4- Grange

Le tableau des noms propres concernant l’œuvre romanesque de l’écrivain montre que la majorité des noms de personnages représentant l’armée dans Un balcon en forêt se forme depuis le phonème [v] : Vignaud, capitaine ; Verain, capitaine ; Hervouët, soldat ; Olivon, caporal ; Lavand, lieutenant. L’aspirant Grange, pour qui la guerre reste une possibilité et non une réalité, se trouve fatalement lié à celle-ci par un rapport graphique illustré à partir des graphèmes : G, R, E. La guerre qui paraît irréelle à Grange met fin à sa vie ainsi qu’à la quête de son identité. Dans le cas de cet anthroponyme, nous signalons que le transfert reporte le nom d’un lieu sur un personnage. En d’autres termes, le nom propre a pour origine « grange », un nom commun qui désigne un lieu clos servant à abriter la récolte. Ainsi l’onomastique renvoie-elle d’une manière ou d’une autre au grenier où Grange passe la première nuit à Mariarmé lors du jour de son arrivée. Si Albert et Aldo restent seulement dépourvus de nom de famille, Grange semble à la fois sans prénom et sans nom de famille. Toutefois ce n’est pas la seule fréquence dans Un balcon en forêt. Madame Tranet, la propriétaire du café des Plantes, dont le prénom indique le nom du Mont-Tranet, une hauteur que longe la route de Revin aux Hauts-Buttés, souligne une autre occurrence.

Les graphèmes G, R, A et le phonème sec K sont aussi la matrice de l’invention onomastique chez l’écrivain, ils trouvent la source dans le pseudonyme qu’il a choisi : Gracq. La diffusion graphique ou phonique s’élargit pour comprendre la création littéraire. Nous nous demandons si Gracq veut faire de Grange et de Gérard une préfiguration de lui-même ?