13. L’altérité : façades et profondeurs

Nous nous consacrerons dans le présent chapitre à notre troisième paradoxe, que le poète connaît dans sa quête intérieure à la rencontre de l’Autre, celui des façades et des profondeurs. Le paradoxe qui oppose surface et profondeur est très important chez nos poètes. Il revient souvent dans des images reliées à la profondeur de la mer ou des lacs et des étangs avec toute la peur qu’elle provoque, ou à l’écume, aux vagues, ou tout simplement à la surface, à la « page » de l’eau ou aux façades et aux apparences. Des mots comme « creuser », « creusement » reviennent souvent pour illustrer ce fait là également. La froideur est souvent une caractéristique des surfaces, un côté mort, non vivant, repoussant et figé ou bien simplement beau dans l’artifice et sous le verni, alors que ce qui mérite d’être connu et qui est en-dessous, dans les profondeurs justement, ne demande qu’un effort et le désir d’aller à lui.

Dans les profondeurs, est très souvent récurrente l’image de la fraîcheur, de la source, de la racine, de ce qui est là depuis toujours, qui est ancien comme le temps, mais qui se révèle à nous parfaitement neuf. Et se pencher sur ces profondeurs-là, c’est comme se mirer, comme avec un miroir, dans les eaux de la source claire et y voir à l’intérieur de soi ce que nous ne connaissons pas de nous, y voir apparaître quelque chose du visage « autre », d’une part de nous, que nous ignorons encore et toujours. Pour mieux comprendre, nous allons tenter de pénétrer le secret des façades et des profondeurs telles qu’elles apparaissent chez nos trois poètes par rapport aux personnes qu’ils évoquent, aux lieux ou aux objets. Et nous pourrons donc voir à quel point elles exercent une exclusion ou au contraire une hospitalité, une angoisse ou un apaisement devant l’Autre qui nous est soit attrayant, soit repoussant. Et comment, bien sûr, le vocabulaire s’y prête dans les trois univers poétiques que nous traitons.