1.1 Concept du besoin en information

Même s’il n’existe pas de définition du concept qui soit universellement reconnue, le « Dictionnaire de l’académie française», distingue deux catégories majeures de besoins : « les besoins nés de la sensation ou du sentiment d’une privation actuelle ou virtuelle, nécessiter de se procurer un élément vital et un besoin comme une exigence née la vie sociale qui suscite chaque jour de nouveaux besoins, factices artificiels » 150.

Quant au dictionnaire de Langue Française « Le Robert »151, il distingue :

  • Les besoins innés ou naturels ou physiologiques sont inhérents à la nature de l’organisme et deviennent très importants quand ils ne sont pas satisfaits.
  • Les besoins acquis, quant à eux, naissent des interactions entre les êtres humains, lesquelles suscitent la création de valeurs Les besoins dépendent de l’expérience des membres d’une société, des conditions de l’environnement, des valeurs véhiculées par cette société.

Dans le contexte de l’analyse des besoins, la définition opérationnelle la plus répandue est celle qui considère le besoin comme un « écart entre une condition désirée, acceptable et une condition observée »152.dans le cas des agriculteurs, le problème du besoin en information est plus complexe, car d’une part, l’agriculteur a une perception très vague de son besoin en information où pense parfois n’avoir pas besoin d’information. Abordant le besoin d’information en rapport avec l’état des connaissances de l’individu, Le Coadic Yves-François, note que « le besoin d’information traduit l’état de connaissances dans lequel se trouve une personne lorsqu’elle est confrontée à l’exigence d’une information qui lui manque, d’une information qui lui est nécessaire pour poursuivre son activité »153. Cette connaissance peut être un savoir et/ou un savoir-faire traditionnel, dans une situation qui implique des connaissances modernes indispensables à l’introduction de l’innovation au niveau de l’exploitation 154.La question qui se pose par rapport à l’agriculteur c’est la validation de ses connaissances, leur modernisation. Aussi, la démarche du service de vulgarisation consisterait à faire l’inventaire des problèmes que peut rencontrer l’agriculteur durant ses activités professionnelles et définir les opportunités de services à lui proposer155 afin d’allez au devant du besoin en information généralement non exprimés. Aujourd’hui, le besoin d’information s’est considérablement accru tout en entraînant une évolution des usages156. Le service de vulgarisation doit agir en concertation avec les agriculteurs pour définir leurs besoins en information et les encourager à progresser et acquérir de nouvelles connaissances. La mise à leur disposition de produits et services adaptés peuvent les aider à construire des connaissances dans le domaine des contenus concernés par leurs activités 157. La modélisation des usagers permet de répartir leurs besoins en information par profil afin de leur faire correspondre les sources d’information appropriées. Dans le secteur agricole algérien, très peu d’études des besoins en information des agriculteurs ont fait l’objet de travaux universitaires, hormis quelques unes relatives à la vulgarisation de certaines techniques ou productions, qui soulignent l’usage limité de l’information. Ces études portaient précisément sur le phénomène « vulgarisation » sans mettre en perspective critique les démarches suivies. Dans ce contexte, se pose le problème des contenus et des technologies de l’information et de la communication choisis jusqu’aujourd’hui. En effet, les dispositifs mis en place en matière de produits et services en information ont-ils été conçus avec les agriculteurs et en fonction de leurs besoins et attentes ?

Les méthodes d’appui mises en œuvre, ajoutées à l’analphabétisme de la majorité des chefs d’exploitation, qui dans les douars ou régions les plus reculées du pays sont dépourvus des technologies de l’information (télévision, téléphone) n’ont pas favorisé l’expression de besoins en information. En général, ce qui conduit un individu à rechercher de l’information, c’est l’existence dans un contexte donné d’un problème à résoudre, d’un objectif à atteindre et le constat d’un manque de connaissances qui va générer un besoin d’information 158.

Chez l’agriculteur, ce besoin d’information n’est pas lié au problème du manque de connaissances qui se pose, mais plutôt, à celui de mise à jour et de renouvellement de ses connaissances. C’est à travers le processus de gestion et de production au niveau de l’exploitation qu’il doit en principe s’exprimer. Pour cela, il faut d’abord, un système d’information réfléchi avec l’ensemble des utilisateurs. Les mécanismes de transfert de l’information doivent garantir une mise à disposition d’une information utile et pertinente en parfaite synergie avec les attentes de l’agriculteur. Les recherches sur la résolution des problèmes (ainsi que sur l’analyse des processus heuristiques, sur la créativité) ont mis en évidence une typologie de problèmes et la nécessité d’une analyse des tâches. La recherche d’une réponse à un problème conduit d’une façon générale à la recherche d’une information qui permettra de le résoudre159.

Pour l’agriculteur, ce besoin d’information est intrinsèquement lié au type d’activité qu’il effectue à travers les différentes phases de production. Dans ce contexte, Le Coadic Yves-François, 1997 rappelle « que pour analyser le besoin d’information, il faut aller chercher les données sur les lieux de travail…, il faut saisir l’usager dans son environnement professionnel »160.

