L’Orient école d’énergie spirituelle

Nous avons dit que Barrès avait longuement rêvé de l’Orient avant de s’y rendre et il l’a vu trop tard pour rien changer de l’idée qu’il s’en était faite. Il est donc assez naturel que l’Enquête aux pays du Levant soit une somme de toutes les notions qu’il avait, en imagination, associées à l’Orient. Les notions « Orientales » de Barrès se repartissent en deux catégories. Les unes plongeaint leurs racines à l’intérieur de son âme. Les autres provenaient de sources extérieures. Si quelque doute persistait à ce sujet, la démonstration d’Ida-Marie Fandon, dans sa thèse sur l’Orient de Maurice Barrès 527 , le dissiperait sans retard.

Il faut rappeler ici qu’au Levant, Barrès avait pour mission officielle de visiter les établissements français. Il voulait aussi pénétrer le mystère et s’il se pouvait, le rendre intelligible. « L’éducation de l’âme, c’est la grande affaire, qui m’a préoccupé et attiré toute ma vie »528. Donc, la cause officielle du voyage, le « nationalisme », n’était peut être pas la plus importante. Barrès allait enquêter aussi sur le mysticisme oriental. En Orient, il fut surtout préoccupé par les Assassins. Depuis les années de collège, leur nom l’avait ému et il était rattaché à celui des Croisades. Cette émotion accumulée avec le temps, s’est libérée en explosion d’enthousiasme sur la terre orientale.

Il est clair, que pour bien comprendre ce caractère, ce mysticisme de l’Orient, pour satisfaire aussi un rêve et un désir personnels, Barrès a accompli deux des parties les plus pénibles de son voyage : l’excursion dans les monts Ansaryés et le voyage à Konia, véritables pèlerinages, l’un aux châteaux des Assassins, l’autre au tombeau de Djélal-eddin Roumi. Pour obéir à ses désirs profonds, peut être à un instinct secret, Barrès ira jusqu’au Levant comme « un pèlerin d’Occident », comme « un pèlerin du mystère » ; on peut dire que Barrès subit l’attrait de l’Orient et y répond. Ce qui le retient, c’est tout un musée tératologique, les Châteaux des Assassins, perdus dans la montagne, les derviches tourneurs et leurs méthodes d’intoxication. Dans les pages suivantes, on va découvrir les châteaux des Assassins et l’histoire des danseurs mystiques.

Notes
527.

Ida-Marie Frandon, L’Orient de Maurice Barrès, étude de genése, op. cit.

528.

Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, t. I, op. cit., p. 4.