Le terrorisme est un phénomène complexe, jamais défini, beaucoup décrit et mal compris. Il est l’un des principaux enjeux pour les services de sécurité et les institutions étatiques, car il est l’une des menaces les plus importantes, non seulement pour les Etats mais aussi pour les organisations internationales. Il est également l’un des instruments le plus aisément utilisable par les groupes criminels et les Etats qui les soutiennent. Dans ce contexte, il est l’un des acteurs dominants du XXIe siècle.
Le terrorisme religieux est la dernière forme idéologique et violente de ce type de menace. Il signifie l’utilisation ou l’instrumentalisation par les organisations terroristes de l’idéologie religieuse pour les objectifs politiques. Sur ce point, il est l’un des enjeux majeurs des conflits probables des prochaines années. Quant au terrorisme religieux en Turquie, il est un acte de violence destiné à changer par la coercition le système de l’Etat et du droit laïcs et à fonder un Etat islamique. Ce type de menace est aujourd’hui la plus récente et la plus inquiétante sur le territoire turc, tout comme dans le reste du monde.
La sécurité signifie l’état d’une personne confiante contre les dangers ou les risques. Quant à la sécurité intérieure, elle désigne l’ensemble des méthodes et des moyens déployés pour assurer la protection des personnes, des biens et des institutions contre les menaces et les risques. En Turquie, la Police Nationale, en tant que garant de la sécurité intérieure, est le principal responsable du maintien de l’ordre en zone urbaine. Depuis quelques années, son rôle et sa responsabilité contre le terrorisme religieux sont en pleine mutation et en constant développement comme dans le reste du monde. La lutte contre le terrorisme religieux incombe de plus en plus à la Police Nationale dans le cadre du maintien de la sécurité intérieure. Cette tâche nécessite, d’une part, le renouvellement de la Police Nationale elle-même et, d’autre part, le réexamen des formes de collaboration avec les autres services de sécurité turcs et les autorités concernées étrangères et internationales.
Dans cette thèse, nous avons étudié la lutte antiterroriste policière contre le terrorisme religieux. Cependant, comme le mécanisme de lutte contre le terrorisme est plus complexe et plus vaste, nous avons également travaillé sur les mécanismes politique, administratif, juridique et opérationnel. En plus, la Police Nationale dispose d’un mécanisme antiterroriste plus large et a des relations complexes avec multiples institutions turques et étrangères.
Le terrorisme religieux se distingue du terrorisme séparatiste ou révolutionnaire par l’idéologie religieuse. Les organisations terroristes qui instrumentalisent l’Islam, sont considérées et qualifiées par le juge comme « organisations terroristes religieuses ». La loi ralative à la lutte contre le terrorisme donne une définition du « terrorisme » mais ne fait pas une distinction de la menace selon l’idéologie. A partir d’une telle qualification, les services de sécurité et la Police Nationale développent leurs stratégies antiterroristes. L’Etat intervient avec les « politiques de sécurité » et les « plans d’action » qui sont toujours secrets pendant la définition et la planification. Cependant les conséquences de cesdites politiques sont visibles dans l’opinion publique.
Cette recherche est en effet une thèse de science administrative, c’est-à-dire de sciences sociales appliquées à l’administration. Selon Jacques Chevallier1, la science administrative est la science carrefour qui supoose la mobilisation des savoirs multiples produits par les divers sciences sociales sur le phénomène administratif. C’est pourquoi nous avons adopté une approche multidisciplinaire, car il nous semble qu’aucune discipline ne peut, en tant que telle, permettre de comprendre toute la complexité du terrorisme et de la lutte contre le terrorisme. En plus, la Police en tant qu’objet de recherche scientifique, ne peut s’expliquer par une seule discipline, car la connaissance de la police suppose sur des différentes disciplines.
Sur le plan méthodologique, notre thèse privilégie une méthode qualitative. Elle est le résultat d’une enquête de terrain sur la Police Nationale turque. Nous avons utilisé les techniques d’enquête de terrain telles que l’observation participante qui implique d’être présent, de considérer avec attention les pratiques et les propos du personnel, et l’entretien semi directif afin de mieux comprendre l’organisation et le fonctionnement de l’institution policière.
Dans notre introduction générale, nous allons d’abord essayer de réapprendre le terrorisme religieux : une menace croissante contre les démocraties (Section 1). Ensuite, nous allons essayer de présenter la lutte contre le terrorisme religieux : une réponse pour la survie des démocraties (Section 2). Enfin, nous allons terminer notre introduction générale par le cadre d’analyse de la thèse : une analyse dynamique sur un sujet actuel (Section 3).
CHEVALLIER Jacques, Science administrative, Paris, PUF, 2002, p.6 et suite.