II.4. Transposition didactique et motricité.

Le bilan des profils didactiques de nos trois groupes d’enseignants ayant mis en évidence l’abandon des conséquences motrices dans les contenus d’apprentissage proposés, nous allons étudier les rares traces écrites qui traitent plus ou moins explicitement les effets de la motricité sur l’éducation du corps.

L’enseignant d’expérience n°22 fait la synthèse de sa première leçon dont les énoncés n’abordent pas les conséquences motrices des contenus proposés. Il prend en compte l’idée de motricité bien qu’elle soit submergée par des considérations techniques.

Traces écrites Analyse compréhensive et interprétation
« Synthèse. Retour au calme. Bilan : Motricité et efficacité en jeu = beaucoup de fautes en préhension et utilisation presque systématique des 3 pas. Est-ce la meilleure solution pour aller vite ?
Comportement = les règles strictes interdisent les débordements et la violence…. A conserver ! ».
Le bilan fait apparaître un souci au niveau de la motricité des élèves. Les fautes de préhension sous-entendent des problèmes d’équilibre en mouvement, de coordination, de latérisation, etc. La transposition didactique n’explique pas les effets moteurs, elle explique le plus souvent les actions à faire sans leurs conséquences. La finalité motrice de l’éducation physique est effacée par l’aspect culturel dans la phase de planification. Il faut alors décoder ce discours pour comprendre que les enfants ont tels ou tels problèmes moteurs.
Dans son bilan, cet enseignant fait apparaître que les règles et les contraintes, si elles favorisent l’apparition et la compréhension du principe, elles lui permettent aussi de cadrer et d’anticiper les débordements possibles des enfants. Dans ce cas, la transposition didactique prend en compte le côté axiologique et humain de l’apprentissage.

Étant donnée la difficulté de saisir à chaque leçon des énoncés comportant des informations sur des problèmes moteurs283 (coordination, latérisation, souplesse, rythme cardiaque, renforcement musculaire, travail de l’équilibre, éducation du regard, etc.) ; il faut bien un support ou un moyen d’expression pour qualifier un acte moteur. Cependant, le langage technique véhicule une pensée technique qui ne concerne pas la motricité c'est-à-dire le corps comme sujet. Le seul écrit qui prenne vraiment en considération des critères relevant d’une éducation physique parle de la période d’échauffement.

Nous avons tenté de modéliser les propositions de l’enseignant débutant n°14.

Traces écrites Analyse compréhensive et interprétation
L1 S1 : « Objectifs : -aspect collectif/ circulation de balle. – aspect technique : passe tir » « Séance du 23/01 handball BEPA 2EER » « 1 : Echauffement : - course →
2 tours de terrain tous E. Exos variés →
genoux, talons, écarts, flexion, extension, course arrière, réaction à 1 signal, rota épaules. Mobilisation articulaire → chevilles, genoux, bassin, épaules, coudes, poignets, cou, doigts. Renforcement musculaire → abdos, pompes, gainage, lombr,
3X20 abdos grd droit (par 2) 3X10 pompes à mon rythme 3X20 s gainage 2X20 lombr alternés jb gche/bras droit. V avec ballon. 2 équipes : relais →
dribble en courant sans reprise de dribble. Etirements → pas + de 6 secondes. Quadriceps, ischios, mollets, adducteurs, fessiers, épaules. Hydratation.
Cette première situation est pratiquement à elle seule une leçon d’éducation physique et nous notons l’importance qui est accordée aux aspects moteurs du travail.
Nous avons établi le scénario suivant :
Une action à faire  : « course »
Organisation de la situation  : « deux tours de terrain »
Organisation du groupe classe  : « tous ensemble »
Actions à faire (mouvements amples)  : « exercices variés, genoux, etc. 
Actions à faire (mouvements localisés)  : « mobilisation articulaire, etc. »
Actions à faire (mouvements de développement ) : « Renforcement musculaire, etc. »
Action à faire (manipulation d’un engin) : « Déplacement avec ballon »
Actions à faire (sur place, protection musculaire)  : « étirements »
Action d’hygiène corporelle  : « Hydratation »

L’enseignante débutante n°16 planifie un échauffement traditionnel qui se compose de « courses, montées de genoux, talons fesses, pas chassés, flexions extensions, étirements quadriceps, mollets, triceps, etc. » Elle écrit dans le détail chaque mouvement ; surtout, elle reproduit ses écrits sur tout le cycle. L’échauffement est peu motivant pour sa classe de sixième, mais elle prend en compte l’éducation motrice des élèves pendant cette période. La fin de son échauffement ainsi que les situations suivantes oublient ce lien avec la motricité pour des considérations techniques.

Notes
283.

L’arrêté du 13 septembre 1989 (B.O. n° 38 du 26/10/89. page. 2478) concernant le certificat médical d’inaptitude à la pratique de l’Education Physique et Sportive est libellé en termes d’incapacités fonctionnelles sur les problèmes moteurs des élèves pour informer l’enseignant d’éducation physique et sportive. Il ne prend pas en compte le langage technique des activités sportives.