III - L’énoncé du savoir à transmettre ou l’énoncé du comment transmettre.

L’écrit de planification étant lié au travail de transposition didactique, l’enseignant doit s’organiser dans son action d’écriture pour planifier son enseignement et transposer ce qui doit être enseigné.

L’étude des écrits de la situation d’apprentissage 1 (leçon 5) de l’enseignante d’expérience n°24 a l’intérêt de présenter une situation d’écriture commune à la plupart des enseignants.

Traces écrites Analyse compréhensive et interprétation
L5 S1 : Objectifs « Passer. Réceptionner. Attaque collective, introduction progressive des défenseurs → comment se démarquer » « A] Comment se placer pour renvoyer son ballon loin ? » (Un croquis montre deux lignes de joueurs séparés par un trait, joueurs A et joueurs B. 1) « Par 2, au signal B s’enfuient vers fond, A envoient ds les touches. B ramassent les balles. Puis B envoient de touches A et A ramassent les balles. » 2) Un autre croquis joueurs loin de la ligne de séparation. « Au signal, B courent vers A bras tendus vers l’av pour attraper balles. A lancent à B, B réceptionnent et renvoient à A. 1pt par couple qui réussit sans perdre la balle ». Nous avons d’abord des objectifs et "sous-objectifs" :
« Passer. Réceptionner. » sont des objectifs techniques qui tendent vers des savoir-faire spécifiques. Passer, réceptionner sont des sous-routines modulaires d’une compétence plus grande qu’est le savoir conserver une balle en phase d’attaque.
« Attaque collective » correspond à un objectif technique plus complexe. On est plus du côté d’un savoir conceptualisé. La notion d’attaque sollicite une configuration plus large des actions à entreprendre.
« Introduction progressive des défenseurs », cela correspond a un énoncé d’organisation et de gestion didactique.
« Comment se démarquer » est un objectif technique qui devient le savoir à apprendre. Dans cet énoncé, la conceptualisation est plus forte mais l’action n’est pas décrite ; elle doit se comprendre des actions précédentes par la nécessité.
Le grand « A » indique que c’est un choix fort de l’enseignante.
« Comment se placer pour renvoyer son ballon loin ? » est un objectif technique qui devient proche d’un savoir-faire (conceptualisation moins forte par quoi l’on repère une action à faire : envoyer le ballon loin).
Ensuite, la situation comporte des énoncés qui vont préciser soit l’organisation, soit les actions à faire. Le croquis aide à définir le lieu, l’espace de travail et l’organisation générale de la situation ; dans ce cas, on tend plus vers le pôle du comment transmettre.
Analyse des énoncés de la séquence première de sa situation d’apprentissage. L’interprétation de l’énoncé est en italique.
« Par 2 » = il faut se mettre par deux, l’action va se dérouler en faisant travailler les deux joueurs ensembles.
« Au signal B s’enfuient vers fond » = au signal donné par l’enseignante, les joueurs B vont devoir partir vers le fond du terrain.
« A envoient ds les touches » = les joueurs A envoient les ballons au signal commun (identique au signal pour B) en direction des touches, l’idée étant de disperser les ballons et ne pas avoir de trajectoire directe dans l’axe du terrain.
« B ramassent les balles » = les joueurs B qui sont alors en déplacement avant doivent récupérer les ballons envoyés par les joueurs A. L’idée de sa situation étant que les joueurs B vont devoir s’adapter à des trajectoires incertaines.
L’enseignante ne développe pas un discours sur ses intentions éducatives dans la phrase écrite de planification. Elle s’en tient aux aspects ayant trait à l’action, tout n’est pas écrit, elle s’appuie sur un fond de compréhension. Le décor et l’espace de travail ne sont pas décrits ni écrits, ils sont dessinés. L’écrit de planification n’expose pas le contexte – on est dans le contexte – mais s’attache au « faire agir ». Hormis les objectifs, le texte de l’écrit peut se résumer à une hiérarchisation d’instructions. Il a un double but : être facilement exportable tel quel sur le terrain et en faciliter la remémoration pour l’enseignante.

On comprend qu’il n’est pas facile de dissocier une planification (organisation des actions à faire) d’un savoir ou savoir-faire (planifier un contenu d’enseignement), un objectif technique (plus vers l’action spécifique, un acte) d’un objectif général (plus vers l’action perspicace, une action). Cependant, nous retrouvons souvent ces différentes déclinaisons des objectifs chez nos trois groupes d’enseignants. La tendance indique que ce sont souvent des "sous-objectifs" techniques qui sont planifiés, tels que les gestes techniques.

L’écrit de planification dit comment l’enseignant procède pour faire acquérir un savoir ; il ne dit pas le savoir, il dit le savoir de l’enseignant.

Prenons l’exemple de l’enseignant débutant PLC n°19 (leçon 2, situation 5).

Traces écrites Analyse compréhensive et interprétation
L2. S5 : 3 contre 1 sur ½ terrain (tjrs avec tir intelligent) → pr leur faire cprendre l’utilité de l’util de tt l’espace de jeu. Un dessin précise, que le 3 contre 1 se fait dans une zone réduite dans l’axe du but sur tout le ½ terrain. Dans cette situation, l’enseignant procède par inversion. Il contraint les élèves à jouer dans une zone réduite dans l’axe central, pour qu’ils soient finalement en échec devant un seul défenseur. Si tel est le cas, les joueurs devraient comprendre « l’utilité » d’ouvrir sur les espaces latéraux.
C’est en créant artificiellement un besoin que l’enseignant compte faire repérer aux élèves la nécessité d’un autre savoir. Il écrit lui-même cela : « pour leur faire comprendre la nécessité de l’utilité de tout l’espace de jeu ». L’enseignant de terrain parle à l’enseignant didacticien, autre discours de l’énoncé. La contrainte ici n’oblige pas le savoir, elle le dissimule, elle le provoque indirectement, elle l’isole d’une façon précise. Les élèves ne pourront pas faire autrement que de le repérer. La situation est construite pour que les élèves puissent faire une discrimination entre ce qui est possible, impossible et souhaité. Le souhait attendu, c’est comprendre et découvrir la nécessité de jouer sur les espaces latéraux.

Les énoncés de l’enseignant ne sont pas des énoncés pour transmettre le savoir tel quel, ce sont des énoncés qui disent comment on peut transmettre le savoir. L’enseignant pousse les élèves à agir d’une certaine façon et mise sur l’expérience adaptative de l’élève ; il sait que c’est l’intention motrice qui domine les apprentissages moteurs. L’activité handball en témoigne par sa sollicitation de l’aspect décisionnel des joueurs.