3.12.2 Application de l’information diffusée par les mass-médias

Pour rappel le contenu des messages radios est élaboré par les instituts techniques, chacun dans son domaine de spécialité et produit par l’INVA, il est utilisé à deux niveaux :

Sur le plan de la géographie agricole du pays, il faut signaler un dysfonctionnement dans la production d’émissions et leur diffusion, les radios de certaines régions dont le potentiel agricole n’est pas important émettent plus que d’autres.

L’animation des émissions est confiée à des personnes généralement qui n’ont de formation ni en agronomie et encore moins en techniques de communication, ce qui réduit l’impact de l’information diffusée auprès des agriculteurs. Le bilan synthétique des activités de vulgarisation agricole pour l’année 2005, reflète l’insuffisance de la production :

Tableau 92 Application des conseils radiophoniques
Tableau 92 Application des conseils radiophoniques

63,2% d’agriculteurs déclarent ne pas appliquer le contenu des messages radiophoniques, ce chiffre montre que le processus d’introduction d’une nouvelle technique chez l’agriculteur est complexe, parmi les facteurs de motivation, l’observation des résultats chez un autre agriculteur s’avère importante.

Tableau 93 Rapport entre « Application des conseils radio » et «Durée du métier»
Tableau 93 Rapport entre « Application des conseils radio » et «Durée du métier»

La formation agricole et la durée du métier sont des facteurs de différenciation déterminants dans l’application des messages radiophoniques. Les agriculteurs qui déclarent les appliquer ont une formation en agriculture et une durée du métier qui se situe entre 5 à 10 ans et < à 5 ans. Cela s’explique par le fait que les jeunes sont plus aptes à comprendre les contenus des messages. Cependant, si la majorité des agriculteurs n’applique pas les informations diffusées par les médias et autres supports de communication, les responsables chargés de la vulgarisation doivent s’interroger sur la pertinence des méthodes de la communication utilisées. Les pratiques de communication basées sur la transmission des messages ont montré à travers le monde leurs limites. Il n’est plus possible aujourd’hui de demander à l’agriculteur de mettre en application les informations ou les conseils mis à sa disposition, sans qu’il soit associé au débat autour de la valeur de la technique communiquée par le biais de l’information. Selon, Bessette Guy 271 : « l’adoption d’une technique agricole plus efficace, par exemple, ne se réduit pas à un problème d’information. Il s’agit d’un processus complexe qui comporte plusieurs étapes. Cela demande d’abord une prise de conscience par les paysans d’un problème de productivité, des débats d’idées sur la valeur des techniques utilisées et la détermination d’un besoin d’informations portant sur d’autres techniques. C’est à ce moment qu’il convient de rendre l’information accessible et de soumettre celle-ci à la discussion puis à un processus de prise de décision concernant sa mise à l’essai».

L’étude des sources d’information utilisées par les agriculteurs montre leur besoin de multiplier les supports à des fins de comparaison. A ce propos, dans une étude sur les usages de l’audiocassette comme support de communication dans le milieu agricole, (Philippe Mallein et Claire Weulersse, 1985)272 définie les modalités d’application de l’information par l’agriculteur par ce qui suit « Pour l’agriculteur, l’intérêt de l’information se définit, du point de vue du contenu par tout moyen de comparaison et d’identification selon les modalités particulières des différentes expériences…l’agriculteur cherche dans ces informations la rencontre avec des profils diversifiés d’exploitants agricoles. Ces informations l’aident à identifier son identité au sein même du groupe ».

Tableau 94 Fréquence d’utilisation des messages et spots radiotélévisés / application des conseils radio
Tableau 94 Fréquence d’utilisation des messages et spots radiotélévisés / application des conseils radio

Ce sont les agriculteurs qui utilisent le plus les messages radiotélévisés qui mettent le plus en pratique les conseils diffusés par la radio. Ce tableau montre une dépendance significative entre les réponses à « utilisation souvent les messages et spots radio/TV » et « Application des conseils radio ». Par ailleurs, 73 agriculteurs utilisent rarement les messages et spots télévisés et n’appliquent pas les conseils radio.

