Section 2. L’organisation terroriste : une entité construite selon des structures et des méthodes d’organisation

L’organisation signifie «l’ ensemble d’individus regroupés au sein d’une structure régulée, ayant un système de communication pour faciliter la circulation de l’information, dans le but de répondre à des besoins et d’atteindre des objectifs déterminés » 233 .Quant à elles, les organisations terroristes ne sont pas de simples groupes d’idéologues, de psychopathes ou d’ennemis de la société mais sont plutôt « des entreprises politiques, avec des processus de recrutement et d’intégration, une aptitude à mobiliser, des règlements internes, des luttes de pouvoir, une production doctrinale » 234 . Elles fonctionnent selon des structures et des méthodes d’organisation. Elles disposent généralement d’une structure hiérarchique et généralement pyramidale, et réalisent tous leurs actes par l’organisation du travail. Ce type de mécanisme signifie l’ensemble de responsabilités, de pouvoirs et de relations entre les membres au sein de l’organisation.

Selon Jean-Luc Marret, les organisations terroristes comprennent trois dimensions : « De membres actifs qui forment le noyau central et qui décident, agissent et recherchent l’action destructrice ; De militants qui soutiennent logistiquement le premier cercle, en fournissant activement une sécurité ponctuelle, des caches, de la nourriture, etc. ; Des sympathisants, population au degré de participation variable, inconstant ou partiel, et qui agissent comme un vivier potentiel de recrutement et de soutien logistique » 235 . L’approche de Marret qui a pour but de présenter un schéma général d’une telle organisation, nous semble logique. Mais en ce moment ce schéma n’est pas tout à fait identique dans toutes les organisations terroristes. Par exemple en Turquie, le Hizbullah a développé une structure strictement hiérarchique tandis que l’IBDA/C s’est organisée dans une structure totalement différente, qui s’appelait comme « s’apparaître de sa propre dialectique » où chaque cellule s’est organisée indépendamment. Quant à la branche turque d’Al-Qaida, elle s’est organisée sur un modèle hiérarchique, en tant que branche indépendante du noyau central d’Al-Qaida. En plus, il n’existe plus de différences parmi les trois cercles que Marret a décrits, dans les petites organisations.

La structure organisationnelle du Hizbullah est vraiment intéressante. Cette organisation a recruté des milliers de membres, et les a coordonnés pendant plus de vingt ans. Comme dans la bureaucratie classique de Max Weber, les membres de l’organisation ont monté en puissance par l’ancienneté, en obtenant de l’autorité sur plus de gens. Il n’y a aucun membre qui soit monté directement à un niveau supérieur dans la hiérarchie pyramidale. Chaque membre du cadre dirigeant était un ancien militant et a disposé d’une autorité croissante selon son ancienneté et sa responsabilité assumée au sein de l’organisation. La performance consacrée du membre l’a placé petit à petit dans une position hiérarchiquement supérieure.

Figure 1.4 : L’organigramme de l’organisation terroriste Hizbullah
Figure 1.4 : L’organigramme de l’organisation terroriste Hizbullah

L’organisation terroriste IBDA/C s’est structurée dans un autre modèle que ressemblait plutôt à celui d’Al-Qaida. Selon cette tactique, les différentes cellules se sont organisées indépendamment sans contacter avec n'importe quelle autorité hiérarchique. Toutes les actions légales sont réalisées par les sympathisants, et les actions illégales sont réalisées par les militants de l'organisation qui sont formés indépendamment dans des milieux géographiques différents. Il n’existait pas aussi un système hiérarchique dans les cellules. La montée d’une personne dans les échelons organisationnels a été limitée par la cellule.

Figure 1.5. L’organigramme de l’IBDA/C
Figure 1.5. L’organigramme de l’IBDA/C

La branche turque d’Al-Qaida s’est structurée comme toutes les autres branches liées à Al-Qaida. Cette branche a présenté une structure organisationnelle centrale en Turquie en étant en relation avec le noyau central d’Al-Qaida. Les rapports entre le centre d’Al-Qaida et la branche turque n’étaient ni hiérarchiques ni pyramidales. La branche turque a suivi une stratégie parallèle mais indépendante à celle d’Al-Qaida. A l’intérieur de cette branche, les cellules turques se sont construites sur un modèle classique hiérarchique.

Figure 1.6. L’organigramme de la branche turque d’Al-Qaida
Figure 1.6. L’organigramme de la branche turque d’Al-Qaida

Les structures organisationnelles des autres organisations terroristes religieuses – AFID , Vasat , L’armée de Jérusalem, Ceysullah - ne sont pas plus complexes. Ces organisations se sont structurées généralement sur deux fronts différents : l'aile religieuse et l'aile militaire. L’aile religieuse s’est intéressée par la formation des membres et le recrutement de nouveaux militants tandis que l'aile militaire s’est occupée des actes et des actions armées.

