L’organisation de la police turque n’est pas récente, car l’idée et l’existence d’une institution qui est chargée de maintenir l’ordre public sont des enjeux anciens dans les Etats turcs. Cette mission régalienne de l’Etat a été réalisée par les forces armées jusqu’aux deux derniers siècles. Au milieu de XIXe siècle, la police est née comme une institution civile pour le maintien de l’ordre public. Cette naissance de la police turque était, d’une part, le résultat d’une modernisation de l’administration selon les conditions de l’époque et, d’autre part, la conséquence de l’occidentalisation de plus en plus de l’Empire ottoman.
Dès le début de leur histoire étatique, les Turcs ont créé des institutions spéciales pour assurer la sécurité intérieure. Les subasi 352 qui étaient les premiers organismes qu’on connaît, ont été les responsables de la sécurité intérieure du VIIIe siècle. En dehors de leurs missions militaires, les subasi ont été chargés de maintenir l’ordre public. Dans la même période, on voit quelques mesures juridiques destinées à la prévention du crime dans la loi d’Ulug et de Cengiz Khan (Ulug ve Cengiz Han Kanunu) 353 . Les subasi ont continué aussi d’assumer cette mission sous l’Etat de Seldjoukides354 avec les surta, une force militaire, qui faisaient leurs missions sous l’autorité de kadi, le préfet juge de l’époque.
Au début de l’Empire ottoman, la mission de préserver l’ordre intérieur a été confiée au corps des Janissaires (Yeniçeri ocagi). Ce corps a réalisé cette mission sous la responsabilité de l’armée jusqu’au début du XIXe siècle. Dans le but d’adapter les forces de l’ordre aux nécessités de l’époque355, l’Empire ottoman a vu la première formation de la police au milieu du XIXe siècle. Le sultan Mahmut II remplaça les Janissaires par une force nouvelle, nommée les Soldats de Mahomet, vainqueurs par la grâce de Dieu (Asakir-i Mansure-i Muhammediye).
La première organisation qui constitue les bases de la police moderne turque a été créée le 10 Avril 1845 avec l’entrée en vigueur de la Réglementation de la Police (Polis Nizami) 356 . En effet, cette réglementation avait pour but d’assurer la sécurité intérieure par une seule institution, parce que les différentes organisations de sécurité357 assuraient l’ordre public dans la capitale, Istanbul. Par cette réglementation, le mot police a été utilisé pour la première fois dans la langue officielle de l’Etat.
A cette même date, l’organisation de la police et de la gendarmerie a été séparée et «la police est devenue un organisme indépendant de l’armée.» 358 A la suite, l’organisation de la police a été développée et améliorée par une série de réglementations ultérieures. Au début, la police a été instaurée à Istanbul et à partir de 1893, on a commencé à étendre cette institution dans les autres provinces.
Avec l’entrée en vigueur de la loi de 1909 sur la Direction Générale de la Sûreté et la Préfecture de Police à Istanbul, cette dernière a assumé les fonctions de la sécurité intérieure à la place du ministère de la Défense, relevant de ministère de l’Intérieur et dirigeant toutes les autres préfectures de police. Le fonctionnement de cette nouvelle organisation a été précisé par le règlement relatif à l’organisation du ministère de l’Intérieur, publié en 1913.
Dans les dernières années de l’Empire, une série de développements et de changements ont été réalisés sur le fonctionnement de la police. De nouvelles directions de la police dans les villes liées au ministère de l’Intérieur et de nouvelles unités, par exemple les unités de renseignements généraux et de politiques, ont été créées. Les modèles policiers européens ont été analysés par les équipes de recherches envoyées en Europe. Mais tous ces développements ont été empêchés à cause de la première guerre mondiale et il a fallu créer la fondation de la Direction Générale de la Police (Emniyet-i Umum Muduriyeti) en juin 1920 à Ankara.
Sans doute, la police turque a gagné sa véritable personnalité dix ans plus tard après la fondation de la République, par un autre règlement 359 qui a été en vigueur en reprenant plusieurs articles de celui de 1913 et en soulignant nettement la fonction, le pouvoir et les responsabilités de police. La loi concernant la fonction, le pouvoir et les responsabilités de police de 1934360 a réglementé la structure administrative et les droits du personnel de la police comme les salaires, les congés, la promotion etc.
La composition actuelle de la police a été définie par les lois sur l’administration du corps de police de 1937361. Selon cette loi, le ministère de l’Intérieur était responsable de la sécurité du pays. Il exécutait les services de la sécurité par l’intermédiaire de la Direction Générale de la Police et le Commandement Général de la Gendarmerie.
Dans les années qui suivent, divers facteurs tels que l’augmentation rapide de la population, l’industrialisation, l’urbanisation ont agi en vue de la réorganisation et du renforcement des effectifs de la police. Quelques modifications relatives à l’organisation et à la formation du personnel ont été réalisées au sein de la Direction Générale de la Police Nationale. L’institut de police à Ankara et les écoles de police dans des différentes villes ont été fondés pour combler le besoin de la formation du personnel. Les effectifs de la police ont été augmentés selon les conditions de la ville. Les conditions relatives aux fonctions et pouvoirs de la police ont été modifiées par les différents règlements. Actuellement, la police turque possède une organisation moderne et capable de maintenir l’ordre public et de protéger les droits et les libertés individuelles dans le contexte d’un Etat de droit.
Quant à l’organisation, la police turque est une administration rigide et se caractérise par sa très forte centralisation. Elle est placée sous l’autorité du directeur général de la Police Nationale dépendant du ministère de l’Intérieur. Cinq directeurs adjoints sont placés sous l’autorité et le contrôle administratif du directeur général. Ces adjoints sont responsables de l’exécution de la coordination des tâches de leurs directions centrales respectifs. La Police Nationale exerce ses missions essentiellement au niveau central et local. Les organes centraux et départementaux remplissent leurs fonctions en s’organisant selon le système de la structure administrative.
Au niveau central, la Direction Générale de la Police Nationale (DGPN) comprend, d’une part, comme toute administration, des services administratifs (fonctionnels) et, d’autre part, les services opérationnels (actifs). Actuellement, elle comporte vingt-trois directions centrales, qui sont fortement hiérarchisées et organisées, aux fonctions diverses. Les directions centrales administratives s’occupent des affaires intérieures de la Police Nationale, tandis que les directions centrales opérationnelles regroupent l’ensemble des policiers selon leurs spécialisations. Certaines d’entre elles, pour des raisons d’opportunité ou de spécialisation, sont directement rattachées au directeur général, par exemple la Direction Centrale des Renseignements Généraux. On trouve aussi les sections, les unités et les offices spécialisés selon les délits et les crimes.
