Chapitre 1
Parcours dans l’espace

I- Lieux d’errance : les routes

Il est évident que le parcours suscite aussitôt un chemin, une marche, un voyage ou une traversée. Lorsque les romans de Gracq commencent par un trajet, l’image du mouvement vient à l’esprit. Son importance provient du fait qu’il circonscrit les lieux de l’errance et qu’il assure l’exploration du lieu étrange. Moyen d’une appropriation discrète du monde, la marche permet en fait un contact intime du cosmos. Elle donne au marcheur accès au monde et à son chant. C’est un retour à l’écoute du monde qui met en sommeil les pensées et les paroles humaines. Ainsi Gracq n’hésite-t-il jamais à exprimer son admiration pour les parcours. Il manifeste constamment une sensibilité fine à tout ce qui s’attache aux éléments du paysage traversé par une route :

‘« À marcher ainsi seul sur les routes, une imprégnation se fait du pays traversé – mieux même que de ses bruits et de ses odeurs : de sa respiration, de sa sonorité – qu’aucun mode de locomotion ne permet […] Comme j’ai aimé, tout au long d’une fatigante journée de route, seulement de garder dans les oreilles la modulation du chant du monde, seulement voir le soleil monter, puis descendre sur la terre, et les petits pas d’homme, lointainement amicaux, inintelligibles, bouger sur elle »234.’

C’est dans la marche à pied que se fonde donc la relation de l’homme et du monde extérieur. Le passage-cité l’exalte bien à travers la mise en caractère différent de l’expression « petits pas d’homme ».

Notes
234.

GRACQ, Julien. Lettrines 2. Œuvres Complètes II. op. cit., p. 280.