La trace écrite risque d’être une aseptisation de l’activité didactique de l’enseignant, tant les écrits sont parfois sommaires et peu nombreux. Cependant, l’analyse de contenu n’est pas nécessairement une analyse en réduction et peut devenir un déploiement de sens. Pour un spécialiste, un seul mot évoque tout un contexte et suggère toute une organisation.
Dans la dernière situation d’apprentissage de sa leçon planifiée, l’enseignant écrit souvent les énoncés suivants : « matchs, règles de handball », ou encore plus sommairement : « match normal » ; nous savons qu’il va proposer à ses élèves un match de handball et qu’il appliquera le code officiel d’arbitrage, qu’il va mettre en place tout un dispositif : opposer deux équipes, arbitrer lui-même ou faire arbitrer les élèves, tenir un score, gérer des rotations d’équipes, équilibrer les temps des matchs, etc. On peut ainsi recréer toute une situation à partir des deux mots « match normal ».
Les modes de planification des enseignants sont classiques mais, ajoutés à d’autres indices comme les objectifs prévus, ou la conception d’enseignement prioritaire, ou les scénarii des situations d’apprentissage ou autres font l’objet d’une lecture plurielle et prennent une autre dimension.
La trace écrite conserve à disposition la pensée didactique de l’enseignant. Elle définit des formes de vie professionnelle qu’un simple lecteur ne percevrait pas. Pour parvenir à extraire de ces informations les significations des documents analysés, notre première ressource se trouve dans ce que les enseignants écrivent et dans la façon dont ils le font. En planifiant, ils parlent de leurs cours et de l’activité handball, de ce qu’ils souhaitent faire, et disent comment ils pensent le faire pour enseigner. Toutefois, ce langage professionnel ne se comprend pas seulement par la seule définition des écrits mais aussi selon les conditions de l’acte planificateur c'est-à-dire selon la manière dont l’enseignant s’apprête à conduire une leçon d’éducation physique et sportive.
Les traces écrites multiplient les indices qui nous permettent de faire ce « pas de côté » requis pour considérer autrement une profession. Bernard Charlot nous dit qu’ « étudier l’éducation, c’est être confronté au quotidien, c'est-à-dire à la singularité, au local, au ponctuel, au trivial »250. Qu’est-ce que les traces écrites apprennent donc sur le travail particulier des enseignants intervenant dans le domaine de la motricité ?
Charlot, B. (1995). Les sciences de l’éducation, un enjeu, un défi. Paris : ESF. (p.25).