Source: TIPS Connections, 2nd Istanbul conference on democracy and global security, Special Issue, Ankara, Grafturk, 2007, p.6.
Au niveau local, la Police Nationale s’est organisée dans toute la zone urbaine de la Turquie. Les directions et les services centraux sont relayés en province par des services départementaux qui sont aussi, eux-mêmes, divisés en sections ou unités spécialisées. Actuellement la Turquie comprend quatre vingt-et-un départements divisés en six cents sous-préfectures. En province, la police remplit ses fonctions sous la responsabilité des préfets et des sous-préfets.
Selon les derniers chiffres officiels plus de deux cents mille personnes travaillent au sein de la Direction Générale de la Police Nationale. Ces personnes sont des fonctionnaires de l’Etat. Parmi ce personel se trouvent : 180.000 policiers dont 15.000 gradés et 9000 femmes, et 18.000 autres (les fonctionnaires administratifs, personnel technique, personnel sanitaire, personnel académique, personnel de service, personnel sous contrat et ouvriers). La population totale de la Turquie en 2005 était de soixante-dix millions d’habitants et approximativement cela fait un policier pour deux cents quatre-vingt sept citoyens.362
La Police Nationale en tant que corps de police civile, détient et exerce le monopole de la violence légitime de l’Etat. Sa raison d’être institution régalienne vient de l’ensemble des activités et des exercices de la souveraineté interne de l’Etat. Pour de nombre de raisons -historique, politique, sociale-, la Police Nationale est actuellement chargée de toute une série de missions.
Les missions assignées à la Police Nationale sont multiples et se divisent en deux catégories : administratives et judiciaires. Ces deux types de missions coexistent et se complètent. En théorie, il est possible de distinguer les missions judiciaires et administratives mais bien plus en pratique, car la police administrative, si nécessaire, doit aider la police judiciaire sur réquisition du procureur. En effet, ce type de mécanisme est utilisé en cas de manque de personnel judiciaire.
Les missions de la police sont décrites principalement dans la loi relative à la mission et aux droits de la police qui fait référence aux lois concernées. L’article 2 de cette loi prévoit que « la police est chargée, en cas d’un acte commis, de remplir les missions précisées dans le Code de Procédure Criminelle et les autres lois.» 363 Le but des missions administratives est de prévenir les atteintes à l’ordre public afin de garantir la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. Quant aux missions judiciaires, par lesquelles la Police Nationale vise à constater les infractions à la loi pénale, à rassembler les preuves et à rechercher les auteurs d’infraction.
La police administrative et judiciaire s’est formée dans les départements sous la responsabilité du directeur de la police, par la création des sections spécialisées. Les unités administratives et judiciaires se sont placées à la fois aux hôtels de police et aux commissariats de police. La police réalise les différentes tâches administratives et juridiques en consacrant une partie ou, si nécessaire, une grande partie du personnel. Par exemple, en cas de manque des unités judiciaires dans un acte concernant les tâches de la police judiciaire, la police administrative assume le rôle de cette dernière et l’informe plus vite. Dès que la police judiciaire est présente sur place, la police administrative lui cède sa place.
Quant à l’organisation de la police antiterroriste , elle remonte, en fait, aux années 1960 pendant lesquelles les premières activités terroristes ont vu le jour. Cependant l’organisation de la police dans le cadre de la sécurité de l’Etat a été constituée à partir des premières années de la République afin d’empêcher les activités idéologiques et violentes contre l’Etat et les citoyens. Depuis la proclamation de la nouvelle République en 1923, l’Etat s’est efforcé par ses institutions de sécurité, de s’adapter à la protection de son territoire et de ses citoyens. A partir de la naissance des premières activités terroristes, une grande partie de service de sécurité a été consacrée à ce type de menace et notamment depuis la chute de mur de Berlin, les unités de services secrets se sont formées pour anticiper et lutter contre le risque terroriste.
Actuellement, la Police Nationale couvre, par ses unités formées exclusivement pour la lutte antiterroriste, le domaine préventif et répressif. La Direction Centrale des Opérations et de la Lutte Contre le Terrorisme, la Direction Centrale des Renseignements Généraux et la Direction Centrale des Forces Spéciales interviennent selon leur terrain d’intervention. Il est possible de dire que la Police Nationale dispose également d’une bonne coordination parmi ces unités antiterroristes.
L’histoire de l’organisation antiterroriste policière commence avec la création de la Première Section (Birinci Sube) en 1924, afin de lutter contre toutes les menaces et les activités révolutionnaires destinées à la sécurité générale de l’Etat. Au début, la Première Section réalisait ses missions au sein de la Direction Générale Adjointe de la Sûreté (Emniyet Umumiye Mudur Muavinligi). A partir de juin 1937 par la loi relative à l’organisation de la police, elle a été liée en tant que Section de lutte contre de Mouvements Révolutionnaires (Yikici Faaliyetler Subesi) à la Direction Centrale de Sécurité (Guvenlik Dairesi Baskanligi). La Section de lutte contre les mouvements révolutionnaires a suivi les affaires de sécurité de l’Etat avec la Direction des Affaires Importantes 364 (Onemli Isler Mudurlugu), qui s’occupait des renseignements généraux, jusqu’à la naissance de la Direction Centrale des Opérations et de la Lutte Contre le Terrorisme (Terorle Mucadele ve Harekat Dairesi Baskanligi - TEMUH) en 1986.
La menace terroriste, qui a débuté aux milieux des années 1960, a commencé à être dangereuse à partir des années 1970. Comme le poids de la menace terroriste était de plus en plus lourd, la Section de Lutte Contre de Mouvements Révolutionnaires s’est séparée de la Direction Centrale de Sécurité et elle a été changée, le 26 août 1986, en faveur de la Direction Centrale des Opérations et de la Lutte Contre le Terrorisme . Par cette modification, la Police Nationale a disposé d’une direction centrale chargée exclusivement de la lutte contre les activités terroristes.
La TEMUH était un service de renseignement et d’intervention disposant de pouvoirs de police criminelle spécialisée. Sa fonction était d’enquêter sur les terroristes et les infractions personnelles ou organisées qu’ils commettaient. Ses missions étaient, en effet, traditionnellement d’un type antiterroriste. En se basant sur les attributions de la loi du 4 juin 1937, la TEMUH a eu pour compétence de rechercher et de prévenir toutes les activités terroristes sur le territoire de la République.
