Section 3. La nécessité d’une participation à la lutte antiterroriste internationale : une stratégie efficace pour les institutions turques

Au niveau international, la lutte contre le terrorisme constitue aujourd’hui l’un des sujets centraux pour la sécurité et la stabilité du monde. Le renforcement du système de sécurité internationale, le déploiement des efforts communs et efficaces aux niveaux politique, économique et opérationnel afin de neutraliser les réseaux terroristes et les priver de soutien financier, le développement d’échange d’information, notamment dans le domaine de la police 503 etc. sont les principales et indispensables mesures répétés plusieurs fois par des responsables des Etats et des organisations internationales. En effet, à l’époque de la mondialisation, comme la sécurité contre le terrorisme ne peut plus être garantie par les seuls moyens nationaux, la coopération entre les Etats, au sein ou en dehors des organisations internationales, est indispensable.

La participation d’un Etat à la lutte antiterroriste internationale est réalisée par une intervention sur les domaines politique, juridique et opérationnel. La participation politique est, en effet, la volonté des Etats en matière de toutes procédures politiques tandis que la participation juridique résulte de la signature des accords, des conventions et des traités. Quant à la participation opérationnelle, elle signifie la mobilisation de toutes les unités opérationnelles de lutte antiterroriste. Dans cette perspective, la participation de la Turquie à la lutte internationale nécessite une mobilisation des institutions politico administratives, juridiques et opérationnelles.

Au niveau politique, la participation de la Turquie est constituée dans le cadre de politique étrangère turque. Cette dernière repose sur le principe « paix dans la patrie, paix dans le monde » depuis la fondation de la République en 1923 et l’Etat turc a poursuivit une politique extérieure génératrice de sécurité et de stabilité dans sa région et au-delà. C’est pour cette raison que le premier objectif de la politique étrangère turque est « de soutenir et de renforcer un environnement régional et international pacifique, stable, prospère et coopératif qui favorise le développement humain en Turquie, dans les pays voisins et au-delà » 504.

En matière de lutte contre le terrorisme, la Turquie figure parmi les premiers pays à se joindre à la coalition mondiale réunie pour combattre le terrorisme. Dans la politique étrangère turque, le terrorisme ne peut être associé à une religion, à une culture, à une géographie ou à un groupe ethnique. De ce fait, la lutte contre le terrorisme est un combat commun du monde civilisé, nécessitant un effort universel, et elle ne peut réussir que si elle émane d’une vision juste.505

Selon Gunhan Akmeric, « la Turquie est l’un des Etats rares qui a souffert / sont en train de souffrir du terrorisme depuis plusieurs années. Elle a soutenu la lutte antiterroriste internationale et a participé à toutes les actions positives au niveau international, notamment à partir des années 1960, soit en faisant partie de tous les protocoles des Nations Unies en matière de lutte contre le terrorisme, soit en signant les accords bilatéraux et multilatéraux avec plusieurs Etats dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Ainsi, la Turquie a pris une distance importante en matière de lutte contre le terrorisme… De l’autre côté, les changements d’après le 11 septembre, notamment les initiatives du Conseil de Sécurité des Nations Unies et les plans d’action de l’Union Européenne, contiennent les thèses que la Turquie défendait depuis des années, et mise en lumière la légitimité de cette dernière. » 506 A l’occasion de cette perspective, Gunhan Akmeric trouve que la participation turque en matière de lutte contre le terrorisme est réussie. Selon le commissaire de police turc Murat YildizErreur ! Signet non défini. de l’OSCE507, « la Turquie a, d’abord, des difficultés propres en portant le problème du terrorisme au niveau international. Cependant elle a pris une distance visible, notamment ces dernières années ».

Ces dernières années, l’Etat turc a consacré un grand effort pour une participation active dans la lutte contre le terrorisme. Par exemple, elle a été candidate provisoire pour le Conseil de sécurité des Nations Unies pour la période de 2009-2010. Par cette candidature, la Turquie a visé à jouer un rôle important dans la réorganisation de la sécurité internationale.508 De l’autre côté, le gouvernement actuel a débuté en 2005 un « projet d’alliance des civilisations » avec le gouvernement espagnol afin d’aider la construction d’un climat de paix dans le monde. Ce projet a été soutenu par l’Organisation des Nations Unies. En effet, le projet a pour but de développer des projets sociaux internationaux relatifs à lutte contre le radicalisme, le terrorisme, les conflits, le racisme, les conflits religieux etc. et donne l’occasion à l’Etat turc de jouer un rôle actif dans la lutte antiterroriste internationale. Cependant, comme l’a précisé Murat Yildiz, la participation de la Turquie aux activités et missions des organisations internationales constitue « un petit exemple, mais pas une force ou un effort politique, car il n’est possible, pour aujourd’hui, de parler d’une solution internationale marquée et précisée par la Turquie en matière de lutte internationale antiterroriste. » 509

