Sous-section 4. Les mesures de la lutte antiterroriste policière

Le mot « police » vient du grec, désignant la cité et plus exactement la forteresse où se trouvaient les sanctuaires. Puis, par extension, on parle de politeia, c’est-à-dire à la fois de la « situation de citoyen » et de l’« ensemble des citoyens ». On comprend donc que la police soit née dans la ville et que, peu à peu, elle signifia protection du citoyen.75 Aujourd’hui, ce terme police désigne, de manière générale, l’activité qui tend à assurer la sécurité des personnes et des biens.

La nécessité d’une force publique pour la garantie des droits de l’homme et du citoyen est précisée dans l’article 12 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 en soulignant que « cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée ». Depuis la naissance des Etats modernes, assurer la sécurité des citoyens contre les menaces a été l’un des premiers devoirs de l’Etat. En disposant du monopole de la force légitime, formulé par Max Weber, les Etats exercent cette mission difficile par leurs organisations de sécurité.

Jusqu’à la naissance des organisations modernes de police, les Etats ont assuré la sécurité de leurs citoyens et de leurs frontières par l’intermédiaire des organisations militaires. A cette époque, on ne parlait plus d’une séparation entre la sécurité intérieure et extérieure et les militaires assumaient cette mission à l’intérieur et à l’extérieur des frontières. La diversification et le changement de mission de sécurité et la nouvelle conception de son contenu ont nécessité de fonder les premières organisations policières en tant que responsables de la sécurité intérieure.

Selon Jacques Chevallier, « la police est préposée au maintien de l’ordre intérieur. Si tant est que la paix sociale est au principe même de la formation de l’Etat, la fondtion policière peut-être considérée comme coextensive à l’Etat. Cependant, l’apparition de la police au sens moderne du terme, c’est-à-dire comme l’institution spécialisée et civilisée, est récente. » 76 A l’heure actuelle, les systèmes policiers77 sont divers, municipaux et atomisés aux Etats-Unis, étatisés et centralisés en France, régionalisés au Royaume-Uni, en Allemagne et en Suisse, mixtes en Espagne etc.

Les institutions policières, dans les plusieurs Etats, remplissent une multitude de missions, notamment dans les zones urbaines, comme la lutte contre la délinquance, la criminalité organisée, le trafic de drogue, l’insécurité routière, l’immigration illégale etc. Parfois ces missions interviennent dans le même domaine de compétence, mais en ce moment depuis plus d’un demi-siècle, ces institutions consacrent une partie importante de leurs compétences, sources et capacités dans la lutte contre le terrorisme.

Dans la plupart des pays, les approches et les responsabilités des différents services de sécurité, en matière de lutte contre le terrorisme, relèvent des différentes conséquences politiques et juridiques. Par exemple, la participation des militaires peut remettre parfois en question du contrôle démocratique. C’est-à-dire, les institutions policières se trouvent sous les contrôles politico juridiques tandis que les forces armées peuvent disposer d’une autonomie à échapper à ce type de contrôles. La police, en tant qu’institution civile, ne suit pas une politique de sécurité militaire dans la lutte contre le terrorisme. Elle utilise ses propres méthodes et techniques qui ne sont pas identiques avec celles des militaires, comme le renseignement, l’infiltration, la lutte contre le financement et la reconstitution de l’organigramme des organisations terroristes.

Le renseignement est l’une des méthodes les plus anciennes utilisées par les institutions de la lutte contre le terrorisme. Parce que l’information a été toujours une source de pouvoir. Par laquelle les services concernés anticipent et préparent leurs mesures. En fait cette mission de recherche n’a pas été confiée directement et seule à la police. Les autres services de sécurité, notamment les services de renseigment, partagent cette mission selon leurs terrains d’intervention. Il est important d’utiliser rapidement le renseignement sinon il n’est rien.

L’infiltration est une autre méthode utilisée aussi importante et efficace que le renseignement. La surveillance des organisations terroristes n’est ni une tâche facile ni moins chère. En introduisant des hommes de confiance dans les milieux activistes ou si possibles terroristes, la police peut réaliser une surveillance plus efficace. Comme l’a dit Bruce Hoffman, pour savoir ce qui se passe à l’intérieur d’un mouvement terroriste, « il n’y a guère de meilleur moyen que d’être à l’intérieur. Beaucoup d’hommes ne sont pas nécessaires, un seul bien placé suffit » 78. La police utilise aujourd’hui bien souvent ce type de méthode.

La lutte contre le financement des organisations terroristes est la méthode la plus utilisée dans les dernières années. Les organisations terroristes ont besoin d’argent pour leurs actes et activités. Le recrutement de nouveaux membres, la disposition d’équipements, l’achat des armes, le financement de déplacements ne sont possible qu’avec de l’argent. La plupart des Etats ont été d’accord, notamment après le 11 septembre 2001, sur la lutte contre le financement du terrorisme. Ils ont forcé leurs services de sécurité pour la surveillance, le suivi et le gel des comptes des organisations terroristes. Ce moyen de lutte a facilité la tâche de la police dans sa lutte contre le terrorisme.

L’objectif de la lutte antiterroriste policière n’est plus seulement de capturer ou chasser les terroristes. Elle a aussi pour but d’appréhender les différents niveaux de décision et les articulations internes et externes de l’organisation terroriste. Pour ce faire, la police reconstitue l’organigramme des organisations terroristes dans la lutte contre le terrorisme. Comme l’a écrit Pierre Mannoni, « aucune lutte sérieuse ne peut, en effet, être entreprise efficacement contre une organisation terroriste sans que soit opérée cette reconstitution de la pyramide qui la compose, fut-elle internationale » 79 .

Aujourd’hui, la police n’est pas la seule force destinée à assurer la sécurité de l’ordre social et public contre le terrorisme. Quelques départements de ministère de la Justice ou de l’Economie au niveau politico administratif, les services secrets de renseignements, les gendarmeries et les forces armées au niveau opérationnel, selon leurs positions politiques, juridiques et administratives ou géographiques, partagent cette tâche difficile avec la police. Ainsi, la coopération avec les autres services politico administratifs et opérationnels intérieur et extérieur est une autre méthode ou qualité pour la police dans sa lutte contre le terrorisme.

Dans sa lutte contre le terrorisme, la police assure, en fait, une relation permanente entre l’Etat et la société. Si la police n’a pas réussi dans cette mission, l’Etat sera considéré comme inefficace, au sein de la société. Alors, le rôle et les méthodes de la police dans cette lutte sont vraiment importants. La police doit s’adapter quotidiennement contre ce type de menace afin de répondre aux attentes de l’Etat et de la population.

Notes
75.

SOULLEZ Christophe et RUDOLPH Luc, La Police en France, Toulouse, Editions Milan, 2000, p.6.

76.

CHEVALLIER Jacques, Science administrative, op.cit., p.84.

77.

Pour une approche comparative parmi les différents systèmes policiers, notamment dans les démocraties occidentales, voir : GLEIZAL Jean-Jacques, GATTI-DOMENACH Jacqueline et JOURNES Claude, La Police. Le Cas des démocraties occidentales, Paris, PUF, 1993, 390p.

78.

HOFFMAN Bruce, La Mécanique terroriste, Paris, Calman-Lévy, 1999, p.262.

79.

MANNONI Pierre, Les Logiques du terrorisme, op.cit., p.204.