Au début, comme les activités séparatistes et révolutionnaires étaient la plus menaçantes jusqu’à la fin des années 1980, la TEMUH a consacré une grande partie de ses efforts et ses effectifs en la matière. Dès la montée en puissance du terrorisme religieux, l’organisation de la TEMUH a été modifiée en consacrant une partie importante de son personnel à la lutte contre les organisations terroristes religieuses. Notamment après le déchiffrement de vrai visage de l’organisation terroriste Hizbullah à la fin des années 1990 et les événements du 11 septembre 2001, la lutte contre le terrorisme religieux a gagné une importance au sein de cette direction centrale et de ses unités.
La TEMUH qui est une direction centrale active, se présente actuellement comme un service de sécurité intérieure dont la fonction essentielle est de rechercher le renseignement de sécurité et d’intervenir directement contre les activités terroristes. Depuis 2005, les unités de la TEMUH se sont dotées d’une capacité technique et ont été autorisées à l’écoute téléphonique. Schématiquement la TEMUH s’appuie à Ankara en tant que service central et elle est aussi implantée dans tous les départements, les villes et les districts en tant que « Section de la Lutte Contre le Terrorisme ». La TEMUH dispose actuellement d’un effectif de huit mille personnes.
Source : Site officiel d’Internet de la Direction Centrale des Opérations et de la Lutte Contre le Terrorisme http://www.egm.gov.tr/temuh/index.html
Actuellement, la coordination de toutes les unités de la lutte antiterroriste du niveau central et local, la centralisation des informations relatives aux organisations et personnes terroristes, la planification et la formation du personnel de la lutte antiterroriste sont les principales tâches administratives de la TEMUH. La lutte contre les nouvelles menaces comme le cyberterrorisme ou le recours aux armes de destruction massive, est aussi une des missions assignées à cedite Direction Centrale.
La lutte antiterroriste est un champ de bataille, une guerre entre les services de sécurité et les organisations terroristes. Bruno Delamotte considère, le renseignement comme « la seule clef à disposition pour préserver la sécurité des citoyens » 365. Selon Mesut Bedri Eryilmaz366, professeur turc de droit, le service de renseignement est l’un des domaines des missions des services de sécurité dans les sociétés démocratiques, car, même si l’interpellation rapide d’un criminel suite à l’explosion d’une bombe est une réussite policière, cela n’empêche pas tous les dégâts, tels que les victimes, les morts, la perte économique, le sentiment d’insécurité, la peur etc. Ce qui est important dans ce cas, c’est de prévenir avant l’explosion, et c’est possible seulement avec un renseignement réussi.
Selon Aytekin Geleri et Hakan Ileri, la Police Nationale, par ses missions de renseignements, protège non seulement les vies et les biens dans la société, mais également prévient les impacts négatifs économiques et psychologiques de la délinquance sur la population. Un renseignement réussi donne le message de la difficulté de commettre un acte aux criminels.367 Sur ce point, la Direction Centrale des Renseignement Généraux (Istihbarat Dairesi Baskanligi - IDB) est la deuxième unité principale de la lutte antiterroriste policière. Cette direction centrale s’est souvent considérée comme une police secrète. Elle est chargée de la recherche, de la surveillance des activités illégales et de la centralisation des renseignements en matière de terrorisme.
La mission de cette direction centrale a été entamée par la fondation de la Direction des Affaires Importantes en 1937. Cette direction a laissé sa place en 1951 au Bureau Spécial (Ozel Buro). Ce dernier a été chargé de rassembler des renseignements en matière de mouvements idéologiques, de contre-espionnage et de toutes sortes de fraude, en étant lié directement au directeur général de la DGPN.
A la suite de la « formation continue pour les éléments de renseignements » en 1958, la DGPN a construit des unités de renseignements liées au Bureau Spécial dans quelques départements importants et sensibles telles qu’Ankara, Istanbul, Izmir et Hatay. L’unité de Hatay s’occupait de renseignements des étrangers, tandis que les autres unités travaillaient plutôt sur le contre-espionnage et les mouvements contre la sécurité de l’Etat. Après le coup d’Etat militaire de mai 1960, le Bureau Spécial et toutes ses unités ont été fermés et la Direction des Affaires Importantes s’est adaptée selon les objectifs renouvelés de la DGPN.
La Direction des Affaires Importantes a gagné le caractère d’un service de renseignement par un règlement de 1963 qui avait pour but de fonder des unités de renseignements dans dix départements importants. Cette Direction a unifié l’éducation de son personnel par une formation continue relative aux renseignements généraux. Comme les mouvements idéologiques étaient montés en puissance à partir des années 1970, la Direction des Affaires Importantes a changé en faveur, d’abord, de la Direction Centrale des Affaires Importantes, ensuite, de la Direction Centrale des Renseignements en 1975 et, enfin, de la Direction Centrale des Renseignements Généraux en 1983. Par cette dernière modification, les unités policières de renseignements se sont établies dans tous les départements de la Turquie.
Depuis cette dernière modification, la Direction Centrale des Renseignements Généraux a gardé sa structure organisationnelle et fonctionnelle. Actuellement, les unités des renseignements généraux exercent leurs missions sur l'ensemble du territoire national, avec plus de quatre milles personnes.368 Schématiquement, cette Direction Centrale s'appuie à Ankara sur un service central et aussi est implantée dans tous les départements et les villes, et elle dispose actuellement d’un effectif de quatre mille cinq cents personnes.
Source : Site officiel d’Internet de la Direction Centrale des Renseignements Généraux, http://www.egm.gov.tr/idb/index.html
En étant liée directement au directeur général, la Direction Centrale des Renseignements Généraux est chargée de la recherche et de la centralisation des renseignements destinés à informer le gouvernement, et de la surveillance des activités illégales contre l’Etat. Elle réalise ses missions selon deux lois fondamentales, la loi relative aux missions et aux compétences de la police de 1934 et la loi relative à l’organisation de la police de 1937, et le règlement relatif à l’organisation de la Direction Centrale des Renseignements Généraux et ses unités de 1989. En effet, cette Direction Centrale dispose d’une compétence et capacité technique opérationnelle plus que la TEMUH et exerce toutes ses fonctions avec un effectif de cinq milles personnes.
