III.1. L’enseignant concepteur.

La littérature didactique et pédagogique fait de l’enseignant un concepteur. L’écrit de planification fait partie de cette pratique réflexive didactique dense, c’est un faire qui dit. L’étude de quelques énoncés de nos enseignants va nous permettre d’appréhender une partie de ce travail de conception.

Considérons l’expert handball n°4 (leçon 1, situation d’apprentissage 3) et tentons de comprendre ses décisions professionnelles.

Traces écrites Analyse compréhensive et interprétation
L1 S3 : « Amélioration de la relation passeur – réceptionneur sur grand espace avec opposition défensive légère » « par 2 ; montée de balle. 1 GB dans chaque but. Terrain divisé en 2 (en diagonale) dans la longueur » « les attaq. Par 2 avec 1 ballon monter la balle en passe (dribble autorisé dans 2ème partie) → aller marquer le but. Les défenseurs, 1 dans chq partie du terrrain (1+1), on peut jouer sur les trajectoires » « qualité des transmissions (ou perte de balles) - → 2 attqu ne doivent pas être alignés (côte à côte) → jeu en profondeur – justesse des choix (passer ou dribbler) ou passer et tirer/ à la position du déf. « 2 dribble limité à 1 rebond, 3 le 2ème défenseur reste à l’intérieur des 9m (tir à 6 m choix : je tire ou je passe). » Le premier énoncé nous dit :
« Amélioration de la relation passeur –réceptionneur sur grand espace avec opposition défensive légère ».
Il précise l’objectif et l’action particulière du savoir à apprendre tel que : « amélioration de la relation passeur réceptionneur ». Il indique la condition de réalisation et le degré de difficultécomme : « sur grand espace » « opposition défensive légère ».
Ensuite, nous avons : « Par 2 – montée de balle » c'est-à-dire comment et quoi.
Puis, l’enseignant écrit : « 1GB dans chaque but, terrain divisé en 2 dans la longueur » c'est-à-dire le comment et où.
Les autres énoncés sont tout autant une construction didactique : « les atta, par 2 avec 1 ballon, monter la balle en passe (dribble autorisé dans 2ème partie → aller marquer le but ». Ainsi avons-nous dans cet énoncé : qui est concerné, les attaquants ; commen t par 2 ; avec quoi, un ballon ; pour quoi faire , monter la balle en passe, précision ; de quelle façon , dribble autorisé ; dans 2ème partie; quelle finalité de l’action, marquer le but. Conséquence sur l’apprentissage : accéder en situation de marque en utilisant le grand espace lors de la progression. Il y a valorisation de l’action du savoir particulier (amélioration de la relation passeur- réceptionneur) en jouant sur grand espace, mais ce savoir particulier est inclus dans un savoir plus grand progresser pour marquer.

Les énoncés impliquent un savoir-faire professionnel sophistiqué. L’enseignant propose un réseau riche de relations instables, déconcertantes parfois mais contrôlées. C’est à l’intérieur des situations d’apprentissage que les actions motrices des élèves vont devenir intelligibles.

Dans le bilan de sa première leçon, l’enseignant débutant n°14 constate que le retour en zone des élèves est mal fait et propose pour la leçon suivante de faire jouer la contre-attaque. Ainsi, il va obliger les joueurs défenseurs à prendre conscience de l’importance d’un repli défensif correct. Dans un premier temps, il ne donne pas des solutions pour répondre au problème ; au contraire, il exagère la difficulté du repli défensif en insistant sur le développement de la contre-attaque. Il pense donc mettre ses élèves défenseurs en déficit de connaissances pour les solliciter face à un problème particulier et nouveau. Mais comme les élèves vont alternativement passer en défense et en attaque, il inquiète d’un côté et rassure de l’autre. Le savoir-faire « retour en zone » va être interrogé du côté de la réponse (défendre) et du côté du problème (attaquer). Les élèves vont être tour à tour ceux qui doivent résoudre le problème et ceux qui posent le problème.

Dans leurs situations d’apprentissage, les enseignants restituent le sens de l’activité de référence ; ils construisent aussi un lieu où l’action est constituante de ce sens. Ce travail est un lieu de reconstruction imaginaire du savoir des élèves. Dans les cas étudiés, la planification n’est pas réductrice à un découpage élémentaire des pratiques sociales de références avec une perte de sens. Les enseignants font au contraire l’effort de reconstruire un milieu plus sensé que l’activité de référence. Le jeu de handball avec toutes ses règles n’est pas plus éducatif qu’une situation d’apprentissage bien réglementée.