Chapitre 3
L’intertextualité : un principe de l’écriture gracquienne

Vu que notre intérêt primordial se porte toujours dans cette partie sur le texte gracquien lui-même, nous trouvons la nécessité de définir la spécificité des différentes séquences textuelles qui le composent. Etant donnée une articulation d’unités, le texte se définit selon Julia Kristeva « comme un appareil translinguistique qui redistribue l’ordre de la langue, en mettant en relation une parole communicative visant l’information directe, avec différents types d’énoncés antérieurs ou synchroniques »648. De ce fait, le texte est conçu comme un travail inlassable de la langue, qui dans l’objectif de se construire redistribue sur l’étendue blanche de la page des mots déjà dits. Il est donc un lieu de rencontre de plusieurs autres textes. Ainsi le texte de Gracq se bâtit à partir d’un ensemble de fragments variés. Outre l’effet de la représentation, l’intertexte entraîne le texte gracquien à dialoguer avec le texte extérieur et à accepter son espace649. De ce fait, l’écriture de l’écrivain semble une composition de plusieurs écritures contemporaines ou plus anciennes. Nous sommes curieuse d’observer le jeu mobile des signifiants qui constituent le tissu de l’œuvre et qui jouent sur son espace textuel et romanesque.

Notes
648.

KRISTEVA, Julia. Séméiotiké : recherche pour une sémanalyse. Paris : Seuil, 1969. (Coll. Tel Quel). p. 113.

649.

Les formalistes russes sont les premiers qui s’occupent de l’idée du dialogue linguistique. Citons Mikhaîl Bakhtine auquel s’attache la notion du dialogisme inhérent au langage. Pour lui, « le dialogue n’est pas seulement le langage assumé par le sujet, c’est une écriture où on lit l’autre ». Ainsi naît l’idée du dialogisme défini par une écriture qui est à la fois « subjectivité » et « communicativité ». Cité par Julia Kristeva. Ibid., p. 149.