Conclusion générale

Au terme de notre étude, nous avons perçu tout d’abord qu’il était difficile d’analyser le terrorisme religieux et la lutte antiterroriste policière en Turquie, car le terrorisme était un problème croissant et évolutif et la lutte policière contre ce type de menace nécessitait des interventions de plus en plus compliquées. Ensuite, malgré l’actualité et la popularité abondante du sujet, l’intérêt académique et intellectuel pour les travaux scientifiques était limité dans ce pays. C’est pour cette raison qu’il était possible de trouver peut-être et plutôt des rapports officiels ou des ouvrages médiatiques et non pas des travaux scientifiques. Enfin, la Police Nationale, en tant qu’institution centrale, n’était pas encore assez ouverte pour des recherches scientifiques sur son fonctionnement, son organisation et notamment ses missions relatives à la lutte antiterroriste.

Malgré les difficultés précisées ci-dessus, le travail effectué durant cette thèse nous a permis de comprendre le problème du terrorisme religieux en Turquie, le processus de mise en œuvre et d’application des politiques antiterroristes et les mesures policières en la matière. Dans le cadre de nos hypothèses relatives à la menace du terrorisme religieux, à la politique de sécurité et à la lutte antiterroriste policière et en soutenant notamment l’idée qu’ il serait nécessaire de mettre en place une nouvelle politique de sécurité autour de la Police Nationale contre le terrorisme religieux en Turquie , nous avons eu pour but de montrer que la Police Nationale aurait besoin d’une mobilisation antiterroriste qui permettrait un renouvellement afin de mener une lutte efficace à court et à long terme.

Dans cette perspective, notre première partie s’est concentrée sur la menace du terrorisme religieux en Turquie. Notre principal apport était que le terrorisme religieux était / serait une menace croissante, évolutive et urbaine. Cette menace qui s’est alimentée des problèmes de société, était en effet un combat idéologique et visait à fonder un Etat islamique sur le territoire turc. En se basant sur une approche scientifique, l’intérêt d’un tel apport était de souligner la réalité et le vrai visage du terrorisme religieux, non seulement pour les services de sécurité mais egalement pour toutes les institutions concernées en Turquie. Il est possible également de parler d’un intérêt pour quelques services de sécurité étrangers et pour le monde à la fois scientifique et médiatique intéressé du sujet.

La première partie de notre thèse contient également quelques incertitudes et insuffisances telles que les informations sur les membres des organisations terroristes, sur les relations entre les organisations terroristes et les services de renseignements, et notamment sur le soutien des Etats parrains. Les services de sécurité turcs, comme dans beaucoup d’Etat, ont encore plusieurs secrets et ne partagent pas toutes les informations en matière de lutte antiterroriste. De l’autre côté, la réaction n’est pas encore un problème ou un domaine d’intervention clairement défini par des institutions et des mécanismes concernés. C’est pour cette raison qu’il est encore difficile de faire une analyse scientifique et éclairante qui permettra de mieux comprendre les relations entre la réaction et le terrorisme religieux.

En ayant pour objectif de montrer pourquoi et comment les mécanismes des politiques antiterroristes se réalisent-ils, notre deuxième partie s’est concentrée sur la mise en place des politiques de sécurité contre le terrorisme religieux. Le principal apport de cette partie était, tout d’abord, de montrer que la lutte contre le terrorisme est un terrain d’intervention complexe et le terrorisme religieux est l’enjeu des politiques antiterroristes des années 1990. Ensuite, en intéressant la sécurité intérieure et extérieure, de multiples politiques de sécurité ont été mises en place dans le cadre d’une logique sécuritaire, et plusieurs institutions, notamment les services de sécurité, sont intervenus avec un dispositif assez suffisant. Enfin, en se mobilisant contre le terrorisme religieux à partir du début des années 1990, la Police Nationale a joué un rôle majeur pendant la perception et l’élucidation de la menace, et grâce aux travaux policiers, le terrorisme religieux a été inscrit sur l’agenda politique. Ces dernières années, le rôle de la Police Nationale a augmenté dans la lutte contre le terrorisme religieux et une mobilisation non seulement organisationnelle et opérationnelle mais également intellectuelle a été débutée au sein de la police afin de répondre à la menace concernée. Ce type de mobilisation met de plus en plus la Police Nationale au centre des politiques antiterroristes.

L’intérêt principal de cette deuxième partie a été l’occasion de mieux voir les processus des politiques antiterroristes, l’enjeu à la fois majeur et complexe de trente dernières années, car la compréhension des processus des politiques antiterroristes nous a permis également de mieux comprendre le fonctionnement du système politico administratif, juridique et opérationnel turc. Ce type de compréhension nous parait important, notamment après le 11 septembre 2001, car après cette date, la quête de sécurité a été le principal enjeu des gouvernements, et plusieurs Etats - notamment occidentaux -, ont commencé à mettre en place des politiques publiques à partir d’une approche sécuritaire issue de lutte contre le terrorisme.

