Sous-section 2. La justification d’une étude de terrain

Depuis sa fondation, la République de Turquie a connu deux menaces principales : les activités séparatistes et religieuses. Dès la deuxième moitié du dernier siècle, ce type d’activités a évolué et s’est transformé en menace terroriste. Il n’y a aucune période dans les dernières quarante années de la Turquie pendant laquelle le terrorisme n’occupe une place dans les débats non seulement politique mais également publics. C’est pour cette raison que la menace terroriste - d’abord révolutionnaire, ensuite séparatiste et enfin religieuse - a été toujours une préoccupation très sensible pour les autorités politiques et les services de sécurité.

En tant qu’Etat à la fois européen et asiatique, la Turquie est tout simplement l’un des pays les plus importants de la région. En étant la protectrice des détroits entre la Mer Noire et la Méditerranée, elle occupe une position plus stratégique et géopolitique. De l’autre côté, elle est membre actif, à la fois, du Conseil de l’Europe, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, de l’Organisation de la Conférence Islamique, de l’Union Economique de la Mer Noire, de l’Organisation de la Coopération Economique (avec l’Iran, le Pakistan et les républiques musulmanes de l’ex-Russie) et de l’Organisation des Etats Turcophones. Elle est l’une des alliées importantes des Etats-Unis et elle est dans une alliance économique et militaire avec Israël. Cette situation de la Turquie a une double conséquence : d’une part, les conséquences de la conjoncture internationale d’après guerre froide la forcent à jouer un rôle régional important ; d’autre part, les menaces actuelles, notamment celle du terrorisme, liées aux conflits régionaux augmentent sa vulnérabilité.

La Turquie est un champ de recherche riche pour les thésards qui veulent réaliser une étude sur le terrorisme. Il est possible pour un chercheur d’y trouver assez de matériaux politiques, socio-économiques, culturels et conflictuels afin de faire une telle recherche. L’existence de plusieurs organisations terroristes de toutes motivations et de politiques antiterroristes appliquées depuis des années peut présider en choisissant ce type de travail. En plus, l’activité des terroristes en instrumentalisant la religion dans un pays laïc où la plupart des gens sont musulmans, est un autre caractéristique qui peut attirer l’intérêt des chercheurs. Ainsi, faire une recherche sur le terrorisme religieux en Turquie est à la fois intéressant et bénéfique.

Quant à la police turque, elle est, tout d’abord, l’une des institutions principales de lutte contre le terrorisme et sa stratégie occupe une place importante dans les politiques de sécurité. Ensuite, elle dispose des directions centrales, des départements et des unités spécifiques chargés de lutte antiterroriste - de renseignement à l’opération armée -, et elle consacre une grande partie de son budget, ses effectifs et ses efforts dans cette tâche difficile. Enfin, elle est en relation avec les autorités politiques, administratives et juridiques et elle coopère avec des autres services de sécurité aux niveaux national et international.

En Turquie, la police a joué un rôle important contre le terrorisme de toute motivation pendant toute la deuxième moitié du dernier siècle. A partir des années 1990, l’augmentation de la menace terroriste religieuse a forcé l’Etat turc de prendre des mesures plutôt sécuritaires et pragmatiques. Mais vers la fin de ces années, la volonté de l’Etat turc d’entrer dans l’Union Européenne a influencé ses politiques publiques institutionnelles. Dans cette conjoncture, la police a été l’institution la plus modifiée et développée dans la lutte contre le terrorisme.

Dans un Etat de droit, comme toute politique publique, la lutte contre le terrorisme doit être menée par les règles démocratiques. La Police Nationale turque réalise ses actions de lutte antiterroriste dans le cadre de plus de dix lois différentes qui exigent de suivre une lutte efficace. Depuis le 11 septembre 2001, le gouvernement turc a réalisé quelques modifications de son arsenal juridique de lutte contre le terrorisme, afin d’augmenter l’efficacité de la police et des services de sécurité. Selon les politiques, toutes les modifications ont été réalisées par une approche plus sensible pour ne pas s’éloigner de principes démocratiques. Mais en ce moment, ces changements n’ont pas pu échapper aux critiques de défenseurs de liberté. Car, pour eux, les récentes évolutions juridiques portaient atteinte aux libertés individuelles.

En outre, la déontologie ou l’éthique professionnelle policière oblige aussi de prendre des mesures dans le cadre de la démocratie. Parce que la lutte antiterroriste représente d’autres stratégies et de comportements que celles menées contre les crimes ordinaires et les interventions des unités de lutte antiterroriste posent parfois des problèmes dans l’application. Il est évident que la réalité est différente de ce qui est indiqué dans les livres. Mais malgré tout, la police doit essayer de montrer l’équilibre entre la sécurité et les libertés individuelles.

Une dernière remarque importante à préciser que, la lutte antiterroriste est l’un des domaines les plus difficiles à travailler mais aussi les plus choisis par les membres de la Police Nationale. Les caractéristiques propres à ce métier comme la difficulté, l’émotion, la nécessité de plus de courage, la proximité élevée parmi le personnel, l’attente des jeunes commissaires d’une bonne carrière etc. sont des raisons qui augmentent l’ambition d’y travailler. En effet, le thème sur la menace du terrorisme religieux et la lutte policière contre ce type de menace est l’objet d’un intérêt croissant. Travailler dans les unités de lutte antiterroriste est à la mode pour le personnel de la Police Nationale.

A la lumière de ces explications encadrées, il nous semble mieux de faire une thèse fondée sur une étude de terrain pour comprendre la lutte antiterroriste policière contre le terrorisme religieux en Turquie. Faire une recherche sur ce thème permet à la fois de mieux voir le fonctionnement et le structure du système d’Etat turc. Par cette approche, il est possible aussi de comprendre le fonctionnement de l’administration publique, dans lequel les relations institutionnelles, les processus de mise en place de politiques publiques et finalement la capacité d’intervention d’Etat pour résoudre de problèmes sociaux. En effet, il nous semble qu’une étude de terrain bien réalisée va nous permettre de tout saisir clairement.