III.2. Les cadres et l’analyse des médias : de quelques travaux

Largement anglo-saxonne, l’analyse des cadres a essaimé dans la majorité des disciplines relevant des sciences sociales : anthropologie, sociologie, sciences cognitives…168 La diversité des auteurs, de leur ancrage disciplinaire, de leur perspective explique l’absence de consensus clair sur les questions aussi basiques que celles de sa définition –qu’est-ce qu’un cadre ?- ou de son fonctionnement –comment le cadre offre du sens ? comment le sujet use des cadres ? Toutes ces approches s’accordent néanmoins sur la capacité de l’analyse des cadres à traiter de la production du sens dans l’espace social.

Les réflexions les plus systématiques et les plus approfondies se trouvent, sans nul doute, en sociologie de la mobilisation et, plus spécifiquement, chez les auteurs qui, depuis les années 80, ont accordé leur attention au travail symbolique des organisations militantes. En réaction à l’essoufflement des théories de la mobilisation des ressources aux Etats-Unis et à celles des nouveaux mouvements sociaux en France perçues comme trop dépendantes de leur contexte d’énonciation, une nouvelle approche issue de l’interactionnisme symbolique se développe. Le préalable à partir duquel se construisent ces nouvelles théories consiste en une appréhension des mouvements sociaux comme producteurs de significations. Sans ce travail symbolique, la contestation d’un état de fait ne peut qu’être étouffée par le statu quo. Ce n’est qu’à travers ce travail de requalification qu’une situation donnée peut être considérée comme n’allant plus de soi. C’est un travail de démonstration de l’utilité et d’incitation à l’action. Il s’agit d’aborder les perceptions que les individus ont d’eux-mêmes et de leur situation comme le moteur de leur action. Le cadre goffmanien devient ce par quoi une organisation ou une communauté articulent l’identification d’un problème, la désignation des responsables et la proposition de solution. Ce bricolage symbolique est destiné à convaincre de l’utilité de l’action et de sa capacité à faire évoluer une situation perçue comme problématique. Pour le moment, nous ne traiterons pas des travaux relevant de la sociologie de la mobilisation pour nous concentrer sur ceux qui s’attachent prioritairement aux médias et à leurs discours (cadrage médiatique [news framing]).

Notes
168.

Pour un panorama des usages de la notion de cadre en sciences sociales et humaines: FISHER Kimberly, «Locating Frames in the Discursive Universe », Sociological Research Online, n°3, 1997. En ligne. URL : http://www.socresonline.org.uk/socreonline/2/3/4.html . Consulté le 10 octobre 2002