En dehors de ces deux principales directions centrales de la lutte antiterroriste policière, la Direction Centrale des Forces Spéciales (Ozel Harekat Dairesi Baskanligi - Ozel Tim) a été fondée en 1983, afin d’empêcher les actes armés d’organisations terroristes, de rendre inefficace les terroristes ou de les interpeller, de sauver les otages dans les avions ou établissements. Dans le monde, les premières unités des forces spéciales étaient nées après les attentats réalisés contre les athlètes israéliens pendant les jeux olympiques en 1972. Au début, les membres ont été choisis des unités militaires. C’est pour cette raison que ces unités avaient gagné un caractère paramilitaire. Dans le cas turc, tous les membres des unités policières ont été choisis de la Police Nationale et ils ont suivi double formation policière et militaire.
Au début Ozel Tim a été liée à la Direction Centrale de l’Ordre Public en tant que Section de Forces Spéciales (Ozel Harekat Subesi). La même année, les unités d’Ozel Tim ont été créées dans les trois grands départements : Ankara, Istanbul et Izmir. Dès la fondation de la TEMUH en 1986, la Section de Forces Spéciales a été liée à cette dernière en tant que Direction de la Section des Forces Spéciales (Ozel Harekat Sube Mudurlugu) et elle a réalisé ses missions jusqu’en 1993. A cause de l’évolution et de la montée en puissance de la menace terroriste, notamment séparatiste, la Direction de la Section des Forces Spéciales a été transformée en une Direction Centrale et a été liée directement au directeur général.
Ozel Tim sélectionne son personnel parmi les candidats, par un concours difficile mesurant la capacité à la fois physique et intellectuelle. En plus, les candidats doivent disposer d’une capacité en matière de tir aux armes à feux. Les sélectionnés passent une formation difficile d’au minimum trois mois et ceux qui réussissent sont nommés dans les différentes unités des forces spéciales. Depuis sa naissance, environ neuf mille personnes ont été formés et actuellement cedite Direction Centrale dispose d’un effectif de quatre mille cinq cents personnes. La Direction Centrale des Forces Spéciales organise également des programmes et des formations pour les polices des Etats étrangers.
Les unités des Forces Spéciales ont gagné un succès important pendant les opérations armées dans les villes. C’est pour cela qu’elles ont été également utilisées, pendant une longue durée, en zone rurale pour renforcer la capacité opérationnelle des unités de la Gendarmerie Nationale. Depuis quelques années, la Direction Centrale des Forces Spéciales vise à se réorganiser afin de se composer de petites unités plus flexibles et plus efficaces en zone urbaine, en utilisant des armes et du matériel modernes. Actuellement les unités de forces spéciales se trouvent dans quarante-huit départements, liées directement au directeur de la police.
En dehors de ces trois directions centrales principales, une dizaine de directions centrales assument des rôles secondaires dans la lutte contre le terrorisme. Parmi elles, La Direction Centrale de Sécurité (Guvenlik Dairesi Baskanligi), qui a été fondée pour la première fois en 1924 en tant que la Première Section, a une place importante dans l’organisation de la lutte antiterroriste policière. Au début, elle a été chargée de prendre des mesures nécessaires contre toutes les menaces destinées à la sécurité commune de l’Etat. A partir de 1971, elle a été remplacée par la Direction Centrale de Sécurité Générale. D’abord la TEMUH en 1986, et ensuite la Direction Centrale de Protection en 1992, ont été séparées de celle-ci.
Dans la lutte antiterroriste, la Direction Centrale de Sécurité et ses unités sont actuellement chargées de prendre des mesures pour la protection de la jeunesse estudiantine de l’influence de mouvements séparatistes, révolutionnaires et religieux ; de surveiller les organisations non gouvernementales et les associations de toutes motivations idéologiques telles que séparatistes, révolutionnaires et religieuses, dans le cadre de la sécurité d’Etat ; de contrôler des publications interdites par les tribunaux ; de réaliser « l’interrogation de sécurité » et de recherche d’archives sur les personnes qui sont candidats aux services de sécurité. Elle s’occupe également des activités des minorités – juive, arménienne et grecque - qui sont identifiés avec l’accord de Lausanne de 1936, et celles des missionnaires.
De l’autre côté, les unités de Cevik Kuvvet (équivalent aux CRS) travaillent sous la responsabilité de la Direction Centrale de Sécurité et l’Unité de la Direction de Crise 369 fonctionne selon le système de 24h/24. Les unités de Cevik Kuvvet interviennent pendant les manifestations tandis que l’unité de la direction de crise est chargée d’organiser les travaux de la Police Nationale en cas de crise.
La Direction Centrale de la Lutte Contre la Fraude et le Crime Organisé (Kacakcilik ve Organize Suclarla Mucadele Dairesi Baskanligi - KOM), qui a été fondée en 1980370, assume le recueil et le traitement de toutes les informations sur les trafics de toutes sortes. Elle est chargée371 de prendre toutes les mesures nécessaires en matière de lutte contre la fraude, notamment le trafic de drogue, le crime organisé et depuis 2003, contre la cybercriminalité. En disposant d’une capacité à la fois intelligente et opérationnelle, la KOM fournit une base de renseignements notamment en matière de trafic de drogue et d’armes d’organisations terroristes.
La Direction Centrale de la Protection (Koruma Daire Baskanligi) a été fondée en mars 1990372 afin de protéger les chefs de l’Etat, les chefs des Etats étrangers qui visitent la Turquie, les personnes à protéger contre les actes terroristes, les établissements stratégiques, et d’unifier toutes les activités de protection au sein d’une seule direction centrale. Elle réalise ses missions selon les règlements de services de protection 373 préparés dans le cadre de la loi antiterroriste. Elle dispose actuellement d’un effectif de douze milles cinq cents personnes. La protection des aéroports et des portes maritimes est également sous la responsabilité de cette direction centrale.
Ces dernières années, le plan master de protection a été préparé sous la coordination de cette direction centrale et avec la participation d’onze autres directions centrales. Au sein de cette Direction Centrale, deux commissions ont été fondées, telles que « la commission technique » et la « commission d’analyse pour le risque », afin d’intégrer la technologie utilisée par les services de sécurité pour les services de protection. Ces deux commissions ont été chargées d’informer les unités antiterroristes en matière de protection contre les actes terroristes probables.
