IV.3.3. Cadre et idéologie

Si le récit a connu son heure de gloire en sciences sociales et humaines (« tout est récit »), il en est de même d’un « tout est idéologie » qui se caractérise par un plus important et vertigineux éclatement des définitions proposées. Néanmoins, un consensus se dégage au cours des années 70 pour accepter une conception minimale commune. Raymond Aron propose ainsi de la définir comme un « système global d’interprétation du monde »231. A partir de cette acception minimale apparaissent deux lectures de l’idéologie :

Dans les deux cas, l’idéologie vise la signification, l’interprétation et la connaissance du monde. Mais là où l’idéologie vise une réponse interprétative globale, le cadre ne fournit qu’une réponse relative à une occurrence-événement ou, du moins, à un type d’occurrence-événement. De plus, si l’on s’en tient à la lecture althussérienne, il faut remarquer que le processus de cadrage se distingue de l’idéologie en ce qu’il ne peut pas être assimilé à une « déformation imaginaire » et reste bel et bien inscrit dans une problématique de la connaissance. Si, au contraire, l’on adopte une conception plus large de l’idéologie, sans doute, comme dans le cas du récit, pouvons-nous la concevoir comme une ressource culturelle dans le processus de cadrage.

Bien que les cadres soient enracinés dans un système culturel plus large, ils ne peuvent néanmoins être réduits au statut de produit de la domination idéologique. Issus des interactions sociales, les cadres sont le produit des conflits d’imposition du sens à l’œuvre dans la société et au sein desquels les acteurs peuvent articuler, amplifier, minorer des segments d’idéologies existantes.

Notes
231.

ARON Raymond, L’opium des intellectuels, Paris : Gallimard, 1968, p. 375

232.

ALTHUSSER Louis, « Idéologie et appareils idéologiques d’Etat. Note pour une recherche », Positions, p. 67-125, 1976, p. 100-101

233.

ALTUSSER Louis, Pour Marx, Paris : Maspero, 1965, p. 238