L’action violente est l’une des principales caractéristiques des organisations terroristes par laquelle elles visent généralement à donner un message aux autorités et à l’opinion publique. Une organisation terroriste sans action ne peut ni motiver ses membres ni faire de propagande. Aujourd’hui, beaucoup de méthodes violentes - d’assassinat aux attaques-suicides, de l’attentat à l’explosif à la bombe volant -, sont utilisées par les organisations terroristes dans le monde entier.
Lorsqu’on analyse le cas en Turquie, les organisations religieuses choisissent généralement des lieux importants - administratifs, économiques ou touristiques - comme cibles et utilisent les attentats meurtriers - assassinats, attentats à l’explosif, attaques-suicides - comme méthodes afin d’avoir plus d’impact médiatique. Mais en ce moment, chaque organisation a ses cibles privilégiées et ses méthodes d’actions propres.
L’assassinat est l’une des méthodes les plus utilisées par les organisations terroristes religieuses. Par l’assassinat, en tuant un homme et en effrayant plus de cent, ces organisations visent à déstabiliser le système et à réaliser des changements sociaux ou politiques rapides. Ce type d’action permet au moins à faire la propagande de leur nom, de leur idéologie et de leurs buts politiques. En Turquie, les organisations terroristes religieuses choisissent généralement comme cible les personnages importants, le chef de l’Etat, les ministres et les hauts fonctionnaires ou les gouverneurs. En dehors de ces personnages, les intellectuels laïcs, les leaders des autres communautés religieuses ont été choisis par eux dans différents moments. Ce type de choix a d’une part un sens symbolique contre les laïcs, et d’autre part une preuve de force contre le milieu religieux.
En s’attaquant directement aux personnes, le Hizbullah a été l’organisation terroriste la plus violente. Dès sa naissance, le Hizbullah a utilisé l’assassinat comme méthode principale dans sa lutte armée et ne l’a jamais abandonnée. Vers la fin des années 1990, une vague de meurtres que le Hizbullah a débuté avec l’assassinat de plus de cinq cents membres du PKK, s’est de plus en plus propagée en dépit des chefs des communautés religieuses et de ses propres membres. Le Hizbullah a réalisé des attentats contre les fonctionnaires de l’Etat, notamment les imams recrutés par la Présidence des affaires religieuses, mais pas contre ceux des services de sécurité pendant de longue durée. Dès les opérations réalisées notamment par la Police Nationale, le Hizbullah a changé sa stratégie d’action en assassinant le chef de la police, Gaffar Okkan, et cinq policiers à Diyarbakir, à l’est de la Turquie. Selon Rusen Cakir, ce dernier assassinat était « l’action violente la plus professionnelle de l’histoire de la République, réalisée dans les villes ». 239
Source : La Direction Centrale des Opérations et de la Lutte Contre le Terrorisme, citée par Derya KILIC, Tespihin ipi koptu (Le fil du chapelet s’est détaché), op.cit., p.283.
Ces dernières années, l’attentat à l’explosif est le procédé le plus employé par les organisations terroristes religieuses. Il est possible de trouver les formules de beaucoup d’explosifs dans le domaine public, dans les bibliothèques, sur Internet. Ce type d’attaque est déjà utilisé en Turquie par les séparatistes et révolutionnaires. L’organisation IBDA/C était la seule organisation qui utilisait régulièrement ce type d’action mais elle choisissait plutôt des actions sensationnelles mais pas meurtrières. L’organisation Vasat a une fois réalisé une telle action. Avec la branche turque d’Al-Qaida, l’attentat à l’explosif a été une méthode plus choisie pour les actes violents. En effet, ce type d’attentat est plus meurtrier et plus médiatique que d’autres.