La Direction Centrale du Maintien de l’Ordre Public (Asayis Dairesi Baskanligi) est chargée de maintenir l’ordre public en luttant contre la criminalité quotidienne. Elle a assumé, d’une part, des missions préventives par ses unités des services préventifs, et d’autre part, des missions répressives par ses unités de sécurité publique. Les unités des services préventifs réalisent ses tâches dans le cadre de la police de proximité, tandis que les unités de sécurité publique assurent les missions de sécurité dans le cadre de police judiciaire. De l’autre côté, cette Direction Centrale est également chargée d’autoriser l’acquisition et l’utilisation des armes et des explosifs.
Le rôle principal de cette Direction Centrale dans la lutte antiterroriste est, tout d’abord, de maintenir l’ordre public pour que les citoyens ordinaires se sentent en sécurité, ensuite, d’assurer la coopération entre la police et les citoyens, et enfin, d’intervenir le plus vite possible en cas d’un acte commis. Ces dernières années, cette direction centrale a consacré une grande partie des ses efforts en matière de police de proximité pour empêcher le sentiment d’insécurité de plus en plus croissant.
La DGPN dispose également des unités techniques et scientifiques qui facilitent les missions relatives à la lutte antiterroriste, en offrant des solutions techniques. Il s’agit de la Direction Centrale de l’Informatique et de la Direction Centrale des Laboratoires Criminels de la Police. La Direction Centrale de l’Informatique (Bilgi Islem Dairesi Baskanligi), qui a été fondée en 1982, est chargée d’augmenter la capacité informatique de la Police Nationale. Dans la lutte antiterroriste, cette Direction Centrale, notamment la Section de la Lutte Contre la Cybercriminalité, et ses unités locales fournissent une aide technique et informatique pour empêcher et élucider les actes informatiques commis par les organisations terroristes. Par les modifications apportées au dispositif juridique antiterroriste, la mission de la lutte antiterroriste a été élargie en contenant la cybercriminalité et le cyberterrroisme. Ce type de changement nécessite de plus en plus une coopération étroite entre les unités antiterroristes et les unités informatiques qui disposent de capacités techniques et opérationnelles.
Quant à la police scientifique, la Direction Centrale des Laboratoires Criminels de la Police (Kriminal Polis Labaratuarlari Dairesi Baskanligi – KPL) est chargée, en bref, de fournir des services techniques dans l’identification et la justification des crimes et des criminels par les examens scientifiques, et d’analyser l’évidence physique des preuves rassemblées pendant les investigations légales et administratives. Les laboratoires criminels de police se composent d’une organisation centrale qui a été établie à Ankara et d’organisations régionales établies dans huit départements importants. En matière de lutte antiterroriste, ces laboratoires ont joué un rôle important pendant l’élucidation de quelques actes terroristes à partir des années 1970. Il apparaît que ces unités sont actuellement plus importantes pendant l’élucidation définitive des actes terroristes, et elles sont / seront plus bénéfiques pendant la lutte policière contre le terrorisme biologique et chimique.
En dehors de ces unités, la Police Nationale dispose également des unités chargées de la coopération policière internationale. La Direction Centrale d’Interpol (Interpol Dairesi Baskanligi) a été fondée en tant que bureau en 1930374 afin de participer activement aux travaux internationaux en matière de lutte contre la criminalité et les criminelles, et elle a été transformée en une direction centrale en avril 1988375. Depuis février 2005, le nom de cedite Direction Centrale a été changé en faveur de la Direction Centrale d’Interpol, d’Europol et de Sirene (Interpol Europol ve Sirene Daire Baskanligi).376 Elle fonctionne conformément à la législation nationale mais également à la Constitution d’Interpol377 et aux conventions bilatérales et multilatérales. Ses fonctions378 sont brièvement la répression de la criminalité, l’extradition des malfaiteurs et la coopération policière avec les autres pays. Dans la lutte antiterroriste, elle est chargée d’assurer la communication avec les polices étrangères dans le cadre du Secrétariat Générale de l’Interpol. Elle réalise ses tâches par son unité, la Direction de la Section de la Lutte Contre le Terrorisme.
Une deuxième unité chargée de la coopération internationale est la Direction Centrale des Affaires étrangères (Dis Iliskiler Dairesi Baskanligi), qui a été fondée en 1981 afin de prendre des mesures nécessaires relatives à la protection des fonctionnaires et des établissements diplomatiques contre les actes terroristes, notamment l’ASALA. Au début, cette Direction Centrale était liée directement au directeur général et disposait d’une unité, la Section du Terrorisme et des Actes Internationaux. Après la fondation de la TEMUH en 1986, cette direction centrale a laissé ses missions antiterroristes à cette dernière et a commencé à s’occuper des affaires étrangères de la Police Nationale. Elle a joué un rôle important dans la lutte antiterroriste en réalisant des protocoles avec plusieurs polices d’Etats étrangers. Grâce à ces protocoles, la Police Nationale a pu interdire quelques organisations terroristes au niveau international et a réalisé de multiples opérations à l’étranger en coopérant avec les Etats concernés.
La Direction Centrale des Etrangers, des Réfugiés et de la Frontière (Yabancilar, Hudut ve Iltica Dairesi Baskanligi), qui a été fondée en 1981379, est chargée, pour résumer, de répondre aux demandes de passeports par les ressortissants turcs et d’accorder les permis de séjour et de travail aux étrangers en Turquie et de contrôler leurs passages de frontières. Son rôle en matière de lutte antiterroriste est d’effectuer des enquêtes de douane, d’immigration, d’asile politique et de naturalisation. En cas de demande de passeports et d’asile politique ou de passage illégal par des personnes illégales et dangereuses, elle intervient et informe les unités concernées de la lutte antiterroriste.
La Direction Centrale de l’Education (Egitim Dairesi Baskanligi) a été fondée en 1992. Elle est chargée d’organiser l’éducation et la formation du personnel dans le cadre de la stratégie de la Police Nationale. Elle suit les projets techniques et scientifiques pour la rénovation et la modernisation de la formation policière. Elle fournit du matériel technique et intellectuel aux Directions Centrales concernées pour la formation du personnel de la lutte antiterroriste.
En effet, en exerçant ses missions contre le terrorisme, la Police Nationale fait fonctionner un système complexe à l’intérieur de l’organisation elle-même. Elle dispose d’unités destinées exclusivement à la lutte antiterroriste, mais également de plusieurs unités fournissent des aides techniques, scientifiques et intellectuelles pour faciliter les tâches de ces unités concernées. De l’autre côté, elle coopère avec les autres services de sécurité intérieurs et internationaux. L’ajout de la Police Nationale à la dimension internationale de la sécurité ne sera pas négligeable, car la Turquie a « un ajout important sur le plan philosophique à la lutte antiterroriste internationale » 380 .
