Entretien avec Elif COMOGLU ULGEN

Responsable chargé des affaires de securite au sein de l’Ambassade turque à Bruxelles.

Bruxelles, le 14.02.2006, 10h.00 – 12h.00

Question 1 : Quelle est la place ou l’importance de lutte contre le terrorisme dans l’UE ?

Réponse 1 : Après les attentats terroristes, notamment celles de Madrid et de Londres, l’UE a activé sa lutte antiterroriste. Un coordinateur, ancien ministre néerlandais a été nommé afin d’assurer un coordination parmi les Etats membres. En fait, l’UE a été fondée sur trois piliers qui se distinguent par le mode de décision employé, selon les domaines concernés : les communautés européennes, la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), et la coopération policière et judiciaire en matière pénale. La lutte contre le terrorisme intéresse tous ces piliers de l’UE. Cette dernière a une stratégie antiterroriste mais la Turquie ne fait pas partie directement de cette stratégie, car on n’est pas encore membre.

Question 2 : Quels sont les avantages (ou capacités) et les inconvénients de l’UE en matière de lutte contre le terrorisme ?

Réponse 2 : l’UE dispose d’une capacité vraiment importante. On parle d’une Union constituée des Etats riches, développés, démocratiques, intelligents etc. Quelques Etats, notamment le Royaume-Uni, la France et l’Espagne ont des expériences importantes en matière de lutte contre le terrorisme. De l’autre côté, l’UE vive des problèmes notamment en matière d’échanges d’information, car la lutte contre le terrorisme est encore un enjeu national pour les Etats membres. Les attentats de Madrid et de Londres ont bien montré ce type de problème. Les Etats membres ne peuvent pas intervenir comme un seul Etat. Ici, c’est le centre de vulnérabilité de l’UE.

Question 3 : Quelles sont les relations entre la Turquie et l’UE, en matière de sécurité ?

Réponse 3 : La Turquie dispose d’une capacité importante en matière de lutte contre le terrorisme et elle veut partager ses expériences avec les Etats membres de l’UE. Cependant, comme elle n’est pas membre de l’UE, les Etats européens ne lui demandent pas beaucoup. Nous, en tant que Turquie, nous participons volontairement à tous les programmes, aux projets, aux missions et aux travaux de l’UE. Nos fonctionnaires dans les missions de l’UE font vraiment des bonnes choses. Les responsables européens nous remercient pour notre ajout, cependant il est important d’adhérer à l’Union pour un ajout décisif.

Question 4 : Quel est / sera l’impact des politiques antiterroristes européennes sur la politique antiterroriste turque ?

Réponse 4 : Le processus d’adhésion de la Turquie changera beaucoup de choses en Turquie. Les deux piliers de l’UE, la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la coopération policière et judiciaire en matière pénale, nécessiteront une mobilisation et des modifications sur les politiques de sécurité. En fait, depuis des dizaines d’années, la Turquie fait partie du monde occidental (ONU, OTAN, Conseil de l‘Europe etc.) et participe aux activités (politiques, économiques et sociales) occidentales. En matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, il est possible de parler d’un impact bilatéral, car la Turquie est un candidat qui a une expérience non négligeable en la matière. De l’autre côté, je crois qu’il y aura également un impact sur la formation professionnelle. Nous aurons besoin d’offrir une bonne formation pour le personnel qui travaille dans des unités antiterroristes. Il faut ajouter également que la police est la principale institution opérationnelle dans la lutte contre le terrorisme, car c’est la police et la justice se trouve au cœur de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

Question 5 : Qu’est-ce qui a changé pour la Turquie dans la scène internationale, après le 11 septembre ?

Réponse 5 : Il faut d’abord préciser qu’il y a eu des changements importants dans l’UE. Après les attaques terroristes, notamment celles de Madrid et de Londres, les gouvernements européens ont pu facilement adopter des nouvelles lois et mobiliser leurs services concernés. Il a été très facile pour eux de persuader l’opinion publique européenne pour toutes les interventions. De l’autre côté, le 11 septembre 2001 a renforcé la légitimité de la Turquie dans la scène internationale. Avant le 11 septembre quelques Etats considéraient la lutte contre le terrorisme comme irrévérence contre les droits de l’homme et la Turquie rencontrait des difficultés en la matière. Apres le 11 septembre, la plupart des Etats ont découvert la réalité de la menace terroriste et ont accepté qu’il serait impossible de tolérer les activités terroristes. En fait, tous les Etats ne pensent pas encore même en matière de lutte contre le terrorisme, car les Etats les plus menacés, tels que le Royaume-Uni ou l’Espagne, sont plus sensible que les Etats moins menacées tels que la Belgique ou la Suisse.

Question 6 : On voit que les mouvements radicaux sont de plus en plus efficaces dans le monde. Selon vous, quelle sera l’idéologie la plus efficace pour les activités terroristes en Europe ? Et, quel rôle que la Turquie pourra jouer dans la lutte antiterroriste européenne ?

Réponse 6 : D’abord, je ne suis pas spécialiste de ce sujet, mais comme vous avez dit les mouvements radicaux peuvent influencer plus. Ensuite, en matière de son rôle, la Turquie a déjà joué un rôle important après le 11 septembre, notamment pendant le sommet UE - ONU- Organisation de la Conférence Islamique (OCI). La Turquie a également joué un rôle pendant les relations entre l’UE et OCI. Comme vous le savez, les organisations terroristes, notamment Al-Qaida, ne connaissent ni des règles ni des frontières. Par exemple, les terroristes qui résident en Afghanistan, ont des bons contacts avec les personnes qui résident à Paris, à Bruxelles ou à Berlin. C’est pour cette raison que les Etats et les services de sécurité ont besoin, d’une part, des bonnes pratiques et, d’autre part, d’échange d’information. Je crois que la Turquie aura assez de choses à partager avec les Etats européens.

Question 7 : Qu’est-ce que vous conseillez pour la police turque ?

Réponse 7 : Je crois que la formation, en Turquie et à l’étranger, est plus importante. Il faut envoyer les policiers à l’étranger, notamment à l’UE et aux Etats-Unis, pour la formation. Il faut que notre personnel voie les bonnes pratiques. La politique et la décision au niveau supérieur sont aussi importantes. Il faut mettre en place des politiques de sécurité qui permettront d’assurer un service de police plus dynamique, plus actif, plus démocratique et bien sur plus respectueux les droits de l’homme. Il y a des projets déjà programmés au sein des institutions européennes, notamment en matière de formation professionnelle. Il faut les suivre pour augmenter la qualité personnelle de la Police Nationale.

Question 8 : En conclusion… ?

Réponse 8 : En conclusion, si la police turque connaît une réussite dans sa lutte contre le terrorisme religieux, ce sera également une bonne pratique à prendre comme modèle pour l’Union, car l’UE surveille notre approche politique et opérationnelle contre le terrorisme. En matière de lutte contre le terrorisme, je pense que nous aurons des bons contacts avec les Etats européens pendant le processus de l’adhésion.