De sa naissance, l’organisation IBDA/C a suivi une stratégie d’action sensationnelle. Les cibles d’action d’IBDA/C ont été des églises, des organisations ou des associations des minorités, des émetteurs de TV, des journaux et des associations relatives, des statues d'Atatürk, des tavernes, des banques, des salons de jeu et des magasins de tabac qui vendaient de l’alcool, des marchands etc. Cette organisation a préféré réaliser des actions sans risques mais aussi sensationnelles, comme jeter des cocktails Molotov et des sabotages. L’IBDA/C a informé ses membres par ses publications, notamment des revues, en matière de méthodes d'action et de cibles. Ces dernières années, elle a commencé à utiliser Internet pour une telle information. Quand une action est annoncée par les revues ou Internet, toutes les cellules entendaient et commençaient à agir avec leurs propres initiatives et après ils la revendiquaient. Pour créer une image forte et terrifiante, l’organisation IBDA/C a revendiqué plusieurs fois les attentats à la bombe réalisés par d’autres organisations terroristes.
Quant à la branche turque d’Al-Qaida, ses premières cibles ont été des lieux saints de la communauté juive et des intérêts économiques anglais à Istanbul. En attaquant par l’attentat à l’explosif et les attaques suicides, elle a visé à faire une propagande non seulement sur l’opinion publique turque mais également dans le monde entier.
Une autre méthode plus violente, l’attaque suicide, est une action la plus utilisée par les religieux notamment au Moyen-Orient. Ce type d’attaque, sous sa forme moderne, a fait son apparition au Liban au début des années 1980 et a constitué un acte opérationnel violent indifférent aux victimes civiles, dont la réussite était largement conditionnée par l’attaquant terroriste. Selon le spécialiste israélien Ami Pedahzur240, une étude sur cent quatre-vingts Palestiniens ayant voulu commettre des attentats suicides a confirmé que la moitié d’entre eux s’étaient lancés dans ce type de missions peu après avoir perdu une personne très proche, qu’il s’agisse d’un ami ou d’un membre de la famille.
L’idéologie religieuse est, en effet, n’est pas la seule instrument de motivation dans la réalisation des attentats-suicides. Selon le professeur Américain Robert Pape241, la religion est un facteur aggravant de ce type d’attentat, et rien d’autre. Les attentats-suicides ne sont pas principalement un produit de fondamentalisme islamique, car, selon son calcul, les groupes islamiques ont réalisé 35% de ces attaques au cours de ces vingt dernières années. En fait, chaque campagne des attentats-suicides a eu un but séculaire et politique, et les organisations terroristes ont découvert l’efficacité de ce type d’attentat.
En Turquie, les organisations terroristes séparatistes et révolutionnaires ont déjà utilisé des attaques-suicides. Ces attaques étaient individuelles mais pas systématiques comme, par exemple, en Palestine ou en Iraq. Selon Kemal Karademir242, commissaire divisionnaire de police turc, l’attaque suicide a un grand impact non seulement sur les services de sécurité mais également sur l’opinion publique. En effet, l’impact sensationnel par la propagation de la peur et l’effet destructif est au maximum dans ce type d’action terroriste. Selon Necati Alkan, commissaire de police turc, les terroristes des attaques-suicides243 étaient des personnes qui avaient honte à cause des ses échecs scolaires ou professionnelles, et qui avaient participé aux organisations terroristes en étant en colère contre la société.244 D’autre part, les organisations terroristes ont choisi des militants âgés qui n’étaient pas actifs ou qui ont perdu quelqu’un de ses parents à cause des opérations des services de sécurité.245 La branche turque d’Al-Qaida, parmi les organisations religieuses, a été la première à utiliser ce type d’attaque en 2003. Les terroristes de cedite organisation ont été bien motivés par l’idéologie religieuse mais ils sont également soutenus par une aide matérielle du noyau central d’Al-Qaida. Selon le journaliste turc Mehmet Farac, Al-Qaida a envoyé ses militants pour les attentats d’Istanbul, en leur déposant « cent cinquante milles dollars par personne 246 . En fait, il nous semble que ce type d’acte violent sera la méthode la plus utilisée dans les années prochaines.
Selon Jean-Luc Marret, les actions terroristes varient en fait selon différents facteurs : « le savoir faire des terroristes et les possibilités d’obtenir certains matériels (variétés des explosifs et de leurs effets, armes, etc.), les caractéristiques de la cible visée, les ripostes de défense, l’effet de répétition de certaines actions qui altère leur impact médiatique, etc. » 247 . Sur ce plan, il est évident que les organisations terroristes religieuses en Turquie ont une réelle capacité pour la réalisation de n’importe quelle action violente. En effet, depuis des années elles ont de bonnes relations avec quelques Etats parrains, notamment Iran. En plus les conflits autour du territoire turc, notamment en Iraq, permettent à ces organisations d’obtenir sans difficulté assez de matériels, etc.