De l’autre côté, le gouvernement turc s’est efforcé à privilégier une approche politique afin de réduire ou résoudre les crises originales, notamment en Iraq, en Palestine et en Afghanistan. Ces régions de conflits, notamment l’Iraq, sont devenus aujourd’hui les territoires qui offrent aux organisations terroristes religieuses l’image des pays musulmans et arabes occupés par les forces occidentales. La Turquie, en tant que pays voisin de ces régions, a suivie une diplomatie active relative à la mise en place d’une stabilité et la sécurité régionale. Cependant, ni les efforts de l’Etat turc ni celles de la communauté internationale n’ont été suffisantes en la matière.

Il est évident que la politique étrangère turque s’est dotée d’une volonté définitive de lutte contre le terrorisme. Cependant, une telle volonté n’est pas suffisante pour assurer une participation efficace, car cette dernière n’est ni une déclaration officielle ni une signature d’une convention ou d’un traité. Selon Okan Aysu d’Interpol, « la participation de la Turquie n’est pas dans un cadre conscient, précis et programmé. Les politiques sont plutôt quotidiennes ou les décisions sont prises par heure dans le cadre des cas ou des événements » 510 . De plus, comme l’a précisé le responsable des affaires de sécurité de la délégation turque à l’OTAN, « la lutte contre le terrorisme ne s’agit pas directement d’une lutte directe contre les organisations terroristes comme IRA , ETA , PKK ou le Hezbollah , mais plutôt des mesures générales. C’est pour cette raison qu’il faut être prudent et essayer de comprendre le terrorisme au sens large ».511 Dans cette perspective, l’Etat turc a besoin d’avoir une stratégie de participation à long terme en développant une politique étrangère à long terme qui permettra de comprendre le terrorisme international au sens général et de jouer un rôle majeur dans la scène internationale.

Au niveau juridique, la Turquie est l’un des Etats signataires et applicataires de presque tous les textes juridiques internationaux de lutte contre le terrorisme. Comme elle est l’un des Etats les plus menacés par le terrorisme, elle soutient tous les changements et aménagements juridiques. Cependant, le 11 septembre 2001 a été une date marquante pour la participation juridique de la Turquie à la lutte internationale, car la communauté internationale a adopté pour la première fois des mesures juridiques solides contre le terrorisme. C’est dans cette perspective que « la résolution 1373 du Conseil de Sécurité des Nations Unies a fournit une base solide aux efforts communs pour combattre le terrorisme pour la Turquie » 512

A partir de la résolution précisée ci-dessus, la Turquie s’est mobilisée aux niveaux judiciaire et opérationnel afin de participer activement à la lutte internationale. Plusieurs mesures ont été mises en place, plusieurs institutions ont été activées afin de soutenir les actes de la communauté internationale.513 En effet, ce type de mobilisation a montré que la volonté politique de l’Etat turc signifiait une réelle participation auprès de communauté internationale et ce dernier était présent afin de consacrer tout effort juridique possible.

La participation des Etats concernés à la lutte antiterroriste opérationnelle représente le processus le plus difficile pour la lutte contre le terrorisme, car ce type de participation nécessite plus une intervention active et commune qu’une simple volonté des Etats concernées. Par exemple, selon le responsable des affaires de sécurité de la délégation turque à l’OTAN, cette dernière attend que « tous les Etats membres soient d’accord sur une décision de lutte antiterroriste et soient plus actifs pour que l’OTAN puisse intervenir » 514. Sinon toutes les procédures signifieront seulement la présentation d’une simple volonté.

La participation opérationnelle se pose, d’une part, sur l’intervention commune des Etats par les forces militaires et les forces de police civile, et d’autre part, sur l’échange d’information par les services de sécurité et de renseignements. Les opérations de type militaire et de police civile se réalisent dans le cadre du maintien de la paix et de l’ordre public dans les régions de conflits tandis que l’échange d’information est un processus plutôt réciproque relatif à la prise des mesures au niveau interne contre la menace terroriste. En effet, les Etats disposent aujourd’hui, sous le toit des organisations internationales telles que l’ONU, l’OTAN ou l’OSCE, d’une capacité d’intervention de type militaire et policière dans ces dites régions. Par contre, ils ne disposent pas d’une capacité d’échange d’information intéressant plutôt la prise des mesures relatives à leur sécurité intérieure.

