter le ballon des autres.
Cette situation a des règles définies au départ : surface, ballon, binôme, contraintes. Elle est jouée et possède donc de l’aléa et de l’incertitude. Il y a donc des choix possibles pour les élèves. En comparant cette situation aux autres situations de la leçon, on s’aperçoit que l’enseignant au fil de sa leçon fait varier le degré de liberté de l’apprenant. Il passe ainsi du geste imposé et conduit aux actions conditionnelles puis à l’action libre décidée par l’élève. Au-delà de l’idée de faire apprendre les élèves de cette façon, on peut comprendre qu’il y a un glissement de la forme d’autorité dans les propositions faites. L’autorité de l’enseignant se transmet à celle d’un savoir qui vient à faire autorité en fin de leçon. La contrainte de la tâche et son degré de liberté évoluent au fil des situations d’apprentissage de la leçon. Les situations d’apprentissage ne vont pas seulement du simple au complexe comme il est traditionnellement dit, mais aussi vont de l’assujettissement à l’affranchissement.

Avec l’enseignante d’expérience n°25, le bilan fait à la leçon 6 (situation d’apprentissage 1) établit par l’intermédiaire du suivi des énoncés d’échauffement qu’elle passe des premières consignes à contraintes spécifiques et nombreuses à un échauffement qui laisse plus de liberté aux élèves.

Le bilan des situations d’apprentissage de l’enseignant débutant n°20 (leçon 2, situation 3) aide à comprendre la relation entre scénarii didactiques et apprentissages.

Traces écrites Analyse compréhensive et interprétation
L2. S1. :
« Phase cardio-pulmonaire. Par 3 passes en mouvement dans les mains, en triangle, espace de 3m, passe en mouvement à son camarade (3pas), puis prendre la place camarade→ rotation → passe main droite, main gauche, rebond, à la hanche. »
L’énoncé est long, on est dans la période d’échauffement. La situation demande des passes en mouvements par trois, le placement des joueurs, les rotations, les types de passes sont définis au fur et à mesure de la conduite de la situation. Les flèches (des traces écrites) indiquent cet enchaînement.
On règle le placement des joueurs, on indique les mouvements, on impose les déplacements, on impose la forme des gestes à faire. On force l’exécution ; c’est exclusivement un savoir-faire. Il n’y a pas de choix possible, l’élève subit la situation et les gestes à faire. Il y a obéissance à l’enseignant, lequel impose le savoir-faire. Nous proposons l’idée suivante : lorsque l’enseignant s’adresse au mouvement en lui-même, au corps de l’élève, à l’instrumentation, à l’habileté spécifique, il impose la chose à faire comme savoir-faire ou savoir ; lorsque l’on s’éloigne du geste vers l’action plus complexe, le savoir est dissimulé, moins voyant, il est plus à comprendre qu’à faire. Il y a une sorte de déplacement du savoir-faire vers le savoir c’est-à-dire que plus on s’éloigne du geste spécifique vers l’action complexe, plus on va de la contrainte à la liberté, plus on va de l’imposition au choix, plus on va du muscle au cerveau. Dans une même leçon, l’enseignant va du geste sur commande au mouvement à discrétion, de la prise en mains dans tous les sens du terme à l’observation écologique des élèves.
Notes
188.

Tochon, F.V. (1990). Déjà cité. (p.83).