IV.1. Transposition de l’activité de référence handball et effets sur l’enseignement.

La période dite « jeu normal » subit des contraintes didactiques en liaison directe avec l’objectif poursuivi. Les enseignants du secondaire imposent une "sur-réglementation" : le jeu ne va pas s’effectuer selon les règles du code d’arbitrage mais avec des règles complémentaires qui vont restreindre, contraindre ou déformer l’activité handball ou bien l’adapter dans le meilleur des cas aux capacités des élèves.

Soit l’exemple de l’enseignant d’expérience n°26 (leçon 6, situation 2).

Traces écrites Analyse compréhensive et interprétation
L6 S2 : « Jeu sur gd terrain : 1 éq (6 joueurs sur le terrain + 1 gardien. les autres remplaçants) 2 éq sur terrain. 1 éq à l’arbitrage. Consignes : déterminer 2 joueurs fixes à D et G : si marquent : 2pts (joueur D à D / joueur G à G) revenir tt de suite en déf. si perte de ballon » « Bilan peu de tps pr match : pb sur gr terrain » L’enseignant précise le lieu de travail, « le grand terrain » ; il fixe les effectifs et l’organisation du match. Puis il donne deux contraintes pour les joueurs sur le terrain. A) : jouer avec deux joueurs fixes sur les côtés du terrain (il valorise cette contrainte par une attribution de points). B) : imposer une contrainte aux défenseurs, « revenir tt de suite en déf si perte de ballon ». Les conséquences de ces propositions ne sont pas analysées ni vérifiées dans leurs pertinences.
Nous considérons que l’enseignant peut enseigner à partir de connaissances partielles, c’est-à-dire non pertinentes. Il transpose à partir d’une culture commune pour remédier à son manque d’expertise.

Soit l’exemple de l’enseignante d’expérience n°24 (leçon 1, situation d’apprentissage 2), laquelle fait une transposition didactique en contradiction avec les effets recherchés.

Traces écrites Analyse compréhensive et interprétation
L1 S2 : « Elargir l’espace de jeu, avoir recours à 1 joueur relais. » Un croquis représente un terrain de handball, un grande bande centrale et deux bandes latérales sont tracées. Trois contre trois dans la bande centrale et un joueur relais dans chaque bande latérale. « porteur marqué, adversaires marqués → utiliser le joueur relais. 1 dribble Nous avons :
Les objectifs  : (ils sont planifiés en début de leçon).
Une action à faire et son lieu : « élargir l’espace de jeu ».
Une précision sur les conditions de réalisation de l’action  : « avoir recours à 1 joueur relais ».
Une précision sur les conditions de réalisation de l’action   : «  porteur marqué, adversaires marqués → utiliser le joueur relais ».
Une précision sur les conditions de réalisation de l’action. Le plus souvent, c’est une contrainte   : « 1 dribble ».
L’affaire est bien pensée, tellement bien que les joueurs ne pourront que prendre cette décision de faire une passe au joueur sur le côté du terrain. Par des consignes et des règles supprimant les libertés d’actions, elles enferment ces joueurs vers une seule possibilité. C’est une restriction des choix et des décisions des apprenants, il n’y a pas de contraste et d’alternative favorable à l’apprentissage. Ils vont effectivement comprendre la nécessité du joueur joker, puisqu’ils n’ont pas d’autres solutions. D’après son croquis, nous comprenons qu’il n’y a qu’un joueur par bande latérale, et qu’il va se déplacer comme un véritable curseur sur cette surface pour être relayeur. L’enseignante transpose l’activité handball en construisant une situation d’apprentissage artificielle qui déforme l’activité en plusieurs points, et en vient même à s’opposer à ses objectifs. Le joueur joker ne peut se déplacer qu’en aller et retour dans sa zone, sans prise d’intervalle et sans placement stratégique par rapport aux défenseurs et à l’évolution du jeu, etc.
Notre propos est de faire apparaître que la transposition didactique peut s’opposer aux logiques et aux principes de l’activité de référence, mais aussi aux objectifs choisis par l’enseignante.

Les experts handball, eux, dissocient fortement les situations ludiques des situations techniques de travail. D’un côté, ils travaillent sur les moyens et, de l’autre, sur l’essence de l’activité. Vouloir faire apprendre l’activité sportive handball suppose didactiquement un dualisme entre agir et faire, entre respecter des logiques techniques et motrices et prendre des initiatives dans un milieu d’appel de sens. Ainsi travaille-t-on d’un côté l’aspect technique et sollicite-t-on de l’autre l’esprit d’initiative.

Ces différentes situations d’apprentissage agissent comme modèles implicites de connaissances professionnelles. Leurs singularités induit un discours créatif.