Conclusion de la deuxième partie

Depuis plus de trente ans, la lutte contre le terrorisme a été l’un des enjeux majeurs dans le mécanisme et le fonctionnement du système politico administratif et opérationnel turc. Comme elle était un domaine sensible aux yeux d’autorités concernées, elle a toujours été présente dans l’agenda politique, a été une priorité dans les tâches administratives, et été une occupation majeure de services opérationnels.

La lutte contre le terrorisme religieux est un domaine d’intervention de plus en plus important. Ces dernières années, notamment après le 11 septembre 2001, ce type de lutte a été une préoccupation majeure d’institutions concernées. Mais en ce moment, il est difficile de distinguer les politiques antiterroristes exclusivement réservées à un tel domaine. C’est-à-dire, les institutions politico administratives et juridiques considèrent la menace terroriste dans son ensemble, sans faire une distinction ni idéologique ni motivationnelle. Seulement, les institutions opérationnelles s’organisent et suivent une stratégie de lutte antiterroriste dans le cadre d’idéologie et de motivation des organisations terroristes.

La mise en place de politiques de sécurité contre le terrorisme est un processus complexe en Turquie. Plusieurs acteurs interviennent et, bien sûr, plusieurs politiques se mettent en place. Les acteurs politiques participent à la mise en place d’une telle politique, en s’appuyant sur l’idéologie politique. Comme le système administratif est complètement centralisé, les acteurs administratifs se réorganisent en la matière, en restant sous l’influence des acteurs politiques. Quant aux institutions opérationnelles, elles sont nombreuses, et chacune d’entre elles intervient dans son terrain d’intervention, dans le cadre de lois mais également de sa culture professionnelle.

La lutte contre le terrorisme est, en effet, une politique sécuritaire et un domaine d’intervention laissé aux institutions opérationnelles. Comme les acteurs politiques et administratifs ne disposent pas d’une politique stable en la matière, les institutions opérationnelles sont considérées comme le principal producteur et applicateur d’une telle politique. C’est pour cette raison que la lutte contre le terrorisme a été considérée pendant de longue durée comme la lutte contre les terroristes et les politiques de sécurité se sont construites sur une telle approche sécuritaire.

Au niveau juridique, la Turquie dispose d’un instrument assez suffisant pour faciliter et légitimer l’intervention de ses institutions opérationnelles. Les services de sécurité réalisent leurs missions dans le cadre de plus de dix lois différentes. Il existe également des lois exclusivement adoptées pour une telle lutte, mais ces lois sont plus spéciales qu’exceptionnelles. En plus, comme la Turquie est un Etat juridiquement moniste, les mesures du droit international ont des conséquences directes sur la lutte antiterroriste. Plusieurs traités bilatéraux et multilatéraux ont été signés, plusieurs conventions ont été ratifiées par les autorités turques, afin de mener une lutte efficace au niveau international. Tout ce mécanisme juridique interne et international augmente la complexité de la lutte antiterroriste.

La Police Nationale, dépendant du ministère de l’Intérieur, est une administration civile. En tant que responsable de la sécurité intérieure en zone urbaine, elle est l’une des institutions principales de la lutte antiterroriste. Elle n’est pas unique productrice d’une telle lutte, mais elle est chargée d’assurer la sécurité et la tranquillité publique dans un domaine où vivent 70% de la population. Comme la population de la zone urbaine augmente de plus en plus, le domaine d’intervention policière grandit auprès de la population.

La Police Nationale dispose d’un mécanisme et d’une stratégie exclusivement destinée au terrorisme religieux. Elle utilise d’une part, ses propres méthodes techniques telles que le renseignement, l’infiltration, la lutte contre le financement des organisations terroristes etc., et, d’autre part, les techniques opérationnelles psychologiques, alimentées par un travail intellectuel, afin de gagner non seulement la bataille de conflits armées mais également celle des idées. Après le 11 septembre 2001, la lutte policière contre le terrorisme religieux a gagné une importance.

En effet, la Turquie est l’un des Etats les plus expérimentés en matière de lutte contre le terrorisme, mais en ce moment, elle ne dispose pas de bonnes politiques antiterroristes. Ce type de lutte est au monopole du service de sécurité et se considère comme une lutte contre les terroristes. C’est pour cette raison que les acteurs politiques et administratifs ne peuvent pas participer et intervenir assez bien dans le domaine concerné. Le manque d’une telle participation rend la difficulté de mettre en place des politiques antiterroristes efficaces et de longue durée.