L’organisation antiterroriste policière vis-à-vis du terrorisme religieux commence pour la première fois en 1989, après les premières publications et les actes des Combattants Islamiques du Grand Orient (IBDA/C). Cette année-là, l’organisation IBDA/C a publié sa première revue de propagande381, et a réalisé des actes tels que des manifestations illégales, l’affichage de pancartes, le jet de cocktails Molotov aux pubs et quelques attentats à la bombe. Selon l’ancien chef de la Direction Centrale des Renseignements généraux Muzaffer Erkan, « la police n’avait plus d’information sur une telle organisation terroriste religieuse… Les unités de la lutte antiterroriste étaient confrontées à quelques groupes religieux qu’on nommait comme les Khomeynistes».382
La mobilisation de la police vis-à-vis du terrorisme religieux s’est accélérée pendant les conflits armés entre le PKK et le Hizbullah. Au début, le PKK assassinait des personnes opposantes, mais au fil du temps, on a vu de plus en plus l’assassinat de quelques membres du PKK. Les unités policières se sont concentrées sur les événements, car le PKK faisait la propagande en dépit de l’Etat comme il a fondé le Hizbulkontra contre le PKK. Mais en réalité, c’était le passage à l’acte armé du Hizbullah contre le PKK. Cette fois, la police et les services de sécurité devaient prendre des mesures contre ces deux organisations terroristes.
Après la connaissance des activités terroristes religieuses, les unités antiterroristes de la police se sont mobilisées de plus en plus sur trois axes : opérationnel, intellectuel et psychologique :
Dès la connaissance des premières organisations, le terrorisme religieux a été l’un des trois domaines d’intervention de la lutte antiterroriste policière sur le plan opérationnel. Les directions centrales concernées telles que celle de la TEMUH et de l’IDB ont consacré une partie de leurs effectifs et de leurs capacités. Les directions de la police dans les départements ont également créés des unités exclusivement chargées de lutter contre ce type de menace.
Chacune de ces deux Directions Centrales principales ont créé la Section de la lutte contre le terrorisme d’extrême droite. Ces sections sont chargées de prendre des mesures nécessaires en la matière. En plus la Section des opérations psychologiques au sein de la TEMUH a été fondée afin de fournir un appui efficace non seulement opérationnel psychologique mais également intellectuel. Ces dernières années, la capacité de ces unités a été renforcée plus que les autres unités chargées de la lutte contre les séparatistes et les révolutionnaires. Actuellement 15% du personnel de la lutte antiterroriste383 travaillent dans le domaine concerné.
Sur le plan intellectuel, la police a d’abord fait une distinction des groupes religieux, parce que ce type de menace a été fondé sur l’idéologie islamiste dans un pays à majorité musulmane et respectant les valeurs religieuses. La police a regroupé les religieux en cinq catégories afin de mieux préciser sa forme d’intervention opérationnelle. Selon ce regroupement, les organisations terroristes de motifs religieux constituent le premier groupe. Elles disposent de trois éléments majeurs : l’idéologie, l’organisation et l’action violente. Au début l’organisation terroriste IBDA/C et le Hizbullah se trouvaient dans ce groupe. Au fil du temps, nombreuses organisations ont été ajoutées à la liste tels que l’AFID, le Vasat, le Ceysullah, l’Armée de Jérusalem, le Hizb’ut-Tahrir, et la branche turque d’Al-Qaida.
Le deuxième groupe concerne les groupes radicaux religieux, qui disposent d’une idéologie et d’une structure organisationnelle. Ces groupes disposaient généralement d’un discours radical et recouraient aux activités illégales mais pas à l’acte violent. La police les a toujours surveillés, et les a ajoutés à la liste du premier groupe dès qu’il existait un acte violent. Actuellement, plus de vingt groupes se trouvent dans la liste de la police tels que Malatyalilar, Yeryuzu, Hizbullahi Vahdet, Hizbullahi Davet, Yonelis (Haksoz), Ekin, Buruc (Tohum), Mucahede, Rahmet, Vahdet, Tevhid-i Cekirdek, Akabe, Sahabe, Yildiz et Fecr.
Les groupes d’intérêt de motif religieux, notamment les partis politiques et les sociétés économiques, qui instrumentalisaient la religion pour leurs intérêts propres, se trouvent au troisième groupe. Plusieurs groupes d’intérêts tels que les partis politiques, les fondations pieuses, les associations, les voyants - les muskaci et les ufurukcu -, les médiums etc. sont surveillés par la police. Parmi eux, le groupe d’Adnan Hocacilar n’a pas pu échapper à l’intervention de la police, et une série de mesures juridiques a été appliquée en dépit de ce dernier.
Le quatrième groupe se compose de groupes religieux traditionnels tels que les tarîqats, les confréries et les communautés religieuses. Les tarîqats tels que Naqshibendiye , Kadiriye , Hazneviye , Halvetiye , Rufaiye etc., et les communautés religieuses telles que Nurcu , Suleymanci , Isikci etc. ont disposé d’une large influence dans la société. Les activités de ces groupes sont considérées traditionnelles, légales et complètement différentes que celles des groupes radicaux et des organisations terroristes. Les tarîqats, notamment le Naqshibendiye, ont joué un rôle important au XVIIIe et XIXe siècles dans l’Empire ottoman et ils ont porté leurs héritages jusqu’à nos jours. Quant aux communautés religieuses, ces dernières se sont organisées à partir des années 1950, et elles disposent, actuellement, autant d’impact sur la population pratiquante que celle des tarîqats. La police fait également une distinction entre ces deux groupes religieux384, selon leurs méthodologies, cibles visées, enjeux, organisations et approches.
Dans le regroupement de la police, les croyants sincères constituent le dernier groupe. Ces hommes réalisent leurs pratiques religieuses sans avoir un rapport direct ou indirect avec n’importe quel groupe. Aux yeux de la police, il est très important de ne pas déranger la sensibilité religieuse de ce groupe, pendant la lutte contre le terrorisme religieux.
