B) Nerval et l’Orient historique

L’auteur du Voyage en Orient ne prétendait aucunement faire œuvre historique, pas plus qu’il n’entendait exposer en savant les traits principaux des sociétés arabes. Par conséquent il ne faut jamais perdre de vue que Nerval est tout simplement un voyageur intelligent et souvent bien informé. Nous savons qu’avant d’entreprendre son périple et que durant son séjour oriental, Nerval a lu les ouvrages qui pouvaient le renseigner sur les pays qu’il visita, Bernadette Alameldine nous apprend quelles lectures fit Nerval pour se documenter au sujet de son voyage :

‘« Gérard de Nerval n’a, pas moins que ses prédécesseurs, utilisé des sources livresques pour rendre compte de ses itinéraires orientaux, entre autres : la Bibliothèque Orientale ‘1697’ d’Herbelot et les recherches de Devisme concernant les conceptions cosmogoniques et ésotériques développées dans le Voyage et, sur le plan plus touristique, l’ouvrage de Lane, Customs of the Modern Egyptians dont il s’inspire directement pour décrire des scènes de vie quotidienne en Egypte et en Syrie, Les Pérégrinations en Orient ‘1840’ d’Eusèbe de Salle et le Voyage sentimental de Sterne. Mais le rapport de Nerval à l’Orient semble, sur de nombreux points, se différencier de celui des autres écrivains de l’époque, français, anglais, ou allemands »422

C’est donc un touriste averti, lequel se double d’un homme cultivé, qui franchit la Méditerranée et parcourt l’Egypte, le Liban et la Turquie de Janvier à octobre 1843. Il serait excessif d’avancer que l’histoire joue un grand rôle dans le récit de Nerval. Cependant, elle y occupe une place qu’il ne convient pas de négliger.

Il nous a paru nécessaire de distinguer d’abord entre les différentes époques de l’Orient historique évoquées par Nerval. Nous appellerons, « ancienne », la période qui commence à l’avènement de l’Islam et s’achève au douzième siècle, avec l’apparition de Saladin, et nous nommerons, « moderne », la période qui commence au dix-septième siècle et se continue jusqu’au moment où Gérard de Nerval vint en Orient, soit le milieu du dix-neuvième siècle.

Nous rendrons, par conséquent, compte de l’Orient historique chez Gérard de Nerval de la manière suivante : premièrement, le passé et, dans ce passé, Nerval s’est intéressé presque uniquement à un personnage de l’histoire de l’Orient, le Calif El-Hakem, le fondateur de la religion des Druses ; deuxièmement, le présent, et, dans ce présent, ce à quoi s’est attaché l’écrivain, c’est-à-dire l’état de la Turquie au dix-neuvième siècle.

Notes
422.

Bernadette Alameline, « l’Orient de Nerval, voyageur sans bagages », art. cit, p. 23.