III. Premières approches du cadre

L’apport combiné de l’approche phénoménologique de la réalité et des travaux, principalement de Louis Quéré, sur le rôle constituant du langage encourage donc, d’une part, à nous dégager d’une perspective de la représentation, d’autre part, à nous attacher prioritairement aux processus qui mènent à une connaissance et à une réalité sociale partagées au sein de l’espace des discours de presse. C’est qu’à la lecture des journaux du matin, le lecteur perçoit plus de commun que de distinctions. Certes, les différents titres de presse diffusent des discours qui leur sont propres (distinctions en termes de contrat, de lignes éditoriales, d’idéologie…) mais, pour exister socialement, ils ne peuvent que s’inscrire dans la perception partagée d’un monde commun, d’une réalité sociale partagée. Sans ce commun, il n’y aurait d’ailleurs plus de sens à étudier les distinctions de traitement.

L’importance accordée aussi bien par Alfred Schütz, puis Peter Berger et Thomas Luckmann, que par Louis Quéré à la typification de l’expérience, encourage à percevoir dans le concept de « cadre » une ressource pour l’étude de la contribution des médias à la réalité sociale. L’interprétation d’un processus, d’un phénomène, d’une occurrence du monde sensible est basée sur une réserve d’expériences, un stock de connaissances. Ceci est valable aussi bien pour l’individu dans sa vie quotidienne que pour le journaliste dont la charge est de proposer une lecture du monde. En effet, l’ensemble des processus qui visent l’organisation sociale de la connaissance et de l’expérience sont réalisés à « toutes fins pratiques » au sens où ils rendent le monde racontable et discutable. L’idée selon laquelle le monde est rendu signifiant par des processus de typification est sans doute l’apport essentiel de la pensée d’Erving Goffman dans Les Cadres de l’expérience 159 .

Notes
159.

GOFFMAN Erving, Les cadres de l’expérience, Paris : Editions de Minuit, 1991