Le groupe | L’idéologie | L’organisation | L’activité illégale | L’action violente |
Premier groupe : les organisations terroristes de motif religieux | Oui | Oui | Oui | Oui |
Deuxième groupe : les groupes radicaux religieux | Oui | Oui | Oui | Non |
Troisième groupe : les groupes d’intérêts politiques et économiques | Oui | Oui | Oui | Non |
Quatrième groupe : les groupes traditionnels (tarîqat, les confréries et communautés religieuses) | Oui | Oui | Non | Non |
Cinquième groupe : les croyants sincères | Oui | Non | Non | Non |
Il nous semble que, comme il n’existait pas de cohérence ni sur les mots relatifs à la menace religieuse ni sur les groupes religieux, ce type de regroupement était nécessaire pour la police et les institutions antiterroristes. En plus, même si les institutions antiterroristes disposaient d’une capacité opérationnelle, elles ne disposaient plus d’une approche intellectuelle. Au début, la Police Nationale et les services de sécurité s’étaient bien mobilisés pour une lutte opérationnelle, mais aucun d’entre eux ne pouvait définir exactement les termes relatifs à ce type de menace. La réaction (irtica) / le réactionnaire (murteci), le fondamentalisme / le fondamentaliste, le radicalisme / le radical, ou bien l’islamisme / l’islamiste etc. ont été utilisés en amalgame par les différentes autorités concernées pendant des années. Dans cette perspective, il n’était plus difficile de qualifier une organisation terroriste, car elle recourait à l’acte violent. Mais il était difficile de qualifier les autres groupes qui n’avaient aucun rapport avec l’action violente. C’est pour cette raison que ce type de regroupement a servi à la police à mieux comprendre la réalité de la menace terroriste religieuse.
La Police Nationale a publié de nombreux ouvrages pour informer non seulement son personnel de lutte antiterroriste mais également l’opinion publique. Notamment les publications de la TEMUH et de l’IDB ont construit la base intellectuelle de la lutte antiterroriste policière. Il est intéressant de noter que la littérature relative à la lutte antiterroriste en Turquie s’est largement alimentée de recherches intellectuelles de la police.
En dehors de ces travaux, la police a réalisé une série de coopérations avec les institutions compétentes et les centres de recherche. Par exemple, elle a coopéré avec la Présidence des affaires religieuses afin d’enrichir sa capacité intellectuelle en matière de religion et de pratiques des citoyens musulmans. Grâce à ce partenariat, la police a pu mieux saisir et comparer l’interprétation des textes coraniques par les organisations terroristes. En plus, elle a compris le rôle important de la Présidence des affaires religieuses en informant les citoyens musulmans en matière d’interprétation réelle et contemporaine de la religion.
Un autre partenariat, celui avec la Direction Générale des Administrations Pénitentiaires du ministère de la Justice a permis à la Police Nationale de mieux saisir les conditions du milieu terroriste, le processus de recrutement des organisations terroristes. Les deux administrations ont réalisé ensemble une série de recherches scientifiques sur les prisonniers. En analysant les situations socio-économiques des prisonniers, la police a enrichi sa capacité intellectuelle sur les facteurs socio-économiques, qui poussent l’individu au désespoir, et qui oriente au terrorisme. En plus, la police a trouvé une occasion de contacter les familles des prisonniers afin de couper le lien des prisonniers par l’intermédiaire de leurs parents, avec les organisations terroristes.
La Police Nationale a également enrichi sa capacité intellectuelle par l’intervention des spécialistes pendant des formations de son personnel de la lutte antiterroriste. Les deux directions centrales principales, la TEMUH et l’IDB, ont invité les spécialistes, notamment les universitaires, les diplomates et les juristes, pour partager leurs expériences à la fois scientifiques, juridiques et internationales. Ce type de formations a appris à la Police Nationale que l’antiterrorisme n’était pas uniquement une lutte opérationnelle armée. Dans cette perspective, la police antiterroriste a donné de plus en plus d’importance aux recherches scientifiques.
En dehors de lutte opérationnelle et intellectuelle, la Police Nationale a suivi une lutte sur le plan des opérations psychologiques afin de gagner le champ des idées contre les organisations terroristes qui instrumentalisaient la religion pour leurs propres intérêts. La lutte psychologique est en fait l’utilisation de quelques techniques de la guerre psychologique, notamment la propagande, dans le sens de subjuguer l’adversaire sans combattre de Sun Tzu. Ce type de lutte s’est orienté généralement à gagner le cœur et l’esprit de la population ciblée afin de miner l’appui populaire aux groupes terroristes.
Par la lutte opérationnelle de type psychologique, la police a visé à gagner l’appui de la population et à démoraliser les organisations terroristes en montrant leur vrai visage. Ce type d’approche était, en effet, au-delà des missions opérationnelles de la police antiterroriste, cependant la police n’avait pas d’autre choix. La menace était à la fois violente et psychologique et il n’existait pas d’institution ou de centre de recherche, ou bien de système de partenariat qui pourrait aider la police en la matière.
Selon le commissaire de police turc Necati Alkan385, les opérations psychologiques réalisées par la Police Nationale signifient « toutes les activités planifiées et réalisées afin de renforcer psychologiquement la lutte contre le terrorisme, de renforcer la conscience des individus, des groupes et de la population ciblés, et de gagner l’appui de cette dernière. En effet ces opérations ne signifient pas social engineering. Dans le cadre de ce type des opérations, la Police Nationale réalisent ses opérations sur quatre domaines : les activités d’informations, les activités socioculturelles, les activités de formation et des activités avec les familles. Pendant toutes ses activités, la Police Nationale informe les gens, notamment les étudiants et leurs parents, en matière d’activités des organisations terroristes. Elle participe également aux activités socioculturelles organisées par la société dans le cadre de police de proximité. Pendant des activités des formations, la Police suit une stratégie de formation continue afin de mobiliser ses unités concernées et les différentes institutions intéressées en matière de lutte contre le terrorisme. »
Dans cette perspective, la Police Nationale a également produit du matériel écrit tel que des ouvrages, des articles et des brochures386, et les a diffusés afin d’empêcher la propagande et le recrutement de nouveaux membres des organisations terroristes. Par exemple, la police a déchiffré le vrai visage des organisations religieuses, par une brochure387 en montrant leurs dilemmes et désordres. Selon la police :
La Police Nationale a utilisé également les nouvelles technologies, notamment l’Internet388, pour informer les citoyens en diffusant des textes et des brochures en matière d’activités terroristes. Par exemple, elle a diffusé une brochure, intitulé « non au terrorisme pour nos avenirs » 389 , pour informer la jeunesse estudiantine en matière d’activités et le processus de recrutement des organisations terroristes dans le milieu éducatif. De l’autre côté, en répondant aux questions envoyées par le message électronique, la police a créé un nouveau point de contact avec les citoyens. La TEMUH répond régulièrement aux questions posées par les citoyens via Internet en matière de menace terroriste.
