Notre travail s’attache aux médias et, plus spécifiquement, à la presse écrite, en ce qu’elle diffuse du sens. Face au monde phénoménal, les journalistes doivent produire du sens susceptible d’être partagé que le langage, comme médiateur, vient temporairement figer au sein des processus de communication. Dans leur face à face avec le monde, les journalistes usent des mêmes procédés que l’individu lambda face à une situation de la vie quotidienne. Car l’expérience n’est pas le fruit d’une contemplation du monde mais le produit d’un processus d’organisation dynamique d’une réalité phénoménale informe. C’est par l’objectivation que la réalité prend forme et gagne une cohérence qui peut être éphémère et précaire aussi bien que figée. Ces processus d’objectivation rendent possible le partage d’une commune réalité et par là même la possibilité d’une vie collective et sociale. Les subjectivités convergent en effet vers une réalité commune, un monde commun qui offre appui à l’action aussi bien individuelle que collective. A la suite de Jean-Pierre Esquenazi, nous proposons donc de généraliser la pratique cognitive et quotidienne de production de sens par l’individu à la pratique journalistique87.
Dès lors, nous ne pouvons nous soustraire à une réflexion sur le langage, son rôle constituant, le rapport qu’il entretient à la réalité. Dans notre travail, l’approche phénoménologique de la production d’un monde d’objets -d’artefacts- communs constitue le socle théorique indispensable à l’élaboration de notre conception des discours de presse. Elle constitue également la perspective privilégiée par Erving Goffman quand il forge son concept de cadre, concept que nous présentons dans la seconde partie de ce parcours théorique. Celui-ci offre la possibilité de concilier une approche constructiviste et structuraliste des discours médiatiques, double dimension du cadre que nous confronterons dans cette thèse au traitement médiatique de l’altermondialisation.
ESQUENAZI 2002