Il nous semble que, la deuxième partie de notre thèse, comme la première partie, n’est pas complète, car il y a encore quelques incertitudes à clarifier et quelques insuffisances à travailler, comme par exemple les conséquences d’une dualité police gendarme pendant le maintien de l’ordre public, le double caractère organisationnel et fonctionnel de la Gendarmerie nationale, la rivalité parmi les services de sécurité, le poids lourd des politiques sur l’organisation et le fonctionnement de la Police nationale, le manque d’informations sur l’idéologie, la culture et la sociologie des institutions chargées de lutte contre le terrorisme, le mythe ou la réalité d’Etat profond qui est d’actualité ces derniers mois, et ses effets sur le système politico administratif, juridique et opérationnel, et ses liens avec les bandes criminelles etc. Ainsi, le champ de lutte antiterroriste est un domaine d’intervention complexe et ce type de complexité rend difficile à analyser complètement la mise en place de toutes politiques de sécurité. De l’autre côté, la Turquie aussi, comme beaucoup d’Etats, a des secrets en matière de sécurité et de continuité de l’Etat et les institutions de lutte antiterroriste ne partagent pas leurs secrets. C’est pour cette raison qu’il est toujours difficile de saisir la part et l’effet de cesdits secrets pendant la mise en place des politiques de sécurité.

La troisième partie de notre thèse s’est focalisée sur l’évaluation des politiques de sécurité contre le terrorisme religieux. Prouver le manque d’une bonne politique de sécurité et d’une réussite totale a été le principal apport de cette partie, car la distance non négligeable prise par l’Etat et ses instituions concernées n’a pas été suffisante pour mettre fin à la menace terroriste. Le manque d’une stratégie seule, la considération de solution purement policière, la lutte contre les terroristes mais pas le terrorisme, le côté obscur ou oublié des causes du terrorisme - notamment socio-économiques -, la participation inefficace des autorités ou des institutions politico administratives et de la société sont des éléments qui soutiennent notre apport précisé ci-dessus.

Dans le cadre d’un tel apport, l’intérêt principal de notre troisième partie est de voir, d’une part, la nécessité de renouvellement complet de stratégie antiterroriste de l’Etat, et d’autre part, la mise en place d’une politique de sécurité autour de la Police Nationale contre le terrorisme religieux. Dans notre travail, nous avons précisé nos hypothèses à partir d’un postulat qu’aucune revendication ne peut justifier le terrorisme. A partir de là, il n’y a pas d’autres solutions, face au terrorisme, que de la combattre de la façon la plus dynamique et le mieux coordonnée sur le plan national ou international possible. Au niveau national, une nouvelle politique efficace doit être activée dans le cadre de la démocratie et de l’Etat de droit. Au niveau international, une réaction réelle et efficace de la communauté internationale est nécessaire et une politique internationale doit être mise en place sincèrement dans un délai très court.

Il est nécessaire de préciser que notre troisième partie, comme les parties précédentes, contient également quelques incertitudes et insuffisances, comme par exemple le manque d’informations nécessaires pour une évaluation de bonne qualité – notamment les informations sur le budget et dépenses consacrés à la lutte antiterroriste -, les idées favorables ou défavorables des responsables actuels sur une stratégie proposée à court et à long terme, et les difficultés probables à rencontrer pendant la mise en place d’une nouvelle politique de sécurité autour de la Police Nationale. De l’autre côté, une enquête qui serait réalisée avec les chefs et les jeunes commissaires de police - actuellement chargés de lutte antiterroriste -, nous permettrait de mieux voir la possibilité d’une réorganisation de la police contre le terrorisme religieux pour les années prochaines.

A partir d’une telle perspective, la lutte contre le terrorisme religieux en Turquie doit être redéfinie afin de mieux assurer la sécurité de l’Etat et de la société contre le terrorisme religieux qui est montée en puissance. Au niveau politique, les responsables concernés doivent prendre toute la direction, l’initiative et la conduite des politiques antiterroristes en se basant sur des idées et des principes de la démocratie et de l’Etat de droit. Au niveau juridique, une législation antiterroriste qui permet non seulement de légitimer l’intervention des institutions opérationnelles mais également de garantir les droits de l’homme et des libertés individuelles, doit être mise en place. Au niveau opérationnel, les institutions concernées, notamment les services de sécurité, doivent se renouveler non seulement sur le plan opérationnel mais également sur les plans intellectuel et psychologique, en considérant que la lutte contre le terrorisme n’est pas seulement une lutte contre les terroristes.

