I.1. La richesse de l’activité planificatrice. 

« L’artiste, par exemple, détient des savoirs qu’il investit dans son œuvre, mais il ne les explicite – parfois à contrecœur – que s’il est interviewé par un critique, sollicité comme expert, appelé à former des débutants. Il en va de même du sportif et de nombre de gens de métiers dont les savoirs sont en quelque sorte indissociables des gestes professionnels qu’ils guident. On atteint d’abord les pratiques, les savoirs s’y trouvent " en creux " »332. La question des traces écrites rend saisissante d’intérêt cette comparaison au premier abord surprenante.

L’enseignant ne planifie pas seulement au sens où sa planification est déjà une forme d’interaction avec le milieu d’enseignement ; il construit aussi un milieu qui met en rapport l’élève avec un système très complexe, sans que son savoir professionnel soit explicité dans la mesure où il reste confidentiel dans cette pratique d’écriture qu’est l’écrit de planification.

François Victor Tochon rappelle que le respect de ses quatre préceptes « pertinence, globalisme, téléologie et agrégativité »333 est nécessaire pour passer d’une planification qui atomise les difficultés au paradigme systémique. Les traces écrites sont justement parfois plus proches du paradigme de la complexité que du paradigme « cartésien »334 séparant théorie et pratique.

Compte tenu de la visibilité des réussites et des échecs des élèves, ces enseignants ont compris que les apprentissages se font dans un désordre fonctionnel laissant place à la créativité et à l’adaptation des apprenants. L’analyse de contenu rend la complexité et l’habileté du dispositif à elles-mêmes pour rendre intelligibles les pratiques de planification. Dans leurs rapports indirects aux conduites d’apprentissage, il s’agit de définir l’étude des traces écrites comme une « activité de pensée réfléchie »335 et par conséquent, comme moyen pour comprendre la façon dont les enseignants « aménagent l’expérience formatrice »336 et motrice des élèves.

Notes
332.

Perrenoud, P. (1998). Déjà cité. (p. 5).

333.

Tochon, F.V. (1990). Déjà cité. (p.36).

334.

Tochon, F.V. (1990). Déjà cité. (p.34).

335.

Tochon, F.V. (1993.b.). Déjà cité. (p.26).

336.

Perrenoud, P. (1993). Déjà cité. (p.66).