Tableau 95 Origine des conseils utilisés
Tableau 95 Origine des conseils utilisés
Figure 3 Origine des conseils utilisés
Figure 3 Origine des conseils utilisés

Seules deux radios « chaîne nationale1 et radio El-Bahdja » diffusent des informations qui ont convaincus les agriculteurs de mettre en pratique les informations diffusées. Il faut souligner que ces deux radios cumulent une expérience non négligeable.

Tableau 96 Non utilisation des messages radio
Tableau 96 Non utilisation des messages radio

Des études faites sur l’impact des mass-médias dans le processus d’introduction des nouvelles techniques ont abouti à des résultats mitigés. Une enquête réalisée en 1995 par l’INVA273 aboutit à la conclusion que : « ceux qui déclarent appliquer les conseils donnés par les spots radiophoniques sont à peu prés en nombre égal avec ceux qui déclarent ne pas les appliquer ».Concernant le même sujet, Abdelmoutaleb Mohamed274, dans une étude concernant l’impact de la vulgarisation sur les pratiques des éleveurs de bovins laitiers, remarque la faible participation des mass-médias au processus de transfert de l’innovation. Dans le domaine de l’élevage, seuls 3,7% des éleveurs déclarent avoir appris les techniques d’élevage par ce biais ; Par groupe de technique, l’auteur note le faible pourcentage d’agriculteurs qui utilisent les informations diffusées par la télévision et/ou radio :

  • Technique de l’ensilage : 0,00%
  • Habitation d’élevage : 8,33%
  • Choix des espèces fourragères
  • Plan parcellaire : 15,38%
  • Travail du sol : 7,14
  • Irrigation des fourrages : 9,52%
  • Ensilage : 0 ,00 %

L’auteur conclu que le faible impact des mass médias dans la transmission de l’innovation technique est dû à la complexité de certaines techniques, qui ne peuvent être médiatisées sous forme de spots télévisés ou radiophoniques et même si c’est le cas, l’efficacité du message sera réduite. Ces résultats confirment celles de notre enquête, à savoir que même si un pourcentage appréciable suit les informations diffusées par les mass médias, leur intégration professionnelle demeure un objectif à atteindre. Alors que la performance du processus de diffusion de l’information, se mesure par le niveau d’appropriation de celle-ci par les usagers. Hors, dans notre étude, l’information qui parvient chez l’agriculteur n’est pas intégrée dans le processus de production et de développement de l’exploitation. Les réponses des agriculteurs sont suffisamment significatives : la majorité ont répondu « je préfère utiliser les techniques que je connais » ; « les solutions coûtent chères, d’où la nécessité d’une approche de la vulgarisation qui tient compte des savoirs de l’agriculteur et en adéquation avec ses conditions socio-économiques.

Encore une fois on relève les contradictions du système de communication agricole : face à des besoins et attentes différenciés en fonction des critères d’âge, de durée du métier, du niveau d’instruction, du statut professionnel, des conditions socio-économiques…. On propose aux agriculteurs une communication de masse standardisée, alors que la pertinence d’un contenu informationnel est appréciée à sa capacité de prendre en considération les besoins et attentes des destinataires de l’information

Notes
271.

Bessette Guy, 2004. Un cadre conceptuel et méthodologique de la communication pour le développement. Document 4. Page consultée le 7juillet 2006

Adresse URL : http://www.idrc-ca/fr/ev-29848-201-1-DO_TOPIC.html

272.

Mallein Philippe, Weulersse Claire. L’audio-visuel et le local invisible : une expérience de production d’audio-assettes en petites régions rurales. BBF, 1985, Paris, t. 30, n° 3-4, 6p.

273.

Bureau national d’études pour le développement rural. Alger. Traitement de l’enquête impact spots TV. Alger , INVA, 1995. 18p. 

274.

Abdelmoutaleb Mohamed. Impact de la vulgarisation sur les pratiques des éleveurs de bovins laitiers. Alger, INA, 2003, 212p. Mémoire magistère : Agronomie : Alger : 2003