Quant à la Police Nationale, cette dernière, en tant que principal garant de la sécurité intérieure, doit, d’une part, prendre le leadership de la lutte opérationnelle en la matière, et d’autre part, développer une stratégie exclusivement réservée à la lutte contre le terrorisme religieux. Actuellement, comme le terrorisme religieux est / sera une menace plutôt urbaine et comme la Police Nationale dispose d’une capacité humaine et technique plus efficace que les autres services de sécurité, elle doit et devra prendre cedit leadership. Cette responsabilité nécessitera quelques changements politiques et institutionnels dans la structure antiterroriste de l’Etat. Quant à la mise en place d’une nouvelle stratégie vis-à-vis du terrorisme religieux, elle exigera quelques modifications organisationnelles, fonctionnelles et intellectuelles au sein de la police antiterroriste.

Il est important de préciser que la lutte contre le terrorisme ne peut se réduire à un ensemble de mesures répressives ou bien elle ne peut être pensée uniquement en termes de mesures de répressions policières, car les mesures opérationnelles prises par les services de sécurité ne sont pas négligeables pour une lutte efficace, par contre elles ne sont pas suffisantes. C’est pour cette raison qu’une série de mesures politiques, socio-économiques, culturelles et religieuses doivent être mises en place dans une perspective à court et à long terme pour une lutte efficace et à long terme. En plus, il faut assurer la cohésion et la solidarité sociale pour la meilleure défense de l’Etat et de la société contre ladite menace.

Il est évident que, ces dernières vingt années, notamment après l’effondrement du mur de Berlin, l’environnement stratégique a complètement changé. De nouvelles motivations idéologiques – notamment religieuse -, de nouvelles organisations terroristes, de nouvelles méthodes d’attentats, de nouveaux adversaires et de nouveaux raisonnements ont émergé. Le territoire de quelques Etats, notamment irakien et afghan, est devenu un terrain d’entraînement plus efficace pour les organisations terroristes. Le financement et la communication des organisations terroristes ont été de plus en plus faciles. Les organisations terroristes ont été des acteurs de la scène politique et stratégique internationale. Ce type de changements a fait le monde plus vulnérable que le monde des années passées. Dans cette perspective, on ne sait pas nettement comment sera l’équilibre du monde dans les années prochaines. Mais on sait bien le caractère boumerang, évolué et global du terrorisme religieux qui est de plus en plus violent et meurtrier. Les organisations terroristes disposent d’une capacité technique et technologique assez suffisante pour activer leurs attentats. Elles utilisent parfois les nouvelles technologies avant les gouvernements et ont pour but d’accéder aux armes de destruction massives. Elles ont de bonnes relations avec d’autres groupes criminels et quelques Etats parrains. Leur motivation est montée en puissance et leur structure organisationnelle est en train d’évoluer - de structure hiérarchique pyramidale à la structure indépendante -. Il est plus facile pour elles de recruter plusieurs militants, non seulement dans des milieux pauvres mais également dans des milieux riches, et de les motiver pour les attaques-suicides. En effet, les organisations terroristes religieuses sont de plus en plus fortes, riches et indépendantes.

Dans ce nouveau monde, aucun système de sécurité ne semblait réellement préparé à la menace terroriste religieuse. En plus, le monde occidental n’est pas la seule cible de cedite menace, qui constitue actuellement un danger majeur dans beaucoup de pays, également en Turquie. De l’autre côté, comme le terrorisme menace non seulement l’Etat et ses institutions mais également la vie de la société, la politique antiterroriste influe sur d’autres politiques de l’Etat, d’autres interventions des institutions opérationnelles. C’est pour cette raison que l’évolution et la croissance de la menace du terrorisme religieux poussent les acteurs et les institutions de la lutte antiterroriste de voir que nous ne pourrons combattre contre ladite menace qu’avec une bonne et nouvelle politique de sécurité. Ainsi, la lutte contre le terrorisme aussi devra être évoluée et les Etats seront mobilisés rapidement en consacrant un grand effort afin de prendre des mesures nécessaires.

Il faut préciser en conclusion qu’il y aura toujours des groupes et des organisations recourant aux méthodes terroristes en Turquie et dans le reste du monde. De l’autre côté, la lutte contre le terrorisme se réalise dans un terrain d’intervention où la raison d’Etat est plus forte que le droit. Dans cette perspective, ce qui est important c’est de réussir en empêchant la diffusion, le grandissement et le développement des idéologies et des activités terroristes. Ainsi, il faut lutter non seulement contre les organisations terroristes actuellement présentes mais également contre les facteurs et les problèmes qui poussent les individus aux activités terroristes. Comme assécher les marécages est plus important que tuer seulement les moustiques, il faudra mettre en place d’une nouvelle politique de sécurité qui permettra de mener non seulement une lutte contre les terroristes mais également une lutte efficace et à long terme contre le terrorisme.