Il s’agit maintenant de comprendre le scénario interne à la situation d’apprentissage et ce à partir d’une modélisation de ses énoncés.
La construction de ces scénarii repose la compréhension médiatisée par l’interprétation du chercheur. Hors des habituelles démarches didactiques, nous cherchons à ouvrir l’analyse vers d’autres possibles. Ainsi : qu’en est-il de la subjectivité de celui/celle qui se parle dans ses traces écrites de planification ? Qu’est-ce qu’il y a là de didactique et de professionnel ?
La modélisation de la situation d’apprentissage 4 (leçon 3) de l’enseignant débutant n°11 permet d’introduire à des scénarii de situations d’apprentissage pour envisager l’enseignant comme un metteur en scène.
Guy Brousseau pense que le plan d’intervention d’un enseignant qui correspond à son activité didactique de planification peut se comprendre comme l’élaboration d’un plan de film et, surtout, peut s’étudier comme un langage spécifique. L’enseignant créerait des unités de sens et écrirait « des signes qui ne devraient pas être analysés seulement suivant le découpage technique mais aussi suivant le sens créé »189.
En utilisant la métaphore du scénario de film, nous avons :
L’enseignante débutante n°16 (leçon 1, situation d’apprentissage 2) fait une planification linéaire sur une feuille de cahier. On peut supposer qu’elle pense sa planification en fonction de l’importance qu’elle accorde à ses énoncés didactiques.
Nous comprenons l’ordre de sa planification de sa situation de cette façon :
1° L’objectif.
2° Son dispositif didactique et le matériel.
3° L’action principale et l’organisation pédagogique.
4° L’action conséquente et son objectif.
5° Les consignes techniques de réalisation.
6° La variante.
L’écriture devient un véritable travail d’élaboration pour mettre en scène apprenants et savoirs. L’enseignant doit en même temps penser la chronologie des événements, sa stratégie didactique et les effets de chaque événement ainsi que le résultat de leur interaction. Les traces écrites de planification ne sont plus une liste chronologique de choses à faire de façon séquentielle, comme l’indique les études sommaires sur la planification. Il s’agit de toute une structure, certainement dépouillée, qui est organisée c'est-à-dire systématiquement pensée.
La chronologie de la pensée didactique de l’enseignant expert n°6 (situation d’apprentissage 1, leçon 2) est la suivante : il pense son objectif, son lieu de travail, la contrainte la plus importante, les contraintes conséquentes et conditionnelles, les actions à conseiller, les actions circonstancielles, les actions attendues et obligatoires. Cet enseignant ne décrit pas un milieu, une série d’actions à faire ; il construit un scénario actif où tous les énoncés (lieu, actions, règles, etc.) rentrent en résonance les uns par rapport aux autres. On pourrait dire que ce n’est pas une pensée planificatrice dans le sens d’un étalement des actions dans le temps, mais que c’est plutôt une pensée interactive qui pense un système dynamique. L’espace didactique est ici construit c'est-à-dire structuré et les fondements d’un dispositif didactique fonctionnel, modulable et circonstanciel sont posés.
Brousseau, G. (1978). L’observation des activités didactiques. Revue Française de Pédagogie, 45, 130-139.