I.3. Le savoir-faire en éducation physique.

Si, comme beaucoup le prétendent, l’éducation physique et sportive est une discipline de pratiques sportives, la question du savoir à transmettre est résolue : il n’y aurait que des « savoir faire » à enseigner qui seraient eux-mêmes issus des savoirs experts, et ces derniers relèveraient des compétences acquises par les praticiens de l’enseignement ou de l’entraînement des activités sportives. La formation des enseignants et l’enseignement dépendraient alors d’un artisanat de terrain.

En définissant le savoir-faire comme la maîtrise technique se déployant dans la pratique susceptible d’être apprise, on présuppose un faire et un savoir sur le faire sans que cela concerne plus ou moins l’enseignent que l’élève.

Jacques Leplat n’hésite pas à critiquer la multiplication des concepts pour exprimer la pertinence des actions dans le monde du travail. Ainsi le terme de compétence est-il polysémique et aurait-il « beaucoup de voisins, sinon de synonymes : habiletés (par lequel on traduit souvent le terme anglais de « skill »), capacité, savoir-faire, expertise »224. Il fait remarquer que l’on ne peut pas définir un de ces concepts sans le rapporter à ce qu’il spécifie. La compétence, le savoir et le savoir-faire seraient des notions abstraites et seraient par nature inobservables.

Les activités physiques en général et l’éducation physique et sportive en particulier donnent la possibilité de développer les potentialités humaines, de s’approprier des savoirs fondus dans les « faires » proposés dans les situations d’apprentissage. Dans notre cas, le handball n’est que le moyen d’action – le prétexte – pour enseigner des savoirs contenus dans les objectifs d’enseignement ; il s’agit non pas de savoirs savants mais de savoirs concernant les « savoir-agir » ou « savoir-jouer »225, donc des savoirs sur le faire. Le handball permet la traduction culturelle (en langage et désignation) des procédures motrices en savoir-faire ou savoirs et pour la partie axiologique sur le sens des actions entreprises.

L’éducation physique et sportive se particularise comme pratique éducative constellée de « savoir-faire » (les techniques sportives) plutôt que comme une discipline transmettant des savoirs bien établis ou des valeurs. Son enseignement est perçu comme une pratique depuis ses origines scolaires, et l’enseignant apparaît encore comme un organisateur de situations pédagogiques favorisant la construction de compétences motrices par l’élève lui-même. L’évolution institutionnelle de cette discipline fit prendre en compte la dimension transmissive du savoir. Sous peine d’être muet, l’enseignant doit bien tenir le discours d’un savoir propre au « faire ». Il apparaît alors que sa discipline rencontre des difficultés pour dissocier les savoirs des pratiques qu’elle organise.

L’écrit : mise en forme du savoir ou savoir de la mise en forme ?

Plus nous accumulons de connaissances concernant le sport et le corps humain, plus l’éducation physique et sportive gagne en intellectualisme et perd son identité de pratique scolaire. L’analyse des traces écrites effectue un retour en milieu scolaire pour reconsidérer la pratique didactique dans le travail quotidien de la conception et de l’écriture. L’élaboration des contenus d’enseignement par l’intermédiaire de situations d’apprentissage est si évidente que sa trop grande familiarité empêche de la considérer comme possédant une grande professionnalité et renseignant sur l’identité d’une profession. Nous sommes toutefois conscient que la forme de l’écrit risque d’atomiser les idées de l’enseignant sur l’apprentissage qui les met en vue c'est-à-dire en plan d’écriture. Planifier, c’est imposer un corps au texte du savoir ; c’est à la fois un avantage et un inconvénient, la structure étant facilement perceptible et le sens un peu moins. Les différentes modalités didactiques écrites se heurtent à la cohérence et à la fluidité de l’intervention sur le terrain, mais elles fixent un instant comment les enseignants considèrent le rapport au savoir et comment ils s’y prennent226 pour faire savoir et faire faire.

Notes
224.

Leplat. J. (1997). À propos des compétences. Revue EP.S., 267,9-12.

225.

Parlebas, P. (1996). Déjà cité. (p.585).

226.

Beillerot, J. (1979). Déjà cité. (p.33). « l’école transmet sans doute les savoirs (grandement édulcorés d’ailleurs) mais jamais leurs conditions de production et de reproduction alors que justement on est au centre même du processus de reproduction ».