Synthèse du chapitre.

Lors de la phase de planification et de didactisation, la transcription des contenus d’enseignement peut autant révéler des savoirs d’expérience habiles et pertinents qu’entraver les objectifs d’apprentissage. La construction des contenus d’enseignement fait lire des complexes d’intervention. Pour Yves Chevallard, « tout désir de transposition rencontre ainsi l’ordre didactique »299 qui va des scénarios planificateurs à des variables didactiques plus fines. Philippe Perrenoud, lui, considère que l’on ne « s’approprie les savoirs qu’à travers une activité, suscitée par des conditions et des situations d’apprentissage »300. La transmission de savoirs s’ouvre à une multitude de variables didactiques ayant trait aux conditions matérielles et structurelles de l’enseignement. Tels sont les effets de certaines "micro-structures" ou "micro-propriétés" qui causent les caractéristiques visibles de la transposition didactique dans les contenus à enseigner.

Certains effets didactiques viennent à dépouiller l’objet d’enseignement de sa signification culturelle et sociale. Le processus de transposition didactique s’inscrit plus généralement dans des contextes institutionnels qui orientent et contraignent d’autant le travail de planification des enseignants. La mise à jour des anomalies du phénomène transpositif engage à une nouvelle représentation du travail d’écriture des enseignants.

Dans le domaine des sports collectifs, les conceptions d’enseignement ne semblent pas totalement venir d’une tradition savamment respectée et transmise. Elles sont autant le résultat des conditions d’enseignement (lieu scolaire, effectifs, espace, matériel, gestion des groupes, expérience d’enseignement, identifier un savoir à transmettre, etc.) que d’une volonté affichée à vouloir procéder de cette façon. La mise en colonnes ou en lignes et le travail par vague de trois sont une façon de gérer un groupe classe pour scolariser ce qu’il y a à apprendre, quitte à aborder l’activité handball dans une technicité réduite à un ou trois joueurs. Dans sa scolarisation, l’efficacité didactique oriente en partie les conceptions d’enseignement. Lors d’une situation d’apprentissage qui propose le jeu ou le match, ce sont d’une autre façon les règles du jeu qui fixent les règles didactiques ; la conception n’est plus alors techniciste. Le jeu et ses règles "auto-organisent" la forme d’apprentissage, l’enseignant n’a plus alors à gérer en interne son effectif pour faire apprendre.

En éducation physique et sportive, la transposition didactique se demande « quels savoirs pour enseigner » plutôt que « quels savoirs à enseigner ». Dans cette idée nous avons tenté de comprendre comment la situation d’apprentissage planifiée dans laquelle le savoir apparaît devient une composante intégrale de ce qui est appris.

Cependant, cette façon de faire ne doit pas ôter le caractère réfléchissant de la trace écrite. Les signes deviennent des appels permanents de sens et de réflexions ; l’activité d’écriture est créatrice d’expérience. Nous allons dans le chapitre à venir tenter de démontrer que l’activité réflexive qu’impose l’écriture à l’enseignant est une mise à distance/proximité de son expérience d’enseignement. Il est nécessaire de reconsidérer autrement l’activité de planification ; elle n’est pas une simple préparation à l’enseignement de la leçon à venir ou du cycle de leçons, elle est un discours d’expérience.

Notes
299.

Chevallard, Y. (1994). Déjà cité. (p.155).

300.

Perrenoud, P. (2001). Déjà cité. (p.73).