Figure 1.7 : L’organigramme des autres organisations terroristes religieuses
Figure 1.7 : L’organigramme des autres organisations terroristes religieuses

L’une des principales spécificités des organisations terroristes religieuses est la hiérarchie qui a une structure verticale, avec un chef et des échelons intermédiaires jusqu’aux personnes de la base. La hiérarchie dans les organisations religieuses est généralement très stricte et se pose non seulement sur la capacité physique du leader mais également sur sa force censée transcendante, car, à l’intérieur de ces organisations, les membres croient généralement que leur leader est aussi un élu par Dieu. C’est pour cette raison qu’ils le nomment généralement comme le halife, le calife ou le guide. Par exemple, le leader du Hizbullah a été nommé comme le rehber (guide) tandis que celui de l’AFID est considéré par les membres de l’organisation comme le halife. Les membres de la branche turque d’Al-Qaida ont accepté leur leader en tant qu’émir, et Ben Laden comme le calife du monde musulman.

La division du travail dans les organisations religieuses change selon la dimension physique de l’organisation. Le commandement, la logistique, la formation et la lutte militaire sont réalisés par différentes personnes ou cellules dans les grandes organisations tandis que tout le monde s’occupe de tout type d’activité organisationnelle dans les petites organisations. Par exemple, le Hizbullah a donné la mission aux milliers d’hommes, non seulement ses membres actifs mais également les familles de ses membres, pour les différentes tâches de l’organisation, notamment le renseignement. Ainsi, les femmes et les enfants de ses membres ont travaillé comme des agents de l’organisation en informant les responsables de tout. Quant à la branche turque d’Al-Qaida, comme au début elle était nouvellement créée et était en phase d’organisation, il n’existait pas de vrai partage des tâches au sein de l’organisation. Dès que cette branche a suffisamment grandit, elle a réorganisé la division du travail en faisant un partage parmi ses différents membres et cellules.

Selon Ihsan Bal236, les organisations terroristes disposent d’un mécanisme de décision qui marche plus vite et plus productif en assurant la coordination parmi les cellules, c’est-à-dire, les décisions sont prises le plus vite possible au niveau du cadre dirigeant. Ainsi, il est possible de préciser de nouvelles techniques et tactiques organisationnelles et opérationnelles. Cette rapidité leur procure une supériorité opérationnelle sur les services de sécurité.

Il existe aussi de la concurrence interne au sein des organisations terroristes, notamment pendant la montée en puissance de la menace. Par exemple, la principale raison des conflits internes par des groupes Ilim et Menzil au sein du Hizbullah était la conséquence d’une concurrence interne. En plus, à cause de ce type de concurrence, le Hizbullah n’a pas pu choisir son nouveau leader après la mort de Huseyin Velioglu et il n’a pas pu plus vite s’organiser pendant une période de deux ans. La concurrence interne dépasse parfois les interventions personnelles et il existe quelques temps des rivalités et des compétitions parmi les cellules. En cas d’échec comme dans un acte, les différentes cellules peuvent accuser sévèrement les autres.

La loi antiterroriste turque définit une organisation comme « l’ensemble d’au moins deux personnes orientées pour un même but » 237 . En cas d’existence d’au minimum deux personnes organisées, le dispositif juridique peut qualifier un tel groupe comme organisation terroriste. Dans cette perspective, il est impossible de qualifier une seule personne qui dispose d’une idéologie et qui réalise une action violente comme organisation terroriste sauf si elle dépendante d’une autre organisation.

En se basant sur la loi antiterroriste, la Police Nationale238 qualifie une organisation terroriste comme « un groupe constitué par des personnes qui ont accepté la même idéologie et qui se sont orientées vers un but, au sein d’une même organisation ». Aujourd’hui les organisations terroristes se constituent hiérarchiquement et secrètement. En plus, elles constituent des unités légales contenant des sympathisants en interaction avec les unités illégales.

Notes
233.

Anonyme, « Organisation », Wikipédia Encyclopédie libre, Pour les détails, www.fr.wikipedia.org/wiki/Organisation

234.

MARRET Jean-Luc, Techniques du terrorisme, op.cit., p. 25.

235.

Idem, p. 28.

236.

BAL Ihsan, « Devlet, demokrasi ve teror : cozum onerileri » (L’Etat, la démocratie et la terreur : les propositions des mesures), art.pp.137-149, in CEVIK Hasan Huseyin et GOKSU Turkut (dir.), Turkiye’de devlet, toplum ve polis (L’Etat, la société et la police en Turquie), Ankara, Seçkin Yayincilik, 2002.

237.

Article 2 de la loi relative à la lutte contre le terrorisme, no : 3713, le 12 avril 1991.

238.

Anonyme, « Les instruments de la terreur », Site officiel de la Direction Centrale des Opérations et de Lutte Contre le Terrorisme, http://www.egm.gov.tr/temuh/index.html