Deuxième partie : la mise en place des politiques de sécurité contre le terrorisme religieux

Comme la Turquie a été plus menacée par le terrorisme, la lutte contre celui-ci a été l’une des priorités pour l’Etat et ses institutions. Depuis les années 1970, une grande partie des politiques de sécurité s’est construite autour des changements de la menace terroriste. Les gouvernements se sont mobilisés pour prendre des mesures nécessaires aux niveaux politico administratif, juridique et opérationnel. Au cours de cette période, la lutte contre le terrorisme s’est renouvelée en consacrant plusieurs travaux politiques, en adoptant plusieurs modifications juridiques, en créant plusieurs unités antiterroristes, et parfois, en s’éloignant de la démocratie. En effet, lorsque les autorités politiques et les services de sécurité n’étaient pas capables de résoudre les problèmes de sécurité, les militaires n’ont pas hésité à intervenir par des coups d’Etat.

En Turquie, les structures de la lutte contre le terrorisme sont complexes et à l’image du système de sécurité intérieure et extérieure. L’Etat a dirigé sa lutte par l’intermédiaire des institutions politico administratives - les ministères concernés, les directions générales -, des institutions juridiques - les Cours de Sécurité de l’Etat - et des institutions opérationnelles - les services de sécurité -. Toutes ces institutions, notamment les institutions opérationnelles ont partagé cette mission régalienne d’Etat selon leurs domaines d’intervention. Chaque institution a eu une place à occuper et un rôle à jouer dans le champ de la lutte antiterroriste.

Au niveau juridique, le droit pénal turc dispose deux types d’instruments dans la lutte antiterroriste : une législation spécifique, la loi relative à la lutte contre le terrorisme et un corpus de règles classiques. Plus de vingt lois peuvent indirectement mais utilement concourir à la lutte contre le terrorisme. En plus, comme la Turquie est moniste sur le plan juridique international, le droit international relatif à la lutte antiterroriste a des conséquences directes sur le mécanisme juridique turc.

La police turque est une institution créée depuis des deux derniers siècles, sous l’Empire ottoman. Auparavant, l’armée était responsable de la sécurité intérieure et assurait l’ordre public. Le processus de modernisation de l’Etat a nécessité également la création d’une nouvelle institution, la police. Actuellement, la Turquie possède une organisation moderne de police qui maintient l’ordre public et protège les droits et les libertés de l’individu en zone urbaine, où vivent 70 % de la population.

Actuellement, la Police Nationale n’est pas l’unique institution productrice de la sécurité intérieure. Elle remplit cette mission en coopérant avec les autres services de sécurité, notamment le Service National de Renseignements et la Gendarmerie Nationale. En matière de lutte contre le terrorisme, elle n’a pas été formée exclusivement pour une telle lutte. Mais comme elle est chargée de maintenir l’ordre public dans les zones urbaines, elle y est également la responsable principale de la lutte antiterroriste. Ces dernières années, la Police Nationale s’est mobilisée et a renforcé sa capacité d’intervention vis-à-vis du terrorisme religieux.

Après le 11 septembre 2001, le gouvernement turc a révisé ses concepts de politiques de sécurité. Au niveau politique : la lutte contre le terrorisme international a été mise en place à l’agenda politique du gouvernement, comme un enjeu prioritaire et principal ; un nouveau Secrétariat général de lutte antiterroriste a été créé au sein du Premier Ministère ; les dépenses budgétaires consacrées à la lutte antiterroriste ont été augmentées. Au niveau juridique : la loi relative à la lutte contre le terrorisme et quelques autres lois ont été modifiées ; les nouvelles mesures du droit international ont été adoptées dans le droit interne ; la Cour de Sécurité Nationale a été abolie et le statut juridique des tribunaux a été modifié. Au niveau opérationnel : des nouveaux centres, par exemple le Centre of Excellence Defence Against Terrorism (Terorle Mucadele Mukemmeliyet Merkezi sous la responsabilité de l’Etat-major, en coopérant avec le Secrétariat général de l’OTAN), ont été créés ; les unités de la lutte antiterroriste ont été modifiées ; leurs compétences et leurs effectifs ont été augmentés ; une série de changements organisationnels et fonctionnels a été réalisée au sein des services de sécurité.

Dans cette partie, notre premier chapitre se posera d’abord sur la genèse des politiques de sécurité contre le terrorisme religieux : des politiques de sécurité récentes (Chapitre 1). Ensuite, le deuxième sera consacré aux acteurs des politiques de sécurité contre le terrorisme religieux : multiples acteurs intervenants avec un dispositif suffisant (Chapitre 2). Enfin, le dernier chapitre nous éclairera sur la lutte antiterroriste policière contre le terrorisme religieux : la Police Nationale en tant que principale institution opérationnelle de la lutte antiterroriste (Chapitre 3).