Le savoir faire des terroristes est un élément crucial pour leurs organisations, car ce que le terroriste fait c’est un métier pour ces dernières. Comme le savoir faire est une qualité importante dans le fonctionnement des organisations légales, le fait que le terroriste fait, aussi, est l’une des qualités principales pour son organisation. C’est pour cela que chaque organisation terroriste dispose d’un mécanisme de formation afin d’augmenter la capacité de savoir faire de ses membres. Sinon le processus de passage du niveau sympathisant au niveau militant voire au militant armé ne serait pas possible. Les militants bien formés dans le terrain de l’action permettent mieux à l’organisation de réaliser ses objectifs.
La possibilité d’obtenir certains matériels dépend de la capacité de l’organisation terroriste. Les petites organisations disposent d’un petit budget tandis que les grandes ont un budget très important et suffisant à acheter des armes de destruction massive. Les religieux en Turquie, notamment le Hizbullah et la branche turque d’Al-Qaida, possèdent aujourd’hui une certaine richesse budgétaire qui leur permet de tout faire ou de tout acheter.
Dans le monde, les organisations terroristes de toutes motivations utilisent d’autres méthodes d’actions comme la prise d’otage, l’enlèvement, le détournement d’avion. La tendance est plutôt à la réalisation d’attentats à la bombe et le détournement aérien. Alors que l’attentat à la bombe est plus meurtrier et destructif, le détournement aérien permet aux organisations terroristes de transformer un avion en bombe volante. En fait finalement, les méthodes terroristes comme les organisations terroristes évoluent et fleurissent de plus en plus.
Organisation terroriste religieuse | Assassinat | Bombe à l’explosif | Attaques-suicides |
Hizbullah | Oui | Non | Non |
Etat fédératif d’Anatolie (Anadolu Federe Islam Devleti - AFID ) | Oui | Non | Non |
Combattants Islamiques de Grand Orient (Islami Buyuk Dogu Akincilar / cephe -IBDA/C ) | Oui | Oui | Non |
Organisation du Mouvement Islamique (Islami Hareket Orgutu - IHO ) | Oui | Oui | Non |
Ceysullah | Oui | Oui | Non |
Vasat | Oui | Oui | Non |
Tevhid-Selam Armée de Jérusalem (Tevhid-Selam Kudus Ordusu) | Oui | Oui | Non |
Branche turque d’Al-Qaida | Oui | Oui | Oui |
CAKIR Rusen, Derin Hizbullah : islamci siddetin gelecegi (Le Hezbollah profond : l’avenir de la violence islamiste), op.cit., p.17.
PEDAHZUR Ami, Suicide terrorism, Cambridge, Polity Press, 2004, 261p.
PAPE Robert, Dying to win: The strategic logic of suicide terrorism, New York, Columbia University Press, 2005, 251p.
KARADEMIR Kemal, Intihar saldirilari (Les attaques-suicides), Ankara, EGM, 2003, 86p.
Pour les acteurs des attaques terroristes, les médias ont choisi d’utiliser le terme de « kamikaze » le terme qui signifie « le vent des dieux » ou « les dieux du vent ». Selon Bruno Etienne, ce terme est impropre en ce qui concerne les musulmans. Pour les détails, voir : ETIENNE Bruno, Les combattants suicidaires suivi de les amants de l’apocalypse, Paris, Editions de l’Aube, 2005, 105p.
ALKAN Necati, « Teror orgutlerinin intihar eylemlerindeki psikodinamik gercekler » (Les vérités psycho dynamiques dans les attaques-suicides des organisations terroristes), Polis Akademisi Dergisi, Kasim-Aralik sayisi, Ankara, 1997.
KARADEMIR Kemal, Intihar saldirilari (Les attaques-suicides), op.cit., 86p.
FARAC Mehmet, Ikiz Kulelerden Galataya El-Kaide Turka (Al-Qaida , des tours jumelles à Galata), op.cit., p.277.
MARRET Jean-Luc, Techniques du terrorisme, op.cit., p.75.