Conclusion

Parler de l’espace dans les récits de Gracq nous entraîne à examiner l’écriture qui lui donne forme. C’est pour cela que nous avons dirigé notre attention dans cette partie vers les petites unités de la phrase, c’est-à-dire vers les mots et les techniques de leur organisation sur la page. L’examen révèle trois procédés d’écriture permettant à l’écrivain de cristalliser ses réflexions. Le premier chapitre part d’une technique stylistique ancienne qui reste pour toujours la marque de la poéticité de la production littéraire. En termes plus directs, celui-ci prend la métaphore comme objet pour illustrer le rôle du discours métaphorique dans Au château d’Argol. Son importance provient du fait qu’il prévient le lecteur en avance de ce qui peut se passer ultérieurement. En suivant son développement dans ce livre, nous avons trouvé qu’il forme une fiction renforçant celle dégagée du discours littéraire. D’autre part, l’échange des traits spécifique entre les différentes isotopies de la langue contribue à la célébration du projet gracquien de la « plante humaine ». Le transfert de la qualité sémique aboutit à l’évidence à qualifier un objet par un autre. Tandis que le deuxième chapitre décèle les techniques de la picturalité adoptées par l’écrivain qui exprime le désir de se faire peintre et de rendre visible son écriture, le troisième prône un précédé purement littéraire épanoui dans le second moitié du XXe siècle : l’intertextualité. Cette technique trouve place dans l’écriture romanesque de Gracq et participe dans la création de son texte. Celui-ci s’avère composite, fabriqué du littéraire, du sacré et du mythique. Autrement dit, le texte de Gracq est un texte hétérogène. Il trouve son unité grâce à la répétition qui est l’origine de l’autotextualité, voire l’élément fondateur ou plutôt producteur de l’œuvre gracquienne. Intertextualité et autotextualité jouent donc sur l’espace textuel qui semble l’effet de cet amalgame hétéroclite. Accepter l’espace textuel de l’autre, c’est intégrer ses signifiants dans les fibres du sien et dialoguer avec lui. Ainsi, l’espace textuel de Gracq tisse-t-il un rapport étroit avec tous les textes introduits sur sa surface. Ce métissage conduit par conséquent à la création d’un nouvel espace composé des éléments différents. De ce fait, nous pouvons considérer le texte gracquien comme une mosaïque de citation, de transformation et d’absorption des textes étrangers. Nous nous demandons ici si l’écrivain, après avoir conçu la vanité de sa recherche d’espace de désir, préfère se réfugier dans l’espace littéraire.