1- Les objets emblématiques de la chapelle des abîmes

Au cours d’un parcours imprévu avec Herminien au cœur de la forêt de Storrvan, l’ancienne architecture de la chapelle démolie captive l’esprit d’Albert. Celle-ci l’attire tout d’abord par la disposition étrange de ses fenêtres qui invitent les visiteurs à la parcourir « de dehors en dedans »467. Les fenêtres, outre qu’elles renversent ici la fonction habituelle de l’ouverture, mettent en évidence la partie intérieure de la chapelle. Le caractère typographique différent à travers lequel ces termes sont mis ne les distingue pas seulement du reste du texte, mais il remet aussi en question ce lieu isolé. À l’entrée de la chapelle, une bouffée d’air froid et compact étouffe Albert et Herminien ; l’obscurité est totale et semble le seul habitant. Lorsqu’Albert pénètre dans sa profondeur, il se rend compte de l’usage anormal de ses fenêtres, tout en saisissant en même temps le secret de son enchantement. La chapelle déserte et enchantée enferme en effet dans son intérieur des objets étranges mais emblématiques. L’horloge de fer hérissant ses dangereuses armes sème l’effroi au fond d’Albert; tout comme la lampe « brillant au sommet de la voûte dans un verre rouge », le tombeau, le casque et la lance de fer qui contredit par son éclat l’ancienneté de la construction. La réunion de ces objets suscite « un grandissant malaise » chez Albert et impose à l’esprit la certitude d’une relation signifiante. « Leur intime et dangereux rapprochement » en ce lieu lui semble lié à quelque conjuration ancienne, il suggère « l’analogie [avec] quelque château enchanté par la menace des armes louches du Roi Pêcheur »468. La présence de ces objets symboliques crée, à cause de ses emblèmes guerriers et funèbres, un milieu mystérieux qui est en rapport direct avec l’intrigue. Ils renvoient de près ou de loin aux objets trouvés dans la chambre d’Herminien.

Insolite lieu de culte, la chapelle est un lieu élevé, « suspendu au-dessus des abîmes ». Elle s’avère « descendue dans les gouffres de la forêt comme dans un abîme sous-marin qui pressait ses parois de verre et de pierre de toute la violence de ses paumes fraîches »469. D’où le titre révélateur du chapitre « La chapelle des abîmes ». Quoiqu’il en soit, « l’éclatante désappropriation de toutes choses »470 semble avoir une fonction énigmatique.

Notes
467.

Le château d’Argol, p. 56.

468.

Le château d’Argol, pp. 54-56.

469.

Ibid., pp. 54-55.

470.

Ibid., 56.