Le Coadic Yves François, rappelle également que, « le besoin d’information est lié au contexte, de la situation, de l’environnement qui l’a créé et de l’individu qui l’a perçu. Il est donc sociologiquement et psychologiquement déterminé. Pour lui, les déterminants sociologiques ont une triple origine :

  • L’organisation ou le groupe des organisations dans laquelle travaille l’usager ;
  • La discipline où les disciplines, domaines champs dans lesquels il se positionne ;
  • Le système culturel ou les systèmes culturels dans lesquels il vit »161

Dans une recherche sur les pratiques d’accès à l’information, Thivant Eric et Bouzidi Laid, ont mis l’accent sur l’intérêt d’un nouveau cadre théorique et méthodologique «orienté activité», pour décrire ces pratiques d’accès à l’information. Ce nouveau cadre s’appuie sur l’hypothèse selon laquelle l’activité influence directement les pratiques d’accès à des professionnels … et propose deux méthodes d’entretiens spécifiques qui prennent en compte la spécificité de la notion d’information pour un milieu professionnel et pour une activité donnée162. Cette réflexion constituera notre base de référence. Dans ce qui suit, nous définissons des pré-requis qui mettent l’agriculteur au centre du processus de communication. Cependant, cette démarche demeure insuffisante si on ne reproblèmatise pas la nature des missions de l’information dans le développement agricole et rurale. Les évolutions remarquables de la communication agricole sur le plan mondial peuvent aisément être mises à profit pour lever les contraintes qui limitent la communication dans le secteur agricole algérien.

L’approche de l’information telle que nous la concevons considère l’agriculteur comme un acteur qui intervient dans toute la chaîne de l’information. Ainsi, dans la perspective que nous retenons, l’agriculteur participe en amont à la conception du système d’information163 et produit en même temps de l’information. En aval, il consomme de l’information, évalue, réagit et décide des contenus et propose enfin à la recherche et à la vulgarisation des recentrages sur les sujets développés ou de nouveaux thèmes à prendre en charge. Cette manière d’envisager ce positionnement de l’agriculteur comme acteur à part entière du système d’information nous conduit à :

  • Analyser les différents types de décisions que l’agriculteur est appelé à prendre dans le cadre de ses activités ;
  • Diversifier les sources d’information mises à sa disposition à la fois par l’origine, le contenu et les supports ;
  • Mettre à sa disposition des outils lui facilitant l’observation et d’analyse de son exploitation, en encourageant les enquêtes culturales, car chaque exploitation est un champ d’essai, et chaque essai que fait l’agriculteur est une source considérable d’information ;
  • Encourager les approches d’information et de la communication qui l’aident à choisir parmi les solutions proposées, les moyens utilisés ne doivent pas se substituer à lui pour la prise de décision ;
  • Faire de l’information un moyen de sa formation164.

La prise en compte de l’ensemble des éléments cités serait une approche réductrice, si on ne s’interroge pas sur le sens du métier d’agriculteur dans ses dimensions économique, technique sociale et culturelle.

Notes
150.

Dictionnaire de l’académie française. (Page consultée le 14 septembre 2006). Adresse URL : http://atilf.atilf.fr/Dendien/scripts/generic/showps.exe?p=main.txt;host=interface_academie9.txt

151.

Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française de Paul Robert. Paris, Ed. Le Robert, 1987, p. 458

152.

Le Coadic Yves. Le besoin d'information : formulation, négociation, diagnostic. ADBS, 1998, p.12.

153.

Le Coadic Yves. Le besoin d'information : formulation, négociation, diagnostic. ADBS, 1998, p.12.

154.

Idem, p.12.

155.

Muet Florence. Analyser les besoins d’un public cible…oui, mais comment ? Documentaliste : sciences de l’information, n°1, février 2008, p.40

156.

Le désengagement de l’état du secteur agricole, la multiplication des acteurs intervenant dans le secteur agricole et l’introduction de nouveaux supports de l’information (Internet, document numérique…) ont fait émergé de nouveaux besoins en information avec de nouveaux usages.

157.

Etude socio-cognitive des usages du multimédia : [second rapport intermédiaire]. ERIHST-CERAT, 1996.

158.

Baudrillard J. Le miroir de la production. Casterman, 1973.

159.

Le Coadic. Yves. Le besoin d’information : formulation, négociation, diagnostic. ADBS, 1998, p.17.

160.

Le Coadic. Yves. Le besoin d’information : formulation, négociation, diagnostic. ADBS, 1998, p.17.

161.

Le Coadic. Yves. Le besoin d’information : formulation, négociation, diagnostic. ADBS, 1998. p. 24

162.

Thivant Eric, Bouzidi Laid. Les pratiques d’accès à l’information : le cas des concepteurs de produits de placements financiers. (Page consultée le 14 septembre 2006). Adresse URL : http://campus.hesge.ch/ressi/Numero_2_juillet2005/articles/HTML/RESSI_009_ETLB_Pratiques.html

163.

En participant à la définition des produits et services à mettre en place, au choix des contenus et supports d’information

164.

La majorité des chefs d’exploitation sont analphabètes, pour remédier à cette situation des organisations internationales telles que la FAO prônent l’utilisation de l’information comme moyen de lutter contre l’analphabétisme. Les supports audio-visuels, dont la télévision et la radio rurale, et autres supports multimédias peuvent être utilisé.