Introduction

Le XXe siècle voit le jour en 1914 dans les tranchées de l’enfer de la Première Guerre mondiale ; le XXIe, lui, est inauguré en 1999 dans les rues de Seattle au moment où une importante réunion de l’Organisation mondiale du commerce est perturbée par des milliers de manifestants. Du moins, c’est ce que Le Monde annonce le 7 décembre 1999 en première page : « Le XXIe a commencé à Seattle ». Plus exactement, c’est Edgard Morin qui l’affirme car cet appel de Une renvoie à une longue tribune du sociologue que le quotidien du soir accueille dans ses pages « Horizons-Débats » : « Ce qui a surgi à Seattle, c’est la prise de conscience que le contrôle de la mondialisation ne peut s’effectuer qu’au niveau mondial » ; et de constater qu’« il s’est constitué de façon quasi spontanée à partir d’associations, d’ONG, d’expériences locales, une internationale civile ».

La foule hétéroclite et bigarrée qui se rassemble dans les rues de Seattle pour affirmer qu’un autre monde est possible porte en elle de nombreux d’espoirs. C’est que beaucoup ont envie d’y croire et nombre d’analystes, des plus sérieux aux plus obscurs, y projettent leur propres attentes, rêves et utopies. Une communauté citoyenne, porteuse d’une conscience planétaire, qui se réunit et affirme à la face des puissants sa volonté de se réapproprier les grandes orientations politiques, économiques et culturelles du monde, c’est une révolution. Et celle-ci est festive, colorée, assez positive pour ne pas être effrayante.

L’objectif du travail proposé n’est ni d’apprécier le potentiel émancipateur de ce que l’on nomme après Seattle « l’antimondialisation », ni la réussite ou l’échec d’un mouvement renommé « altermondialisation » à partir de 2002. Notre objectif est d’étudier le traitement médiatique que la presse française applique à l’antimondialisation comme mouvement, acteur et discours. Pour autant, la finalité n’est pas d’évaluer si ce traitement est positif ou négatif, s’il est juste ou injuste ou s’il contribue à un reflet fidèle ou trompeur de l’antimondialisation et de l’altermondialisation.

Notre but est de comprendre comment l’antimondialisation et l’altermondialisation s’inscrivent comme événement dans l’espace public médiatisé et comment, par la suite, la presse a contribué à la reconnaissance d’un nouvel acteur politique, porteur d’un discours social spécifique dont nous nous attachons, en dernière analyse, à évaluer la capacité à s’inscrire au sein de la discursivité sociale.