II. L’écrit : « dire, c’est faire », ou « écrit pour dire ou écrit pour faire ».

Les énoncés de planification prennent un sens particulier quand on pose la question : mais que fait-on avec cette forme verbale ou d’énoncé ? Il convient de s’interroger sur qui parle dans l’écrit, qui parle à qui et qui parle avec qui. L’écrit de planification est un discours complexe qui parle simultanément de l’enseignant écrivant ou enregistrant ses propres dires et des élèves, un discours qu’il faut démêler.

Le discours contenu dans l’écrit de planification nous situe à mi-chemin entre la sémiologie c'est-à-dire l’étude des systèmes de signes intentionnellement et exclusivement utilisés à des fins de communication et la sémiotique c'est-à-dire l’étude des systèmes de signification des énoncés. Nous savons que « la sémiotique de première génération est une sémiotique de l’énoncé »261. L’analyse de la trace écrite nous conduit à penser l’un avec l’autre. En ce sens, on doit tenir compte d’un phénomène d’interaction y compris sous la forme qu’un discours didactique peut prendre ; ainsi François Victor Tochon affirme-t-il : « la planification de l’enseignant(e) ne répond pas et ne peut pas répondre à une rationalité linéaire, elle est essentiellement interactive »262.

Le travail de Jacques Derrida263 nous permet d’éclairer ce que nous voulons dire de la trace écrite. En effet, il n’y a pas d’écriture sans trace mais l’écriture ne se réduit pas pour autant à la graphie ; dans la mesure où c’est la trace « qui ouvre l’apparaître et la signification »264 , la déconstruction du concept d’origine permet de redéfinir et de compliquer le rapport à soi comme à l’autre. Si nous appliquons ceci à ce qui advient de l’enseignant porteur de traces en éducation physique et sportive, alors nous dirons que ce dernier en arrive à produire des énoncés s’adressant à ce que nous avons appelé son "double didactique" d’origine (il parle avec lui-même). Les traces écrites signifient un processus d’intériorisation et d’extériorisation d’une pensée professionnelle jusque dans leurs styles propres.

Le paradigme austinien265 nous permet également d’envisager la signification de l’énoncé en rapport avec ses conditions d’usage et de ne pas considérer l’énoncé comme le représentant d’une réalité à constater par une simple définition des situations d’apprentissage. Une réflexion sur le performatif est ainsi exigée depuis le début de l’analyse.

L’écriture est « potentiellement interactive » parce qu’elle suscite, provoque, entraîne, et fait retour. L’écrit de planification est un écrit de l’action et d’action. Le montrent trois formes de discours dans les énoncés des enseignants.

Notes
261.

Coquet, J.C. (1997). « La quête du sens ». Le langage en question. (1ère éd.). Paris : PUF. (p.57).

262.

Tochon, F.V. (1993.b.). Déjà cité. (p. 96).

263.

Derrida, J. (1967). De la grammatologie. Paris : Éditions Minuit

264.

Derrida, J. (1967). Déjà cité. (p.95).

265.

Austin, J.L. (1962). Déjà cité.