Chapitre 6. Analyse contextuelle des énoncés dans la situation d’apprentissage ; seconde lecture.

I - Positionnement théorique de l’écriture. 

L’analyse de contenu ne peut s’arrêter à une identification des structures et profils didactiques des différentes situations d’apprentissage proposées par les enseignants. Il faut aller au-delà et tenter de comprendre par une (autre) lecture, plus précise, les possibilités de ce langage didactique tenu sous la forme d’énoncés. En expliquant la façon dont on peut lire ces écrits, ce chapitre explicite notre analyse interprétative et veut requalifier cette forme d’écriture comme un discours professionnel.

Le langage – la langue – didactique a cela d’intéressant qu’il exprime des possibilités pragmatiques. Sa performativité, c'est-à-dire le fait qu’il énonce le réel et non pas qu’il le reflète ou le représente, nous conduit à considérer alors l’écrit de planification en sa fonction prescriptive même, au pied de la lettre : que dit au juste198, à vrai dire, ce type d’écrit ? 

Dans notre travail sur les traces écrites, l’énoncé ne peut se comprendre que si on le rapporte à la situation d’énonciation et à son usage social et professionnel. Pour nous, il n’y a pas à vérifier si l’énoncé est vrai ou faux, il est écrit par des enseignants qui planifient leur enseignement. Et si l’énoncé est parfois bien partiel ou isolé, il est toujours localement organisé dans le contexte d’une séquence d’apprentissage planifiée. Il nous faut alors l’extraire de l’écrit avant de reconstituer ses liens avec les autres énoncés et sa signification dans le contexte d’une situation d’apprentissage.

Le jeu du signe et du sens est à saisir dans l’écriture comprise comme savoir de la personne c'est-à-dire ce qu’elle veut signifier. Les énoncés n’assurent pas l’illusion didactique d’une transposition transparente du savoir de référence, ils se placent sur le registre des savoir-faire professionnels. Résultant de cette opération transpositive, les savoirs à enseigner sont dominés par le travail d’écriture et de planification que sont les savoir-faire de l’enseignant. C’est dire que l’architecture du texte ainsi que le déroulement chronologique des actions d’enseignement à faire présente le savoir d’une certaine façon.

Dans une perspective (herméneutique) qui fait de l’écriture la résultante d’une transposition didactique de l’activité handball et qui conçoit l’inconscient professionnel comme déposé dans les écrits, nous considérons les traces écrites comme des jeux de langage. L’écrit est aussi dans son dire : le dire de celui qui écrit. L’énoncé devient un théorème sur l’apprentissage qui va se raconter ; il contient habitude, disposition et savoir-faire de l’enseignant. Il s’agit alors de remonter des matériaux traces écrites vers les raisons qui peuvent les expliquer et aider à comprendre le travail de l’enseignant.

Le sens de l’énoncé est à chercher dans le processus complexe qui le donne, autrement dit dans l’ensemble de l’écrit et non pas dans chacun des mots ; comprendre ne consiste pas à décoder chaque signifiant mais à saisir un tout dont le sens transcende les parties qui le forment. Le contexte d’écriture, le but de l’écriture, l’ensemble des écrits de la situation d’apprentissage, de la leçon, du cycle, sont des facteurs qualitatifs qui font le sens.

Notes
198.

Mucchielli, R. (1982). L’analyse de contenu des documents et des communications (4ème éd.). Paris : Les éditions ESF. En guise de préalable indispensable à l’analyse de contenu, voir Muchielli. (p.10).