I.1. Le savoir pur.

Les tentatives répétées de l’éducation physique et sportive pour identifier un savoir disciplinaire pur restent vaines : il n’y a toujours pas de théorie de la connaissance clairement identifiable dans les discours des didacticiens de la discipline. L’objet théorique « savoir » pose un réel problème à une discipline qui s’enseigne essentiellement par la pratique. Quelques-uns s’appliquèrent à faire des propositions sur la question des savoirs propres à l’éducation physique et sportive et de ce qui peut s’apprendre et s’enseigner dans cette discipline. Pierre Parlebas s’engagea dans la voie de l’action motrice comme expression d’un savoir disciplinaire pour aboutir en 1999 à un lexique de praxéologie motrice. Mais le savoir ne peut se résumer aux mouvements ; il ne peut être non plus suspendu dans des instances "extra-corporelles".

Il est de plus en plus admis que le savoir intéresse le savoir-faire et le savoir (le comprendre) concernant l’activité motrice. Un bilan récent de André Terrisse (2007) sur les recherches en didactique de l’éducation physique et sportive identifie « le savoir sur l’activité » au « savoir pour pratiquer l’activité » et au « savoir par l’activité (l’épreuve) ».

Le savoir218 n’est pur qu’à se désincarner ; aussi repose-t-il toujours sur un savoir « d’être » et s’applique à un objet (une discipline sportive culturellement reconnue pour notre cas). Le savoir n’est pas une entité; il n’est pas une chose à mémoriser et à transporter, même s’il représente un certain degré d’abstraction. Il est une manière de faire et de connaître : un processus. Le savoir est donc toujours l’expression (faire ou comprendre) d’un savoir-faire, d’un "savoir-dire" de quelque chose. Théorie et pratique "s’entre-impliquent".

Pour Bruno Latour, « savoir, c’est toujours savoir-faire et faire savoir »219. Comment alors opposer « savoirs » et « savoir-faire » lorsque l’on parle d’apprentissage ? En rappelant l’évolution de ces deux concepts, Patrick Mendelsohn conclut : « les représentations n’existent pas en tant que telles en mémoire et toute action suppose une participation du sujet à un ensemble contextualisé de pratiques qui fonde les connaissances (savoir et savoir-faire indifférenciés) et leur donne sens. C’est la conception contextualiste. »220.

En éducation physique, "le savoir" se situe au niveau des connaissances procédurales comprises comme des « savoir-agir » sur lesquelles l’enseignant ou l’élève aurait quelque chose à dire. À un moment ou à un autre, le savoir serait objectivé comme résultat d’un tel processus au sein de la situation d’apprentissage.

Notes
218.

Mosconi, N. (1996). Relation d’objet et rapport au savoir. In J. Beillerot, C. Blanchard-Laville, & N. Mosconi., Pour une clinique du rapport au savoir (pp. 75-97). Paris: L’Harmattan. (p.87). « Même le savoir scientifique n’est pas la « réalité même », il relie le sujet et le monde par l’intermédiaire d’une construction théorique et conceptuelle et d’un langage produits par l’esprit qui viennent en lieu et place, comme symboles, de cette réalité. »

219.

Latour, B. (1996). Sur la pratique des théoriciens. In J.M. Barbier (Dir.), Savoirs théoriques et savoirs d’action (pp. 131-146). Paris : PUF. (p. 134).

220.

Mendelsohn, P. (1995). Peut-on vraiment opposer « savoirs » et « savoir-faire » quand on parle d’apprentissage. In A. Bentolila (Dir.), Savoirs et savoir-faire (pp. 21-40). Paris : Éditions Nathan. (p.29).