La Police Nationale a suivi quelques projets communs avec différentes institutions. Par exemple, elle a réalisé un projet avec le Conseil National de l’Education, sur la protection des jeunes étudiants. Dans ce projet, la police a ajouté une brochure à chaque enveloppe de résultat de concours relatif à l’entrée à l’université, et a informé les jeunes contre les activités de recrutement des organisations terroristes. La police a mené également des projets avec la Présidence des affaires religieuses pour empêcher les activités illégales dans les mosquées où les organisations terroristes, notamment le Hizbullah de recruter de nouveaux membres.
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Ministère de l’Intérieur, La Police turque au 50 ème anniversaire de la République, Ankara, 1973, p.2.
Réglementation de la police (Polis nizami) a été préparée selon le règlement relatif au directeur de police de Paris de 1800.
A cette époque-là, trois forces de l’armée s’occupaient de la sécurité intérieure d’Istanbul. Les Soldats de Mahomet, vainqueurs par la grâce de Dieu (Asakir-i Mansureyi Muhammediye) assuraient l’ordre public dans le continent Europe, tandis que les Soldats exacts de forces navales (Asakir-i Muntazama-i Bahriye ve Topcu Ocagi) et les Soldats spéciales (Asakir-i Hassa) prenaient des mesures relatives à la sécurité publique dans le contient Asie.
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La Direction des Affaires Importantes (Onemli Isler Mudurlugu) a été fondée en 1937 par la loi relative à l’organisation de la police(Emniyet Teskilat Kanunu - ETK), loi no : 3201, le 12 juin 1937.
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Mesut Bedri EryilmazErreur ! Signet non défini. donne les chiffres suivants : Jusqu’aujourd’hui, 7138 personnels ont travaillé dans les unités de renseignements généraux. Actuellement le nombre de personnels est de 4262. Voir, ERYILMAZ Mesut Bedri, « Polis istihbarat » (Le renseignement policier), art.cit., p.146, in TESEV, Almanak Turkiye 2005 : Guvenlik Sektoru ve demokratik denetim (Almanach Turquie 2005 : La secteur de sécurité et le contrôle démocratique), op.cit., 279p.
Le Centre de la Direction de Crise (Kriz Yonetim Merkezi) a été créée par l’autorisation du ministère de l’Intérieur du 13 mai 1996 et elle est actuellement en activité.
Règlement relatif à l’organisation et le fonctionnement de la Direction Centrale de la Lutte Contre la Fraude, le 01 avril 1981. Mais le nom actuel de cette direction centrale a été changée en 1987 par la décision du Conseil des Ministres du 07 juillet 1995, no : 95/7084.
La Direction Centrale de la Lutte Contre la Fraude et le Crime Organisé réalise ses missions dans le cadre de multiples législations nationales et internationales. Il s’agit actuellement de quatorze lois, neuf règlements et quarante-quatre traités internationaux.
La décision du Conseil des Ministres relative à la fondation de la Direction Centrale de la Protection (Koruma Daire Baskanligi’nin kurulmasina iliskin Bakanlar Kurulu Karari), décision no : 90/334, le 15 mars 1990.
Règlement des services de protection (Koruma Hizmetleri Yonetmeligi), le 16 septembre 1995 et le Règlement relatif à l’organisation et le fonctionnement de la Direction Centrale de la Protection, le 24 janvier 1996.
La Turquie a été membre de l’Interpol le 8 janvier 1930.
La décision du Conseil des Ministres, le 01 janvier 1988.
La décision du Conseil des Ministres, le 11.02.2005.
L’article 2 de la Constitution d’Interpol.
Le règlement relatif à l’organisation, aux missions et aux fonctions de la Direction Centrale de l’Interpol(Interpol Daire Baskanligi Kurulus, Gorev ve Calisma Yonetmeligi).
En fait, deux directions, Ecanip Mudurlugu et Seyrusefer ve Takibat-i Adliye Mudurlugu ont été fondées pour la première fois en 1915 et ont été modifiées plusieurs fois dans les années suivantes afin de réaliser ce type de missions. Cette Direction a gagné enfin son statut actuel en 1981.
Entretien avec le responsable chargé des affaires de sécurité de la délégation turque auprès du Secrétariat Général de l’OTAN, Bruxelles, le 14 février 2005.
L’organisation terroriste IBDA/C avait publié la revue « Ak Dogus » en 1989, en tant que première publication de l’organisation. Au fil du temps, les services de sécurité ont découvert la capacité de publication d’IBDA/C. Lors que sa publication est interdite par les autorités, l’IBDA/C publiait une nouvelle version intitulée par un autre nom.
Entretien avec Muzaffer Erkan, ancien chef de la Direction Centrale des Renseignements Généraux, Ankara, 2005.
Actuellement, à peu près plus de vingt milles personnels sont chargés directement dans la lutte antiterroriste policière.
Anonyme, Islamda mezhepler, tarikatlar ve dini akimlar (Les écoles, les tarîqat et les mouvances religieux dans l’Islam), Ankara, EGM IDB Yayinlari, 1993, p.129 et suite.
Entretien avec Necati ALKAN, commissaire de police, Direction Centrale des Opérations et de la Lutte Contre le Terrorisme, Ankara, le 17 novembre 2005.
Les brochures de la Police Nationale se renouvellent généralement chaque année. En plus, chaque unité concernée dans les départements produit sa brochure propre selon la menace actuelle existante dans le département ou la région.
La brochure de « Sag teror orgutleri hakkinda bunu biliyormusunuz ? » (Savez-vous les réalités en matière d’organisations terroristes religieuses ?), Ankara, EGM, 2006.
Il est possible de trouver ce type de brochures dans les sites officieux d’Internet de la Direction générale de la Police Nationale, www.egm.gov.tr . En plus, plusieurs Directions de la Police dans les Départements les ont diffusées par leur site officiel d’Internet.
La brochure de « Yarinlarimiz Icin Terore Hayir » (Non au Terrorisme pour Nos Avenirs). Elle a été préparée par la TEMUH, Ankara, 2006. Consultable en langue turque sur le site officiel d’Internet de la Police Nationale, www.egm.gov.tr