I.2. D’un constructivisme radical…

Sous l’impulsion, notamment, de l’ethnométhodologie d’Harold Garfinkel90, de la phénoménologie de Peter Berger et Thomas Luckmann et de la sémio-sociologie d’Erving Goffman, l’étude des dynamiques de la communication a largement favorisé, contre le bon sens ordinaire, l’approche constructiviste qui, selon l’un des pères du constructivisme, Ernst Von Glaserfeld, témoigne :

‘« [..] d’une rupture avec la notion traditionnelle selon laquelle toute connaissance humaine devrait ou pourrait s’approcher d’une représentation plus ou moins « vraie » d’une réalité indépendante ou ontologique.»91

C’est un renouvellement d’objet et de méthode : d’une sociologie dite structurelle à une sociologie interprétative. Tous s’attachent aux processus par lesquels les individus, dans leur vie quotidienne, accordent du sens à leurs expériences et en tirent des conclusions quant aux actions à entreprendre.

C’est également une approche dynamique et interactive de l’ordre social, comme construction précaire, qui accorde son attention aux interprétations des acteurs. Il s’agit de définir les « processus primaires de conceptualisation »92 qui sont à la base même de l’interprétation permanente du monde. Pour Paul Watzlawick , la construction, « l’invention », dit-il n’est que le fruit de la subjectivité du sujet. Il inscrit sa pensée dans une théorie de l’action :

‘« Toute prétendue réalité est, au sens le plus immédiat et le plus concret, la construction de ceux qui croient l’avoir découverte et étudiée. Autrement dit, ce qu’on suppose découvert est en fait une invention, mais l’inventeur n’étant pas conscient de son acte d’invention, il la considère comme existant indépendamment de lui. L’invention devient alors la base de sa conception du monde et de ses actions. »93

Ces constructions/interprétations/inventions répondent à la nature phénoménologique de la réalité : un flux sur lequel l’individu ne peut avoir de prise sans un processus cognitif visant à lui fournir des repères et des codes de compréhension. Autrement dit, la contemplation du monde ne peut pas constituer le processus d’attribution du sens, ni une démarche compréhensive du monde, ni l’origine de l’action (réfutation du modèle mécanique stimuli/action).

Notes
90.

Notons le refus de certains auteurs d’inscrire l’ethnométhodologie dans la galaxie constructiviste ; notamment : CHANIAL Philippe « L’ethnométhodologie comme anticonstructivisme », DE FORNEL Michel (et al.), L’ethométhodologie. Une sociologie radicale, Paris : La Découverte, 2001, p. 298-314

91.

GLASERFELD Ernst Von, « Pourquoi le constructivisme doit-il être radical ? », Revue des sciences de l’éducation, vol. XX, n°1, p. 21-27, 1994, p. 22

92.

MUCCHIELLI Alex, NOY Claire, Etude des communications : approches constructivistes, Paris : Armand Colin, 2005, p. 23-25

93.

WATZLAWICK Paul, L’invention de la réalité, Paris : Le Seuil, 1980, p. 10