IV.1. Dimension constructiviste : le cadrage comme processus

Dans une acception minimale, le constructivisme est une perspective d’approche de la réalité sociale comme construction dynamique des acteurs individuels et collectifs. Dans le cadre des discours médiatiques, le constructivisme consiste, là encore dans une définition minimale, à postuler que la représentation de la réalité sociale relayée par les médias relève d’une construction et que le monde phénoménologique est informe, chaotique et privé de sens.

La fonction du cadre est de faire converger les regards. Il prélève des fragments du présent pour les articuler au stock de connaissances socialement, bien qu’inégalement, partagé. Il agit en fondant des alliances entre des éléments de la réalité sociale et contribue à une contingence nécessaire. Bref, du désordre du monde phénoménal, il configure (il n’extrait pas) le sens. C’est donc ainsi que les médias diffusent une information qui s’institue comme forme de connaissance partagée.

Le transfert de la théorie des cadres d’Erving Goffman à l’analyse des médias fait apparaître une difficulté. Le concept de cadre primaire, important chez l’auteur, fait courir le risque d’une régression infinie. En effet, les discours médiatiques se nourrissent de discours déjà tenus, déjà cadrés qu’ils se limitent à reconfigurer. Mais ces discours déjà tenus sont eux-mêmes des reconfigurations de discours (le discours d’une organisation militante offre un cadre nourri des discours de ces militants ; l’Agence France Presse offre un cadre nourri des discours de ses sources ; etc.). Il semble que seul l’arbitraire peut éluder (à défaut de corriger) cette difficulté : nous considérerons donc que ce sont les sources (autrement dit les acteurs sociaux) qui offrent les cadres dits primaires que la reconfiguration médiatique modélise.

Interroger ainsi la notion de cadre primaire, c’est rappeler que les cadres médiatiques ne relèvent pas de l’invention mais qu’ils s’inscrivent au cœur d’un système. Le journaliste n’invente pas, il reconfigure et évolue au cœur d’une discursivité sociale conçue comme système.