En matière d’opérations militaires et de police civile, la Turquie a participé activement aux travaux internationaux. Ces dernières années, les forces militaires turques ont été chargées en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan et au Liban dans le cadre des opérations internationales de la paix. Quant à l’opération de police civile, les membres de la Police Nationale turque ont assumé des rôles importants dans le maintien de l’ordre de quelques Etats dans les régions de conflits, dans les Balkans (Bosnie, Kosovo, Albanie, Macédoine), au Moyen-Orient (Liban), en Afrique (Cote d’Ivoire, République de Congo, Soudan, Liberia) ou à Haïti.515 On a considéré généralement que la participation opérationnelle de la Turquie a eu des bonnes conséquences et les organisations internationales ont invité plusieurs fois les autorités turques à augmenter leurs effectifs dans ces dites opérations internationales.

De l’autre côté, la Turquie s’est efforcée d’assumer d’autres responsabilités pour mieux participer à la lutte internationale. Par exemple, elle a fondé un centre de lutte antiterroriste à Ankara en 2005, « un centre qui fonctionne bien » selon le responsable des affaires de sécurité de la délégation turque à l’OTAN, car, « la Turquie a un grand ajout sur le plan philosophique. Le personnel des Etats membres échange les informations et les expériences pendant les séminaires et les programmes réalisés dans cedit centre. Chaque Etat membre participe à l’échange par ses meilleures pratiques et méthodes et après l’OTAN fait une évaluation pour l’intervention  ». 516

Une autre organisation internationale, l’OSCE suit une stratégie opérationnelle moins importante que l’OTAN, cependant les travaux de cette dernière n’est pas négligeable. Selon Murat Yildiz, « l’OSCE assure un soutien limité comme par exemple les mesures relatives à augmenter la capacité intellectuelle des Etats membres par l’intermédiaire des séminaires et des conférences. La Turquie en tant qu’Etat qui a accepté de lutter contre le terrorisme sur son sol, a consacré beaucoup d’efforts pour les travaux de l’OSCE. Ainsi il est possible de dire que la participation de la Turquie aux missions de l’OSCE est assez suffisante. » 517

En matière de lutte internationale, l’un des éléments le plus important est l’amélioration de l’échange d’informations. Il s’agit là d’un enjeu important, car l’échange d’informations reste encore très insuffisant au niveau international. En fait, c’est seulement au prix d’une étroite coordination entre les services de sécurité et de renseignement des Etats que l’on pourra mener efficacement la lutte contre le terrorisme. En effet, quelques facteurs professionnels et culturels des services concernés rendent difficile le développement d’une telle coopération, par exemple, la méconnaissance du phénomène terroriste et des moyens de lutter efficacement contre cette menace, le manque de confiance parmi les services de sécurité des Etats ou la différence des modalités sur le contenu des casiers judiciaires des Etats. En effet, la Turquie doit développer une stratégie d’échange d’information en étant prudent sur ce type de problèmes.

L’un des problèmes majeurs de la lutte opérationnelle internationale est l’hésitation des services de renseignements d’un pays à échanger des renseignements avec leurs homologues étrangers. Chaque pays a souvent tendance à considérer « ses » terroristes comme les seuls qui méritent d’être pourchassés, en continuant à fermer les yeux sur les activités préjudiciables pour d’autres pays.518 Selon Okan Aysu, « la Turquie suit généralement une politique traditionnelle issue dans le sens du secret d’information. C’est-à-dire les renseignements sont secrets et non échangeables. Bien sûr que ce type d’approche rend difficile l’élucidation de la dimension internationale des événements et pour l’assurance du soutien international » 519 . La raison de cette approche critiquée était que, selon Gunhan Akmeric, « la Turquie est restée ‘seule’ et ‘intelligible difficilement’ pendant de longue durée dans la plateforme internationale. Les différences ‘ethniques et religieuses’, la position ‘stratégique’ de la Turquie – même si ce point est discutable pour certains - sont des raisons importantes » 520 .

En effet, malgré une volonté étatique clairement affichée au niveau politique et juridique, les institutions opérationnelles, notamment les services de sécurité et de renseignements, ne sont pas totalement présents à échanger l’information. Ce type d’échange repose largement sur une relation de confiance entre les services concernés et cette confiance ne s’instaure pas par les déclarations ou les signatures des autorités responsables. Selon Gunhan Akmeric, « les services de sécurité turcs ont réussi dans les missions de renseignements dans le cadre de conditions juridiques existantes au niveau national et d’équilibres politiques internationales » 521 . Cependant ce type de réussite n’est pas suffisant pour la mise en place d’une politique de sécurité à long terme et pour la participation efficace à la lutte internationale. Dans cette perspective, les Etats consacrent un grand effort à assurer une relation étroite des services de sécurité et de renseignements sur le plan bilatérale. La Turquie, doit, d’une part, soutenir le développement de l’échange d’information au niveau internationale et, d’autre part, chercher et développer une stratégie de coopération bilatérale avec les Etats concernées.

A la lumière de cette perspective, comme les effets du 11 septembre 2001 sur la politique étrangère de plusieurs Etats ne s’arrêtent pas et la lutte internationale a une importance grandissante de la dimension sécuritaire dans les relations internationales qui ce soit au sein de l’ONU, de l’OTAN, de l’UE ou de l’OSCE, la Turquie a besoin d’une nouvelle stratégie antiterroriste internationale en réalisant une participation efficace notamment au niveau politique.

Notes
503.

La coopération entre les organisations policières est plus que jamais à l’ordre du jour. Le contexte international a été profondément bouleversé ces dernières années et les administrations sont de plus en plus amenées à coopérer. Pour les détails, voir Anonyme (Sous la direction de Claude JOURNES), Les échanges internationaux entre administrations, Travail commun pour le séminaire de DEA Administration Publique 2002-2003, l’Université Lyon-2 Lumière, 2003, p.14 et suite.

504.

Ministère des Affaires Etrangères, Synopsis de la politique étrangère, Ankara, 2005, p1. Il est possible d’accéder au document sur le site officiel d’Internet du ministère des Affaires Etrangères, www.mfa.gov.tr

505.

Ministère des Affaires Etrangères, Synopsis de la politique étrangère, Ankara, 2005, p.17-18 Il est possible d’accéder au document sur le site officiel d’Internet du ministère des Affaires Etrangères, www.mfa.gov.tr

506.

Entretien avec Gunhan Akmeric, commissaire principal de police, chargé au sein du secrétariat général de l’Interpol, Lyon, le 27 avril 2007.

507.

Entretien avec Murat Yildiz, commissaire de police turc, chargé au sein de l’OSCE, entretien réalisé par l’Internet, le 29 avril 2007.

508.

Le ministère des Affaires étrangères, « La candidature de la Turquie pour le Conseil de Sécurité des Nations Unies  ». Il est possible de trouver les détails de cette candidature sur le site officiel d’Internet du ministère des Affaires étrangères, www.mfa.gov.tr

509.

Entretien avec Murat Yildiz, commissaire de police turc, chargé au sein de l’OSCE, entretien réalisé par l’Internet, le 29 avril 2007.

510.

Entretien avec Okan AYSU, commissaire divisionnaire de police turc, chargé au sein du secrétariat général de l’Interpol, Lyon, le 23 avril 2007.

511.

Entretien avec le responsable des affaires de sécurité de la délégation turque auprès du secrétariat général de l’OTAN, Bruxelles, le 14 février 2006.

512.

Ministère des Affaires Etrangères, Synopsis de la politique étrangère, Ankara, 2005, p1. Il est possible d’accéder au document sur le site officiel d’Internet du ministère des Affaires Etrangères, www.mfa.gov.tr

513.

Il est possible d’accéder aux mesures prises par les institutions turques sur le site officiel d’Internet de l’ONU, www.un.org , sous les chapitres des lettres concernant la lutte antiterroriste par la Mission permanente de la Turquie auprès de l’ONU.

514.

Entretien avec le responsable des affaires de sécurité de la délégation turque auprès du secrétariat général de l’OTAN, Bruxelles, le 14 février 2006.

515.

Ces dernières années plus de 1200 policiers turcs ont été chargées dans les missions et opérations de police civile de l’ONU. Pour les details, voir: Turkish Institute for Police Studies (TIPS), II. Istanbul Conference on Democracy and Global Security, op.cit., p.22-23.

516.

Entretien avec le responsable des affaires de sécurité de la délégation turque auprès du secrétariat général de l’OTAN, Bruxelles, le 14 février 2006.

517.

Entretien avec Murat Yildiz, commissaire de police turc, chargé au sein de l’OSCE, entretien réalisé par l’Internet, le 29 avril 2007.

518.

NETANYAHOU Benyamin, Combattre le terrorisme : comment les démocraties peuvent venir à bout des réseaux terroristes, Paris, L’Archipel, 2001, 169-170.

519.

Entretien avec Okan AYSU, commissaire divisionnaire de police, chargé au sein du secrétariat général de l’Interpol, Lyon, le 23 avril 2007.

520.

Entretien avec Gunhan Akmeric, commissaire principal de police, chargé sein du secrétariat général de l’Interpol, Lyon, le 27 avril 2007.

521.

Entretien avec Gunhan Akmeric, commissaire principal de police, chargé sein du secrétariat général de l’Interpol, Lyon, le 27 avril 2007.